Angelo De Gubernatis, né le à Turin et mort le à Rome, est un ethnologue, philologue, orientaliste, historien de la littérature et dramaturge italien.
Très tôt impliqué dans la vie politique et scientifique de l’Italie au lendemain du Risorgimento, ce polygraphe francophile d’une extraordinaire vivacité d’esprit, d’une inlassable activité physique a écrit sur une variété de des sujets allant de la mythologie comparée, le folklore, la littérature, à la biographie, et beaucoup voyagé, fondant des revues, des sociétés, des musées. Sanskritiste distingué, il a longtemps occupé les chaires de sanscrit et de littérature indienne à la Sapienza de Rome[1], et joué un rôle de premier plan dans l’introduction des cultures étrangères dans l’Italie unifiée[2].
D’une famille d’origine grecque anoblie en Provence[1][a], De Gubernatis a fait ses études à l’université de Turin notamment sous la direction de l’écrivain Michele Coppino, du latiniste Tommaso Vallauri et de l’historien Ercole Ricotti[4]. Avant même d’avoir obtenu son diplôme, il était déjà professeur au gymnase de Chieri. En 1862, il se fait recevoir docteur avec une thèse historique contre les droits du Pape au pouvoir temporel, qui lui a valu les attaques des journaux cléricaux de la ville[5].
Dès son retour à Florence, en , il a été nommé, par décision directe de Michele Amari, le célèbre orientaliste et ministre de l’Éducation en poste à l’époque, à la chaire de sanskrit et de philologie comparée à l’Istituto di Studi Superiori de Florence, où il devait fonder un musée indien et une Société asiatique italienne[6][b].
En 1865, il démissionne, pour motifs politiques, de cette chaire après son recrutement dans la Fraternité bakouninienne par Giuseppe Mazzoni, chez Giuseppe Dolfi. Un temps mobilisé par l’agitation sociale, il se brouille bientôt avec Bakounine après que celui-ci a brocardé son patriotisme[c], et rompt avec le révolutionnaire anarchiste[d], non sans avoir épousé sa cousine[e], la peintresse et traductrice russe, Sofia de Besobrasof[f], que ce dernier lui avait présenté lorsqu’elle était venue passer l’hiver à Florence.
Vers la même époque, en 1867[7], il réintègre sa chaire à Florence[g]. Parlant aussi couramment le français[h], l’anglais, l’allemand, le roumain[i], que sa langue maternelle, il a été un grand voyageur[3]. En 1869, il entreprend son premier voyage en Russie, où il retournera au mois de septembre de l’année 1876, comme délégué du Gouvernement italien au Congrès International des Orientalistes à Saint-Pétersbourg. Il visite la France à trois reprises. Au printemps de l’année 1878, il donne, à l’invitation de l’Institution Taylor, trois lectures sur Manzoni à l’université d'Oxford. Au mois de septembre de la même année, il est comme secrétaire-général du Congrès International des Orientalistes réuni à Florence[7]. En septembre 1881, il assiste au Congrès des Orientalistes de Berlin. Au commencement de l’année 1885, il entreprend un voyage de deux mois en Hongrie et en Transylvanie. Au mois d’aout de la même année, il part pour l’Inde, où il passera huit mois[7], s’initiant aux mystères de la religion hindoue[j]. Une partie de la collection des artéfacts qu’il a recueillis au cours de ce voyage est au Musée d’Anthropologie de Florence[4]. 1898 le voit à Jérusalem.
Ayant écrit ses premières pièces de théâtre dès l’âge de dix-sept ans[4], il a traduit plusieurs drames indiens et composé diverses pièces originales. Ses œuvres littéraires et poétiques comprennent les drames Gala, Romolo, Il Re Nala, Don Rodrigo, Savitri, etc[4]. On lui doit pareillement de nombreux articles de revues et la création de plusieurs périodiques[12]. Il a notamment fondé : Letteratura Civile (1859) ; Italia Letteraria (1862) ; Civiltà Italiana (1865) ; Rivista Orientale (1867-68) ; Rivista Europea (1869-1876) ; Bollettino Italiano degli Studii Orientali (1876-80) ; Cordelia (1880-83) ; Revue Internationale (1883-1887) ; Giornale della Società Asiatica Italiana (1887-89)[7].
