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Œuvres principales
L'Ankou (en breton : an Ankoù) est une personnification spectrale de la communauté des morts.
Il est associé à la mort en Basse-Bretagne, dans le cadre lignager ou paroissial, comme son serviteur (obererour ar maro). C'est un personnage de premier plan dans la mythologie bretonne[1], souvent présent dans la tradition orale et les contes bretons[Note 1].
Il est représenté soit par un vieil homme très grand et très mince soit par un squelette recouvert d'un linceul, tenant dans sa main une faux montée à l'envers pour trancher les âmes. Il collecte ces âmes dans sa charrette ou sur son bateau quand il est sur le littoral.
L'Ankou est parfois, à tort, confondu avec le diable, très présent aussi dans la mythologie bretonne.
Le nom de l'Ankou lui vient d’un dérivé en -awos sur l'indo-européen *n̥ku- « la mort » / « le mort », moyen gallois angheu, en cornique : ankow, vieil irlandais éc[3].
L'Ankou semble être un héritage de la mythologie celtique : un dieu dont la fonction est la perpétuation des cycles vitaux, comme la naissance et la mort, les saisons ou le cycle jour-nuit. Bien qu'on lui attribue désormais la faux ou la pique, son arme canonique est le « maillet béni[Note 2] »[réf. souhaitée]. Certains traits indiquent sa proximité avec le dieu gaulois Sucellos et le dieu irlandais Eochaid Ollathair, ou Dagda, qui tuent et donnent la vie avec leur arme, maillet ou massue[4]. L'Ankoù est une figure panbrittonique de cette fonction, et est appelé Anghau au Pays de Galles et Ankow en Cornouailles (Angleterre). Sa fonction a par la suite été réduite à la seule mort[5].
Le mot est masculin en breton et selon Dom Le Pelletier, dans son dictionnaire étymologique paru en 1752, il serait tout simplement le pluriel de anken qui désigne l'angoisse, la peine. Ankoù est proche de ankouaat, ou ankounac'haat, qui signifient « oublier » dans le dictionnaire Geriaoueg Sant-Ivi d'Alan Heusaff.
Dans le chant initiatique Ar rannoù (Les séries) qui introduit le Barzaz Breiz, célèbre recueil de chants traditionnels de Bretagne, il apparaît dans la dernière série comme le père de l'Anken (signifiant "angoisse" ou "douleur morale" en breton) : « Hep rann ar red hepken, Ankoù tad an Anken, netra kent, netra ken ! » (Sans série plus que la nécessité unique et l'Ankoù père de la douleur, rien avant, rien de plus).
On dépeint l'Ankou tantôt comme un homme très grand et très maigre, les cheveux longs et blancs, la figure ombragée d'un large feutre ; tantôt sous la forme d'un squelette drapé d'un linceul, et dont la tête vire sans cesse au haut de la colonne vertébrale, ainsi qu'une girouette autour de sa tige de fer, afin qu'il puisse embrasser d'un seul coup d'œil toute la région qu'il a mission de parcourir.
« L'Ankou est un vieil homme un peu voûté, aux longs cheveux blancs, très grand et d'une extrême maigreur. Il est vêtu d'une veste noire à longues basques et de braies nouées au-dessus du genou. Il porte également un feutre noir à larges bords qui masque une grande partie de son visage particulièrement hideux. Un visage sans nez, une bouche grimaçante qui s'étire d'une oreille à l'autre. À la place des yeux, deux trous noirs au fond desquels brûlent deux petites chandelles blanches[6][source insuffisante]. »
L'Ankou ne représente pas la mort en elle-même (dont le nom est issu de *mrt-), mais son serviteur : son rôle est de collecter les âmes des défunts.
On dit aussi que celui qui aperçoit l'Ankou meurt dans l'année. Remplissant ainsi un rôle de « passeur d'âmes », l'Ankou est à considérer comme une entité psychopompe.
Si l'Ankou est considéré comme étant le dernier mort du mois de décembre, on rapporte parfois que le premier mort de l'année devient son domestique (komis an Ankou : "le commis de l'Ankou" en breton) pour l'aider dans sa tâche.
