République fédérale d'Ambazonie
(en) Federal Republic of Ambazonia
Drapeau de l'Ambazonie |
Emblème |
Devise | en anglais : One Nation, One Destiny, Under God (« Une nation, un destin, sous Dieu ») |
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Hymne | en anglais : Hail Ambazonia, Land of Glory (« Vive l'Ambazonie, terre de gloire ! ») |
Forme de l'État | République fédérale |
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Revendiqué par | Cameroun (régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest) |
Langue officielle Langues nationales |
Anglais pidgin camerounais, langues des Grassfields, oroko, langues manenguba, kenyang et duala |
Capitale | Buéa |
Plus grande ville | Bamenda |
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Superficie totale | 43 700 km2 |
Fuseau horaire | UTC +1 |
Entité précédente | |
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Indépendance | Cameroun |
Déclarée |
Gentilé | Ambazonien, Ambazonienne |
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Population totale (2015) | 3 521 900 hab. |
Densité | 81 hab./km2 |
Monnaie | Franc CFA (CEMAC), AmbaCoin |
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Code ISO 3166-1 |
CMR, CM |
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Domaine Internet | .cm (de facto), .ab (de jure) |
Indicatif téléphonique | +237 |
L'Ambazonie, en forme longue la république fédérale d'Ambazonie, également appelée Amba Land (en anglais : Ambazonia, Federal Republic of Ambazonia et Amba Land), est un État autoproclamé dans les deux régions anglophones du Cameroun, le Nord-Ouest et le Sud-Ouest.
Le nom « Ambazonie » provient de la baie d'Ambas, mentionnée sur les cartes des navigateurs qui ont sillonné la région aux XVIe et XVIIe siècles[1].
Le nom « Ambazonie » est inventé au milieu des années 1980 par l'avocat Fongum Gorji Dinka, en réponse au ressentiment de la minorité anglophone à l'égard du gouvernement majoritairement francophone et à ses revendications d'indépendance[2].
Le , sur fond de crise socio-politique dans les régions anglophones, Sisiku Julius Ayuk Tabe déclare symboliquement leur indépendance sous le nom de république fédérale d'Ambazonie, suivi d'une répression par les forces de l'ordre se soldant par des morts, des blessés, des émeutes, barricades, manifestations, couvre-feu, etc[3].
Un gouvernement intérimaire est formé officiellement le [4]. Sisiku Julius Ayuk Tabe assume alors le rôle de président de l'Ambazonie et le Front uni du consortium Ambazonie-Cameroun méridional (FUCACM) forme un gouvernement intérimaire[5]. Lorsque le FUCACM se transforme en gouvernement intérimaire, un conflit fait rage depuis près de deux mois dans les régions anglophones. Plusieurs groupes armés séparatistes sont actives, la plus importante étant les Forces de défense de l'Ambazonie (FDA). Celle-ci dépend du Conseil de gouvernement de l'Ambazonie (AGovC), dirigé par Lucas Ayaba Cho. Le gouvernement intérimaire rejette d'abord l'idée d'une lutte armée, préférant la désobéissance civile et une campagne diplomatique. Début novembre 2017, le gouvernement intérimaire condamne une attaque des FDA visant des gendarmes[6].
La présidence de Sisiku Julius Ayuk Tabe prend fin début janvier 2018 lorsque lui et 46 de ses partisans sont arrêtés au Nigeria et extradés vers le Cameroun[7].
À la suite de l'arrestation de la plupart des membres du gouvernement intérimaire de l'Ambazonie, Samuel Ikome Sako est élu président par intérim, via la mobilisation de la diaspora en février 2018, formant un collège électoral[8]. Dans une tentative d'unir plusieurs milices locales sous une seule bannière, le gouvernement intérimaire crée le Conseil d'autodéfense de l'Ambazonie (ASC) en mars 2018. Bien que l'ASC soit numériquement plus important que les FDA, il ne dispose pas d'une structure de commandement centralisé et constitue davantage un organe de coopération qu'une organisation unique[9].
En décembre 2018, le président Samuel Ikome Sako cherche à faire disparaître les divergences entre le gouvernement intérimaire et les Forces de défense de l'Ambazonie, qui elles, sont fidèles à l'AGovC[10].