Il a collaboré au Diritto, à la Monarchia Nazionale, à la Rivista Contemporanea, au Mondo Illustrato de Turin, au Museo di Famiglia, au Politecnico, à la Rivista minima, à la Perseveranza de Milan, à la Gioventù, au Borghini et à la Nazione de Florence ; à la Nuova Antologia, où il a écrit, pendant dix ans, une revue des littératures étrangères (1876-1887) ; au Courrier Littéraire, à la Nouvelle Revue, à la République Française de Paris ; à l’Atheneum et à la Contemporary Review de Londres ; à l’International Review de New York ; à la Deutsche Rundschau, aux Grenzboten, à l’Auf der Höhe de Sacher-Masoch, à la Deutsche Revue allemandes ; au Wyestnik Eyropi de Saint-Petersbourg, etc[7].
En 1878, il commence le Dizionarie biografico degli scrittori contemporanei (Dictionnaire international des écrivains du jour, Florence, Louis Niccolai, 2 vols). En 1887, il devient de plus directeur du Giornale della società asiatica (Revue de la société asiatique)[4]. Ses travaux sur l’Orient, sa littérature et la mythologie hindoue, incluent également la Piccola enciclopedia indiana (Petite encyclopédie indienne, 1867), les Fonti vediche (Sources védiques, en 1868), une étude de la zoologie mythologique, en 1872, puis une autre sur la flore dans la mythologie (1878). Il a, par ailleurs, édité la monumentale encyclopédie Storia universale della letteratura (Histoire universelle de la littérature, 23 vols, Milan, U. Hoepli, 1883-1885)[4].
Au printemps 1881, le roi Humbert confirme, pour lui et pour sa descendance, le titre de comte qui avait été porté par les chefs de deux branches, alors éteintes, de sa famille[7]. Désormais un éminent orientaliste, poète et linguiste, le « Max Müller italien[13] » intègre, en 1891, l’université La Sapienza de Rome[4].
Pacifiste convaincu, il a fait partie de la commission du Bureau international de la Paix de 1910 à 1912[14], et dédié, en 1890, à Renan, un livre sur la France, où il préconisait la constitution d’une triple-alliance idéaliste avec l'Allemagne, la France et l'Italie[15]. Il était membre de l’Académie roumaine, membre correspondant étranger de l’Académie d’archéologie de Belgique[16], et membre honoraire de la Société des Traditions populaires[17].
Piccola enciclopedia indiana, Rome ; Turin ; Florence, E. Loescher ; Cellini, etc., 1867.
Storia comparata degli usi nuziali, Milano, E. Treves, 1869.
Le Novelline di Santo Stefano di Calcinaia precedute da una introduzione sulla parentela del mito con la novellina, Torino, A. F. Negro, 1869.
Mythologie Zoologique : ou Les Légendes animales [« Zoological mythology or The legends of animals »] (trad. de l'anglais par Paul Regnaud, traduit en allemand par Martin Hartmann), t. 1, Paris, A. Durand et Pedone-Lauriel, (1re éd. 1872), 2 vol. in-8º (OCLC3921874), t. 1 sur Gallica, t. 2 sur Gallica.
Matériaux pour servir à l’histoire des études orientales en Italie, 1873.
Pier delle Vigne, tragédie représentée par Ernesto Rossi, 1860.
Crescenzio, tragédie, 1860.
Don Rodrigo ultimo Re dei Visigoti, drame en prose représenté par Ernesto Rossi, 1861
La giovinezza di Sordello, drame en vers, 1862.
Jacopo Bonfadio, tragédie, 1862.
La morte di Catone, tragédie, 1863.
Il Cavalier Marino, drame en prose, 1864.
Il re Nala, trilogie dramatique, 1869-1870.La seconde partie a été traduite en allemand par Frédéric Marx.
La morte del Re Dasarata, drame en vers représenté par Ernesto Rossi, 1871.
Maya, 1872.
Romolo, drame en vers, 1873.Traduit en polonais par le comte Ladislas Tarnowski.
Romolo Augustolo, élégie dramatique, 1876.
Savitri, idylle en deux actes, en vers, 1877.Traduite en français par Julien Lugol, en anglais par José Gerson da Cunha et représenté à Bombay en dialecte goujérate.
↑Le Journal des débats écrit qu’« Angelo de Gubernatis, dont l’esprit, aussi noble que le cœur, se réclamait des origines provençales de sa race pour prodiguer à notre pays les témoignages de l’attachement le plus fidèle, le plus actif[3] ».
↑Ces deux nouvelles institutions ont été inaugurées à la présence du roi, de la reine d’Italie et du prince royal, le 14 novembre 1886[7].
↑Bakounine lui avait fait passer cet examen de maitre à disciple :
— Qu’est-ce que la patrie ? demandait Bakounine.
