Numéro d'ordre (selon Janauschek) | XXIII (23)[1] |
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Fondation | 1126 |
Fin construction | 1175 |
Dissolution | 1791 |
Abbaye-mère | Bellevaux |
Lignée de | Morimond |
Abbayes-filles |
040 - Neubourg (1130-1791) 126 - Frienisberg (1131-1528) 078 - Kaisheim (1133-1802) 080 - Lieu-Croissant (1134-1790) 125 - Salem (1137-1804) 138 - Pairis (1138-1792) 514 - Saint-Urbain (1194-1848) |
Congrégation | Ordre cistercien |
Protection | Inscrit MH (1996, ancienne enceinte avec portail, pont, grande fontaine, jardins avec terrasses et escalier, portail de la maison de l'abbé, parties basses de l'ancienne grange, parties basses de l'ancienne forge, ancienne hôtellerie avec décors intérieurs, sol avec vestiges)[2] |
Coordonnées | 47° 25′ 20″ N, 7° 14′ 47″ E[3] |
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Pays | France/ Suisse |
Province | Comté de Bourgogne |
Région / Canton | Alsace / Jura |
Département / District | Haut-Rhin / Delémont |
Commune française / suisse | Lucelle / Pleigne |
L'abbaye de Lucelle, traduit par « ermitage des bois[4] » ou « monastère de lumière[5] »[6], est une ancienne et illustre abbaye cistercienne, située pratiquement sur la frontière entre la France et la Suisse actuelle (département français du Haut-Rhin et canton suisse du Jura).
La rivière la Lucelle séparait aux XIe et XIIe siècles les comtés de Sogren, de Ferrette et d'Oltingen. La famille d'Oltingen avait acquis d'immenses domaines le long du revers méridional du Jura jusqu'au bassin de l'Ajoie. Au XIe siècle une alliance était conclue entre les Oltingen et les Neuchâtel par le mariage d'Emma de Glâne, fille de l'union de Pierre de Glâne et d'une fille de Conon d'Oltingen, avec Rodolphe Ier de Neuchâtel.
Bourcard de Fenis[7], évêque de Bâle, obtient de l'héritage paternel les terres dans les "franches-montagnes" et en Ajoie. Mangold Ier de Neuchâtel, frère de Bourcard, mariera sa fille à Amédée Ier de Montfaucon et de cette union naîtra Richard II de Montfaucon. Ce dernier, avec l'aide de ses cousins, va fonder l'abbaye de Lucelle.
La fondation de l'abbaye se fera grâce à Berthold de Neuchâtel, évêque de Bâle et parent de Bourcard, qui renoncera à sa charge et se retira à l'abbaye de Lucelle. En 1123, sous son épiscopat, il cède à ses neveux Hugues et Amédée, tous deux fils de Welf de Montfaucon, et à leur cousin Richard II[8], fils du seigneur Amédée Ier de Montfaucon (puissante famille des seigneurs de Montfaucon) du Comté de Bourgogne[9], le terrain pour ériger l'abbaye, la dotant d'un important domaine. La même année, la première pierre de l'église est bénie selon la légende par saint Bernard lui-même, et elle devient ainsi la première abbaye cistercienne à s'installer en Alsace. Pons, abbé de Bellevaux, y envoya une colonie de douze premiers moines sous la direction d'Étienne qui devint le premier abbé de Lucelle.
Armoiries : D'argent, à l'église de même et un toit de gueules, et à la bordure d'azur chargée d'étoiles d'or[10].
Armoiries variantes : Écartelée au premier et au quatrième des deux armoiries propres à Lucelle, au troisième de Montfaucon-Montbéliard, au quatrième de Citeaux[10].
Après la donation des terres par les Montfaucon et la bénédiction de Bernard de Clairvaux, l'abbé Étienne se voyait pourvu de la lourde tâche de faire vivre cette abbaye. Formé à l'abbaye de Morimond en 1115 puis à celle de Bellevaux en 1119, deux abbayes cistercienne qu'il verra sortir de terre, l'abbé Étienne s'attache l'aide du prieur Albéric. Tous deux vont réussir à faire venir jusqu'à 60 moines, ce qui permettra de peupler les trois premières filles de Lucelle. Le successeur et compagnon d'Étienne s'attache lui à faire au plus vite confirmer les privilèges du monastère et à pourvoir les abbayes de Frienisberg, Salem et Pairis. En 1138 il se voyait chargé de la direction du monastère de Petit-Lucelle qu'Oudelard de Sogren venait de fonder. En 1124 l'église abbatiale est consacrée par Achéric, archevêque de Besançon.