Le , il annonce qu'une police d'escadron mobile sera mise en place et que les séparatistes abandonneront leur stratégie défensive et passeront à l'offensive. Il promet également de prendre des mesures contre toute personne impliquée dans l'enlèvement de civils, phénomène qui est devenu un problème croissant dans l'ex Cameroun méridional[11]. Le , le gouvernement intérimaire et plusieurs mouvements décident de créer le Conseil de libération du Cameroun méridional. Celui-ci vise à constituer un front uni et est composé à la fois de séparatistes et de fédéralistes[12]. Cependant, malgré ses tentatives d'unification des séparatistes, des critiques apparaissent s'agissant du cabinet Samuel Ikome Sako qui est accusé d'incompétence et de détournement de fonds[13].
Le , un document signé par Sisiku Julius Ayuk Tabe déclare que le cabinet intérimaire, dirigé par Samuel Ikome Sako, est dissous. Le précédent cabinet, dirigé par Sisiku Julius Ayuk Tabe est de nouveau rétabli. Le document met en avant la reconnaissance du travail accompli par le cabinet dirigé par Samuel Ikome Sako mais affirme que les querelles intestines l'ont rendu inefficace : « le cabinet intérimaire a perdu la capacité de réconcilier notre peuple et, ce faisant, a mis en péril l'identité et la mission du gouvernement intérimaire d'achever la décolonisation du Cameroun méridional en faisant progresser nos intérêts nationaux collectifs »[14].
Ce document déclenche une crise de leadership, au sein du gouvernement intérimaire car le cabinet dirigé par Samuel Ikome Sako refuse de démissionner. En juin, le Conseil de restauration de l'Ambazonie met en accusation Sisiku Julius Ayuk Tabe pour « faute de trahison » et déclare qu'un véritable changement dans le leadership sera initié dans les trois mois. L'AGovC apporte alors son soutien à Sisiku Julius Ayuk Tabe[15]. En août, l'AGovC s'allie officiellement à la faction du gouvernement intérimaire, dirigée par Sisiku Julius Ayuk Tabe[16].
Malgré l'emprisonnement et les luttes internes au sein du gouvernement intérimaire, Sisiku Julius Ayuk Tabe est toujours considéré plus influent que Samuel Ikome Sako.
Le 20 août 2019, Sisiku Julius Ayuk Tabe et dix autres de ses partisans sont condamnés à perpétuité par un tribunal militaire de Yaoundé[17].
Le , Marianta Njomia est élue présidente, remplaçant ainsi Samuel Ikome Sako[18]. En septembre 2022, le porte-parole du mouvement séparatiste Chris Anu affirme avoir été élu président[19].
Les séparatistes affirment que l'Ambazonie est gouvernée par le « Gouvernement intérimaire de l'Ambazonie », en tant que gouvernement provisoire en exil[20]. Au cours du conflit, cependant, ce gouvernement en exil s'est scindé à plusieurs reprises, entraînant des luttes intestines et plusieurs factions se réclamant de la direction légitime de l'Ambazonie[21].
Malgré les conflits internes du gouvernement intérimaire, ses membres et d'autres activistes en exil ont conservé une certaine influence sur les milices séparatistes opérant au Cameroun même. Par exemple, les exilés séparatistes ont organisé des campagnes de collecte de fonds qui comprenaient l'introduction de leur propre crypto-monnaie, l'AmbaCoin ; l'argent résultant est ensuite utilisé pour acheter des armes pour les milices sur le terrain. Les commandants de certaines milices opèrent également à partir de l'exil[21],[22].
Afin de donner une certaine cohésion au mouvement séparatiste et de renforcer l'idée d'un État-nation ambazonien, les activistes en exil ont également créé une série d'autres organisations pour soutenir le gouvernement intérimaire. Il s'agit notamment du « Southern Cameroons Ambazonia Consortium United Front » (SCACUF), de la « Southern Cameroon Broadcasting Corporation » (SCBC) pour diffuser la propagande, et d'un « Southern Cameroon Ambazonia Education Board » (SCAEB) pour appliquer un nouveau programme scolaire dans les écoles des zones rebelles[23]. Actuellement, une proposition des membres du gouvernement intérimaire de l'Ambazonie en exil stipule que la République fédérale d'Ambazonie serait une fédération composée de trois États autonomes (cependant, dans la constitution proposée à l'article 1, section 1.a, ce nombre peut être sujet à changement).