— C’est ma propre famille agrandie, répondait Gubernatis. Cette famille, je dois la guider vers la lumière, vers l’idéal.
— Qu’est-ce que c’est que l’idéal ? L’illumination même de ma conscience.
— Qu’est-ce que c’est que la conscience ?
Alors, irrité de ces questions, Gubernatis de s’écrier :
— Assez. Nous ne pouvons pas nous entendre. Je reprends ma liberté. De l’air ! De l’air ! De l’air[8] !
↑Dans ses mémoires, écrites pour la première fois en 1873, période de son rapprochement idéologique avec la droite, De Gubernatis a confié qu’après s’être rendu compte des défauts humains de son nouveau modèle Mikhail Bakounine, ainsi que de ses idées extrémistes, au bout d’un mois, il se repentait déjà de son choix[9]. Il a, par la suite, dit que son implication avec Bakounine avait été une des plus grandes folies de sa jeunesse[10].
↑Elle a contribué aux côtés de son mari à l’introduction des cultures du monde slave en Italie, avec sa traduction du russe le Démon, poème de Lermontof (en prose), les Eaux Printanières, nouvelle de Tourguénev, et Madame Ridneff, nouvelle de Madame Hvostchinska[7].
↑Le ministre lui avait fait savoir qu’il le réengagerait s’il voulait bien revenir sa démission[10].
↑Francophile. Gubernatis était très fier d’avoir obtenu que, lorsque l’empereur d’Allemagne avait offert à Rome la statue de Gœthe à l’entrée de la villa Borghèse, l’on plaçât à côté une statue de Victor Hugo[8].
↑« Je considère les Roumains les véritables survivants romanisés de l’ancienne Dacie ; Rome les a adoptés et civilisés ; là où les Romains les ont trouvés, c’est là qu’ils sont restés », écrit-il[11].
↑Jules Claretie avait en sa possession un portrait de lui en costume de prêtre ou de néophyte hindou[8].
↑ a et bAnnales du Musée Guimet, « A. De Gubernatis », Revue de l’histoire des religions, Paris, Presses universitaires de France, vol. 34, no 67, , p. 393 (lire en ligne).
↑Marie Bossaert, « L’Orientaliste et le Mondain : Sociabilités aristocratiques transnationales en Italie (Florence, années 1870) », Mélanges de l’École française de Rome - Italie et Méditerranée modernes et contemporaines, nos 130-2, , p. 333-348 (lire en ligne, consulté le ).
↑Angelo De Gubernatis (trad. Paul Regnaud, préf. Frédéric Baudry), Mythologie zoologique : ou Les légendes animales, Paris, Durand et Pedone Lauriel, , 459 p. (lire en ligne), iv.
↑M. Kun, K. Vargyas, « Un tournant décisif dans la vie de Bakounine : données inédites sur son évolution idéologique et sur son activité conspiratrice », Acta Historica Academiae Scientiarum Hungaricae, Paris, vol. 26, nos 1/2, , p. 27-75 (lire en ligne, consulté le ).
↑ a et bRené Berthier, « Bakounine et les « sociétés secrètes » », monde-nouveau.net, Paris, , p. 10 (lire en ligne, consulté le ).
↑Cité par René Bustan dans Les Relations roumano-hongroises dans la perspective de la construction européenne, Paris, Dubus, , 843 p., 24 cm (ISBN978-2-95246-550-2, OCLC1310201835, lire en ligne), p. 64.
↑Adolphe Bitard, « gubernatis (de) », Dictionnaire de biographie contemporaine, française et étrangère, Paris, Léon Vanier, , p. 604 (lire en ligne, consulté le ).
↑(en) Aniruddha Das, « Angelo De Gubernatis (1840-1913) : an Italian Indologist », Proceedings of the Indian History Congress, Paris, vol. 76, , p. 593-96 (lire en ligne sur Gallica, consulté le ).
↑Bureau international de la Paix, Le Mouvement pacifiste, Berne, Büchler, , 392 p. (lire en ligne), p. 136.
↑Gabriel Monod, Charles Bémont, Sébastien Charléty, « Chronique : Italie », Revue historique, Paris, Germer Baillère, vol. 38, no 113, (lire en ligne, consulté le ).
↑Académie d’archéologie de Belgique, Bulletin et annales de l'Académie d’archéologie de Belgique, vol. lxvi, t. vi, Anvers, Van Hille et Marirn, , 239 p. (lire en ligne), chap. 6, xii.
↑Société des traditions populaires, « Nécrologie », Revue des traditions populaires, Paris, vol. 28, , p. 190 (lire en ligne, consulté le ).