Jules Dumont, dit Albert Brasseur, né le à Paris 11e et mort le à Maisons-Laffitte, est un comédien, chanteur lyrique et directeur de théâtre français.
Fils du de l’acteur parisien à succès, Jules Brasseur, ce dernier, le destinant à Saint-Cyr, a fait suivre des études de sciences et de lettres au lycée Condorcet, qui ne devaient pas avoir plus de succès que celles que lui-même avait entreprises à Charlemagne[a]. Ayant toujours entendu parler des auteurs, des artistes, il se sentait instinctivement attiré par la carrière théâtrale et demandait un rôle à son père, qui lui répondait de préparer Saint-Cyr et ne pas s’occuper pas des comédiens[2].
Le hasard a un jour fini par venir au secours de ses aspirations lorsqu’à la veille de distribuer l’opérette La Fleur d’Oranger d’Alfred Hennequin et de Victor Bernard, sur une musique d’Auguste Coédès, que Brasseur père était en train de monter aux Nouveautés les auteurs ont auditionné Céline Montaland pour un rôle de collégien, qu’elle devait jouer en travesti. Hennequin, qui assistait à l’audition, jugeant vite cette comédienne insuffisante, et comme personne n’était là pour la remplacer, les auteurs — et le directeur — ont prié le jeune Brasseur, âgé de 17 ans à peine, qui se trouvait là de prendre la brochure et de lire le texte[3].
Une fois, le rôle lu, Hennequin s’écrie : « Mais il est délicieux, ce petit-là ! Il est amusant comme tout ! c’est lui qui devrait jouer notre pièce ! » Malgré les protestions du père, comme aucun interprète convenable n’avait été trouvé pour le rôle, le jour de la première, il devait faire son entrée en scène par la fenêtre du premier étage en descendant au long d’un treillage, mais rate son entrée et tombe au milieu du théâtre, déclenchant l’hilarité du public, redoublée encore par sa mine ahurie. C’est un triomphe. À l’entracte, tout le monde se précipite sur Brasseur père pour lui demander quel est donc « ce petit bonhomme si cocasse. » Et le père de répondre : « Je ne sais pas. Un débutant. Il s’est engagé sous le nom d’Albert. Mais il ne veut pas continuer à faire du théâtre. Ne vous emballez pas sur lui[3]. »Henri Meilhac et Sarcey, qui se trouvaient dans la salle, lui ont prédit une belle carrière et sont arrivés à décider le père à faire de son fils un comédien[2].
À vingt ans, il crée la Cantinière, Babolin, le Royaume des femmes, Adam et Ève. À son retour du régiment, il crée aux Nouveautés, Serment d’amour, le Château de Tire Larigot, l’Amour mouillé, le Roi de carreau, Ménages parisiens. Réclamé par toutes les scènes du Boulevard, il passe, en février 1890, au Variétés, où il restera 24 ans[2].
Entre autres créations dans ce théâtre, on l’a vu dans Paris, port de mer, Les Variétés de l’année, le Cabinet du diable, le Pompier de service, Paris qui marche, le Premier mari de France, le Sire de Vergy de Claude Terrasse. Il a défendu le répertoire d’Offenbach et d’Hervé, avec la Vie parisienne, les Brigands, Orphée aux Enfers, l’Œil crevé, Chilpéric, le Petit Faust, Geneviève de Brabant, où il triomphe, le , il crée, au théâtre des Variétés, dans le rôle de Pitou[4].
Quand Henri Lavedan donne le Nouveau Jeu et le Vieux Marcheur aux Variétés, il désigne tout de suite Albert Brasseur comme interprète. Maurice Donnay le désire pour Éducation de Prince et Alfred Capus le réclame pour la Veine et les Deux Écoles. Les auteurs attitrés des Variétés, Caillavet et Robert de Flers vont écrire pour lui des rôles lui permettant de déployer sa prodigieuse fantaisie, autant de personnages autant de succès, comme le Sire de Vergy, Monsieur de la Palisse, Miquette et sa mère, le Roi, le Bois Sacré, l’Habit Vert[2].
À la veille de la guerre, il interprète Ma tante d’Honfleur, de Paul Gavault. Pendant les hostilités, il est le pensionnaire de Hertz et Coquelin à la Porte Saint-Martin et l’Ambigu, il y reprend la Roussotte, Lili, Mam’zelle Nitouche, le Vieux Marcheur et y crée le Système D. Dès l’armistice, il joue au Théâtre Michel, où il crée Quand le diable y serait, de Rip et Gignoux, avant de passer à l’Athénée pour y jouer le Parada fermé. C’est alors que Gustave Quinson l’engage au Palais-Royal. Il a, en outre, été l’interprète de Pierre Veber, d’Yves Mirande, et c’est dans une revue de Rip qu’il a créé ses derniers rôles. C’est là qu’il a reçu le ruban de chevalier de la Légion d’honneur[2].
Après une dernière apparition au théâtre du Palais-Royal, en 1930, il se retire de la scène, après avoir perdu sa voix[b]. En plus du théâtre, chaque été, en compagnie de son frère Jules Brasseur, il entreprenait une tournée dans les villes d’eaux, en Belgique, en Italie, en Espagne, à Londres et même en Amérique du Sud[2]. Comme dramaturge, il est l'auteur de plusieurs pièces de théâtre dont la Crémaillère et Le Soulier de Jacquot. Dans ses dernières années, il s’était retiré dans sa propriété de Maisons-Laffitte où il avait joué tout enfant, aux côtés de ses parents et de son frère. Il y vivait « en sage », évoquant ses souvenirs de carrière lorsque, atteint d’une crise d’angine de poitrine, il s’est éteint, le lendemain matin, dans les bras de son épouse, la chanteuse et actrice Juliette Darcourt, qu’il avait épousée, le [2].
↑le père de Jules Brasseur, qui le destinait au commerce, lui avait fait faire de solides avant de le placer comme commis chez un gantier. En vain[1].
↑Les dernières fois où il avait joué, sa voix était si enrouée qu’un soir, un spectateur s’est permis une réflexion désobligeante. Brasseur, sans bien comprendre, a continué, mais, à l’entracte, il a demandé au camarade à qui il donnait la réplique ce que le quidam avait dit. « — Je n’ai pas compris non plus, dit l’autre, mais je connais ce zèbre. C’est un ancien camarade de régiment, un nommé Faucon. — En tous les cas, il est rudement bien imité ! dit Brasseur, qui avait la repartie prompte[5]. »