En algèbre commutative, un anneau à PGCD, ou plus rarement anneau de Gauss[1], est un anneau commutatif unitaire dans lequel tout couple d'éléments non nuls possède un plus grand diviseur commun. Dans un anneau quelconque, l'existence d'un tel PGCD n'est pas toujours acquise. Les anneaux intègres à PGCD représentent une classe d'anneaux aux propriétés arithmétiques intéressantes à tel point qu'il est fréquent que les anneaux à PGCD ne soient étudiés que dans les anneaux intègres[1],[2],[3].
Dans un anneau A, si a et b sont deux éléments non nuls de A, on dit que :
d est un PGCD (plus grand commun diviseur) de a et b si les diviseurs communs à a et b sont les diviseurs de d ;
m est un PPCM (plus petit commun multiple) de a et b si les multiples communs à a et b sont les mutiples de m.
L'existence d'un PGCD, qui est acquise dans l'ensemble des entiers relatifs, n'est pas une propriété générale à tout anneau : ainsi dans l'anneau ℤ[i√5], les éléments a = 6 et b = 2 + 2i√5 ne possèdent pas de PGCD.
Démonstration
Les éléments de l'anneau ℤ[i√5] s'écrivent u + i√5v avec u et v entiers relatifs. Le principe est de faire une recherche exhaustive des diviseurs communs de a et b pour démontrer qu'il n'en existe pas de maximum.
On remarque que, pour tout élément z de ℤ[i√5], le carré de son module, |z|2 = u2 + 5v2, est un entier. Comme les propriétés de divisibilité se transmettent aux modules, il est possible d'utiliser les propriétés de divisibilité dans l'anneau ℤ :
Soit d = u + i√5v un diviseur de a = 6 et de b = 2 + 2i√5 ; alors dans ℤ, |d|2 = u2 + 5v2 divise |a|2 = 36 et |b|2 = 24, donc divise 12.
Il n'existe qu'un nombre fini de couples d'entiers relatifs (u, v) tels que u2 + 5v2 divise 12. Une étude exhaustive conduit à exhiber les 6 diviseurs communs à a et b :
.
Les valeurs correspondantes de |d|2 étant 1, 4 et 6, cet ensemble n'a pas de maximum.
Un anneau à PGCD est un anneau où cette existence est acquise.
Soient trois polynômes non nuls P, Q, R ∈ A[X], a, b, c ∈ A leurs contenus respectifs et U, V, W les polynômes primitifsP/a, Q/b, R/c.
Remarquons d'abord que d'après le lemme de Gauss pour les polynômes, R divise P dans A[X] si et seulement si c divise a dans A et W divise U dans K[X].
Notons alors d un PGCD de a et b dans A et D un PGCD de P et Q dans K[X], que l'on peut supposer sans perte de généralité à coefficients dans A et primitif. D'après ce qui précède, R divise P et Q dans A[X] si et seulement si c divise d dans A et W divise D dans K[X], et ceci équivaut à R divise dD dans A[X]. Donc dD est un PGCD de P et Q dans A[X].
Si m est un PPCM(a, b) et puisque le produit ab est un commun multiple, on peut définir D par la relation ab=mD.
Montrons que D est un commun diviseur. Comme m est multiple de a on peut écrire m=ka et l'on a ab=kaD. L'anneau étant intègre, on en déduit b=kD et D divise b. La symétrie qui échange a et b nous donne que D divise aussi a, c'est un commun diviseur.
Il reste à montrer que si d est un commun diviseur, c'est un diviseur de D.
Définissons a' et b' par a=da' et b=db' , alors da'b' est un commun multiple, on peut l'écrire da'b'=md' , et en multipliant par d on obtient ab=dmd' soit mD=dmd' d'où D=dd' , et d est bien un diviseur de D.
On a montré que D est un PGCD.
La réciproque peut se révéler fausse ; ainsi dans l'anneau ℤ[i√5], les éléments a = 2 + i√5 et b = 3 (irréductibles) admettent 1 comme PGCD mais n'ont pas de PPCM[6],[7]. Cependant, si tous les couples (a, b) possèdent un PGCD alors ils possèdent aussi un PPCM. Un anneau intègre à PGCD est donc aussi un anneau à PPCM (et réciproquement).
Si PGCD(ac, bc) existe alors PGCD(a, b) existe et l'on a l'égalité suivante :.Cette égalité permet d'exprimer tout élément du corps des fractions d'un anneau à PGCD sous forme irréductible (unique). À nouveau, la réciproque est fausse : ainsi dans l'anneau ℤ[i√5], les éléments a = 2 + i√5 et b = 3 possèdent un PGCD mais 3a et 3b n'en possèdent pas[6].