Très vite l'abbaye eu une telle renommée que plus de 200 moines y résidaient à la fin du XIIe siècle. parmi eux le jeune Henri de Horbourg qui se préparait à monter sur le siège épiscopal de Bâle. Sous Conrad IV le titre de vicaire-général de l'ordre de Citeaux en Germanie est donné à l'abbé de Lucelle.
Au cours des années, l'abbaye va obtenir la propriété de maisons à Bâle, Mulhouse, Altkirch, Cernay, Ensisheim, Porrentruy (nommée « la cour des moines »). Des receveurs administraient les biens du monastère à Bâle, Neubourg, Mulhouse, Thann, Cernay, Ensisheim, Kientzheim, Altkirch, Mœrnach, Oltingen et Porrentruy. Elle possède des droits de dîmes dans plus de 80 localités. et devient propriétaire de la seigneurie de Löwenbourg[11] en 1526.
Sur ses terres d'une surface considérable, l'abbé avait des droits régaliens sur la chasse, la pêche, les cours d'eau, l'exploitation de mines de fer, la justice (un officier civil en assurait l'exercice et un gibet était dressé à Löwenbourg). Elle possédait un haut fourneau et une forge ainsi qu'une tuilerie, des moulins et des métairies. Plusieurs vastes forêts et de grands prés fournissaient le bois et le fourrage nécessaire. Elle possèdera une quinzaine de « granges » en Alsace et dans l'évêché de Bâle qui seront réunies par la suite en prieuré-fermes.
L'empereur Henri V confirma les possessions de l'abbaye en 1125 et la prit sous sa protection. En c'est au tour de Rodolphe Ier du Saint-Empire de faire de même. Puis Charles IV en 1370 et Louis XIV en 1645. Sa renommée et son statut auprès des souverains firent de Lucelle un lieu favori pour les enfants de la noblesse de la région qui voulaient embrasser la vie monastique. Les Asuel, les Pleujouse, les Bonfol, les Montbéliard, les Sogren, les Mersperg et les Montjoie, parmi d'autres, la dotèrent et lui confièrent leurs cadets.
L'abbaye de Lucelle sera à l'origine de nombreuses abbayes cisterciennes du Saint-Empire romain germanique :
Sous sa direction elle aura la gestion de plusieurs couvents et prieurés :
À la suite d'un séisme, l'abbaye doit être reconstruite et la nouvelle abbatiale gothique est consacrée en 1346. L'église, entièrement réservée aux moines, mesurait 62 m de longueur et 20 m de largeur. En 1525, elle ne compte pas moins de 18 autels.
Incendié par les Suisse après la bataille de Dornach en 1499, puis dévastée par un incendie en 1524, l'abbaye vit fondre sur elle la révolte des paysans d'Alsace l'année suivante. Endommagée durant la guerre de Trente Ans, qui voit les moines quitter Lucelle pour aller se réfugier au Petit-Lucelle alors situé en territoire soleurois, et par un incendie en 1699, l'abbatiale est dotée d'un riche mobilier baroque, de nouvelles cloches et de nouvelles orgues.
En 1792, l'abbaye, alors la plus riche abbaye cistercienne d'Alsace, est fermée. Elle était dirigée par Dom Benoît Noblat et comptait 45 moines. Elle est vendue le de cette année à un particulier pour la somme de 42 912 livres tournois. Elle fut démolie en grande partie et le mobilier baroque vendu aux enchères publiques, se retrouvant ainsi aujourd'hui dans plusieurs communes du Haut-Rhin ou de Haute-Saône. Seul un bâtiment fut conservé pour servir de douane. Le un haut fourneau était érigé sur le site.
L'actuel hameau de Lucelle s'est développé sur le site de l'ancienne abbaye ; il est partagé entre la commune française de Lucelle et la commune suisse de Pleigne