Voici comment le décrit Anatole Le Braz dans son recueil de légendes La Légende de la Mort :
« L'Ankou est l'ouvrier de la mort (oberour ar marv). Le dernier mort de l'année, dans chaque paroisse, devient l'Ankou de cette paroisse pour l'année suivante. Quand il y a eu, dans l'année, plus de décès que d'habitude, on dit en parlant de l'Ankou en fonction : War ma fé, eman zo un Ankou drouk[Note 3] (Sur ma foi, celui-ci est un Ankou méchant). »
L'Ankou est accompagné de sa charrette grinçante les âmes des défunts récents. Cette charrette est nommée karr an Ankoù ou karrig an Ankou, « char de l'Ankou », ou karrigell an Ankou « brouette, petit chariot ». Lorsqu'un vivant entend le bruit de la charrette (wig ha wag !), c'est qu'il (ou selon une autre version, quelqu'un de son entourage) ne va pas tarder à passer de vie à trépas.
Le long du littoral de la Basse-Bretagne, le Bag noz (le "bateau de nuit") est au monde maritime breton l'équivalent du karrig an Ankoù sur la terre. Paul Sébillot décrit cette croyance :
« À l'île de Sein, l'homme de barre du Bag noz est le dernier noyé de l'année. Une femme dont le mari était disparu en mer sans que le corps ait été retrouvé, l'aperçut qui tenait la barre, un jour que le Bag noz passait tout près d'une des pointes de l'île. Ce bateau se montre lorsque quelque sinistre doit se produire dans les environs ; il apparaît sous une forme assez indécise à la tombée de la nuit ; son équipage pousse des cris à fendre l'âme ; mais sitôt qu'on veut s'en approcher, la vision disparaît. (...) [À Audierne] il est commandé par le premier mort de l'année[7] »
Les gens du littoral parlent d'une barque, Bag noz (« la barque de nuit »), à la place de la charrette, dans laquelle l'Ankoù recueille les anaon, les âmes des trépassés, qu'il transporte vers les rives de l'au-delà.
Dans l'un et l'autre cas, il tient à la main une faux. Celle-ci diffère des faux ordinaires, en ce qu'elle a le tranchant tourné en dehors. Aussi l'Ankou ne la ramène-t-il pas à lui, quand il fauche ; contrairement à ce que font les faucheurs de foin et les moissonneurs de blé, il la lance en avant.
On le dit parfois porteur du mell beniguet[Note 4] (« maillet béni »), utilisé pour hâter le trépas des agonisants.
Pour les Cornouaillais l'Ankou a son principal domaine dans les monts d'Arrée, où il règne en maître, et les âmes des trépassés dépendent entièrement de lui ; celles-ci fréquentent les marais, les gorges de rivières, les recoins obscurs[8]...
Graphiquement il est représenté comme un être sans âge, d'aspect non distinct puisque couvert par une cape, souvent noire (ou d'un linceul). Contrairement aux représentations squelettiques de la mort, l'Ankou est la plupart du temps représenté comme un être de chair, puisqu'il a été homme un jour. Cependant, les figurations sculptées de l'Ankou de certaines églises (La Martyre) le présentent en squelette aux orbites creuses, armé d'une flèche ou d'une faux.
Si l'Ankou est souvent représenté en Bretagne, son char l'est beaucoup moins : deux sablières, l'une datant du XVIe siècle dans l'église Notre-Dame de Grâces, l'autre dans le porche de l'église Saint-Pierre de Plougras[9].
Des lieux-dits font aussi référence à l'Ankou : le Roc'h an Ankou est un sommet des montagnes Noires près de Gourin ; Porzh an Ankou se trouve à Louargat ; Poulancou à Ploubezre ; etc.
L'Ankou fait de multiples apparitions dans les contes et légendes de Bretagne (La Légende de la mort, d'Anatole Le Braz, par exemple) ou en tant que sculpture.
Des statues de l'Ankou existent notamment à :
L'Ankou est également le nom de l'équipe de Rennes de football américain existant depuis 2003.
Les Bretons nomment la nuit de Noël « la nuit des Merveilles »[réf. souhaitée]. Au cours de cette nuit, durant la messe de minuit, l'Ankou a l'habitude de frôler de sa cape tous ceux qui ne passeront pas l'année[réf. souhaitée].
Bien que l'Ankou soit considéré comme appartenant avant tout à la tradition orale de Basse-Bretagne, on oublie bien souvent qu'il a également existé dans l'imaginaire collectif de Haute-Bretagne, en zone gallèse ou en zone débretonnisée entre le XIIe siècle et le XVIIe siècle selon les lieux, avec plus ou moins de similitudes[11]. Ainsi à Moncontour (Côtes-d'Armor), on retrouve notamment le charyo d'la mort, transcription gallo pour « le charriot de la mort », c'est-à-dire « la charrette de la mort »[12]. Dans le pays nantais, le dialecte roman local a même conservé le terme breton d'« ankou », particulièrement au nord-ouest de Nantes (pays historique de La Mée)[réf. souhaitée].