PPCM(ac, bc) existe si et seulement si PPCM(a, b) existe[8], et l'on a donc dans ce cas :.
Un anneau intègre A est à PGCD si et seulement si son groupe de divisibilité, Frac(A)*/A×, est réticulé par les deux lois PPCM et PGCD[9]. Comme tout groupe réticulé[10], ce treillis est alors distributif, c'est-à-dire que chacune des deux lois est distributive par rapport à l'autre. Il en est donc de même pour leurs restrictions à A*/A×[11].
et a fortiori le lemme d'Euclide : tout élément irréductiblep de A est premier, c.-à-d. que pour toute paire {a, b} d'éléments de A, si p divise ab alors p divise a ou p divise b.
Par la suite, dans un anneau intègre quelconque, on notera (a) l'idéal principal engendré par a, c'est-à-dire l'ensemble des multiples de a. Ainsi :
un élément m est un PPCM de a et b si et seulement si .
Un anneau intègre est donc à PGCD si et seulement si l'intersection de deux idéaux principaux est toujours un idéal principal[14].
un élément d est un PGCD de a et b si et seulement si (d) est le plus petit idéal principal contenant l'idéal (a) + (b).
Si (a) + (b) lui-même est principal, son générateur est donc un PGCD de a et b.
En général, l'existence d'un PGCD n'assure pas que (a) + (b) soit principal[15] (cf. exemples ci-dessous d'anneaux à PGCD qui ne sont pas de Bézout). Un exemple simple pour illustrer cela est de considérer l'anneau Z[X] et ses idéaux (2) et (X) ; l'idéal somme est engendré par 2 et X, et le PGCD de 2 et X est 1 (i.e. le plus petit idéal principal contenant l'idéal somme est l'anneau Z[X]).
Relation avec les anneaux factoriels et les anneaux de Bézout
Tout anneau à PGCD intègre et noethérien est factoriel. Plus précisément, un anneau intègre est factoriel si et seulement si c'est à la fois un anneau à PGCD et un anneau dans lequel toute suite croissante d'idéaux principaux est stationnaire.
↑Aviva Szpirglas, Algèbre L3 : Cours complet avec 400 tests et exercices corrigés, [détail de l’édition], p. 505, Définition 9.92.
↑Aviva Szpirglas précise : « Les anneaux à pgcd ne sont pas [non plus] supposés intègres. Comme nous nous intéressons à leurs propriétés arithmétiques, nous ne parlerons pas du cas non intègre. » (Szpirglas 2009, p. 511).
↑Ou plus généralement : toute algèbre d'un monoïde à PGCD sur un tel anneau : (en) Robert W. Gilmer, Commutative Semigroup Rings, University of Chicago Press, , 380 p. (ISBN978-0-226-29392-9, lire en ligne), p. 176, Theorem 14.5, ou (en) Robert Gilmer et Tom Parker, « Divisibility properties in semigroup rings », Michigan Math. J., vol. 1, no 1, , p. 65-86 (DOI10.1307/mmj/1029001210).
↑Plus généralement, pour un contre-exemple analogue dans ℤ[i√d] avec d entier non carré ≥ 3, voir (en) Dinesh Khurana, « On GCD and LCM in Domains – A Conjecture of Gauss », Resonance, vol. 8, no 6, , p. 72-79 (lire en ligne), Theorem 4.
↑(en) Joe L. Mott, « convex directed subgroups of a group of divisibility », Canad. J. Math., vol. 26, no 3, , p. 532-542 (DOI10.4153/CJM-1974-049-2), attribue cette remarque à Paul Jaffard, « Contribution a la théorie des groupes ordonnés », J. Math. Pures Appl., vol. 32, , p. 203-280.
↑Soit A un anneau intègre à PGCD mais non factoriel. Alors A[X] est à PGCD (voir supra). Mais il n'est pas factoriel (sinon Aserait factoriel), ni de Bézout (considérer l'idéal engendré par a et X où a est un élément de A non nul et non inversible, cet idéal qui est de type fini n'est pas principal car tout générateur diviserait à la fois a et X).
(en) Daniel D. Anderson, « GCD domains, Gauss' Lemma, and content of polynomials », dans Scott T. Chapman et Sarah Glaz, Non-Noetherian Commutative Ring Theory, Springer, (lire en ligne), p. 1-13