Les rebelles séparatistes impliqués dans la crise anglophone au Cameroun se considèrent comme loyaux envers l'Ambazonie et utilisent les symboles nationaux de l'État autoproclamé, mais ils sont divisés en dizaines de milices, souvent concurrentes, et avec des allégeances politiques changeantes[24],[25]. Les commandants des milices ont été décrits comme des « seigneurs de guerre » par des chercheurs[26]. Les séparatistes armés sont appelés localement « Amba Boys »[27]. Les milices varient généralement en taille, allant de petits groupes à des alliances comptant des centaines de membres[28],[27],[29],[30]. Les milices rebelles sont principalement recrutées parmi les jeunes anglophones qui ont soit perdu des membres de leur famille aux mains des forces armées camerounaises, soit pensent qu'ils n'ont pas d'avenir sur le marché du travail d'un Cameroun francophone.
De nombreux groupes de guérilla rejoignent le Conseil d'autodéfense de l'Ambazonie (ASC), qui dépend du gouvernement intérimaire. Les principaux groupes non membres de l'ASC comprennent les Forces de défense de l'Ambazonie (FDA) et les Forces de défense du Cameroun méridional (FDCM), qui coopèrent tous deux avec l'ASC à un certain niveau[31]. Il existe également des dizaines de milices plus petites. Les groupes d'insurgés diffèrent considérablement dans leurs objectifs et leurs méthodes, bien qu'ils bénéficient généralement d'un certain niveau de soutien populaire au sein de la population rurale[26]. La plupart d'entre eux se livrent à un certain niveau à des activités criminelles telles que l'enlèvement contre rançon pour subvenir à leurs besoins[26]. La plupart des groupes rebelles se livrent à un certain niveau à des activités criminelles telles que l'enlèvement contre rançon et la taxation illégale[32] de l'industrie locale du cacao pour subvenir à leurs besoins[32].
Un nombre significatif de rebelles utilisent également la religion pour justifier leurs opérations. La magie protectrice et les charmes (odeshi) sont importants pour de nombreux insurgés, mais des « versets bibliques et coraniques décontextualisés » sont également utilisés dans les vidéos de propagande. Des chefs rebelles tels que le général No Pity laissent publiquement entendre qu'ils bénéficiaient d'une protection mythique et religieuse pour améliorer leur réputation[33].
Les séparatistes sont très présents sur Internet et utilisent efficacement les réseaux sociaux pour diffuser leurs idées. Au début de la crise anglophone au Cameroun, la « Ambazonian Broadcasting Co-operation » (formée par des exilés) est un canal majeur de diffusion de la propagande et de la désinformation au Cameroun pour inciter les anglophones à se ranger du côté des rebelles. Au cours de l'insurrection, les insurgés formulent également leur lutte en termes religieux pour gagner du soutien[33].
Les Ambazoniens utilisent généralement le pidgin camerounais. Cependant, les séparatistes développent également un argot unique dans le contexte de l'insurrection[34]. Par exemple, les rebelles appellent leurs camps « églises »[34], ce qui donne une signification spirituelle plus profonde à ces lieux importants où les insurgés peuvent s'organiser et se cacher[34]. Le chercheur Roderick Lando a également émis l'hypothèse que le terme « église “ était lié aux rituels des rebelles invoquant la magie protectrice dans leurs camps[34]. De même, certains rebelles qualifient leurs armes de « bibles » et leurs attaques de « croisades », tandis que d'autres utilisent les termes « canne à sucre » ou « bâton » pour les armes et « arachides » pour les cartouches[34]. Lando affirme que l'utilisation de termes plus sacro-saints par certaines factions rebelles seulement est peut-être le résultat de désaccords internes au sein du mouvement séparatiste[34]. En revanche, l'expression « frying popcorn » pour les situations de combat est très courante parmi les rebelles[34]. Lorsque les rebelles déclarent qu'ils ont « gaspillé » un individu, ils décrivent un assassinat[34]. Les traîtres sont appelés « blacklegs ». Les personnes amputées, souvent à la suite de tortures infligées par les milices rebelles, sont qualifiées de « manches courtes »[34], tandis que l'acte de couper les doigts d'une personne est appelé « garri »[34].