Dans l'apprentissage par problèmes[1] (APP), ou apprentissage par résolution de problèmes, les apprenants, regroupés par équipes, travaillent ensemble à résoudre un problème généralement proposé par l'enseignant, problème pour lequel ils n'ont reçu aucune formation particulière, de façon à faire des apprentissages de contenu et de savoir-faire, à découvrir des notions nouvelles de façon active (il s’instruit lui-même) en y étant poussé par les nécessités du problème soumis.
La tâche de l'équipe est habituellement d'expliquer les phénomènes sous-jacents au problème et de tenter de le résoudre dans un processus non linéaire. La démarche est guidée par l'enseignant qui joue un rôle de facilitateur.
Le concept a été développé par la faculté de médecine de l’Université McMaster de Hamilton en Ontario dès 1970. Ceci est différent d’une étude de cas ou d’une résolution, en ce sens que l’on ne donne pas forcément de solution.
L'apprentissage par problèmes a été appliqué avec succès à tous les niveaux : du primaire au supérieur. Cette méthode peut s’étaler sur une durée d’une voire quatre leçons, ou bien même 6 mois. Il convient bien à toutes les disciplines ; il suffit d'écrire la bonne situation/problème qui saura motiver la curiosité des étudiants.
À titre d'exemple, notons qu'en France, en didactique des Mathématiques, les situations-problème ont été un objet d'étude à l'Université Lyon-I sous la direction de Michel Mante et Gilbert Arsac bien avant la création des IUFM.
Ils proposent aux élèves une situation problème ouverte. Il ne s'agit donc pas de trouver une solution unique en appliquant un savoir préalablement enseigné. La « ruse » de l'enseignant consiste au contraire à choisir les données et contraintes du problème de façon que sa résolution oblige à faire appel à un ou des outils ou à une ou des notions que les élèves ne connaissent pas encore. Le but est la découverte et l'acquisition de ces nouvelles notions.
Ils établissent un planning des tâches et événements, et définissent l’organisation temporelle, afin que les objectifs puissent être remplis dans les temps.
Il satisfait à plusieurs conditions : il est nouveau pour les élèves, il possède un contexte pour l’inscrire dans la réalité, et peut même être authentique (on peut se baser sur un sujet d’actualité). Il doit surtout être ouvert, à savoir qu’au départ, aucune solution n’est explicitée, c’est aux apprenants, ou à l’équipe d’enseignants qui les guide, de construire une démarche, les différentes étapes. Par ouvert, cela signifie qu'a priori le problème n'a pas une solution unique. De plus ce problème doit représenter un challenge atteignable par les apprenants, à savoir qu'il doit nécessiter un apprentissage, un saut conceptuel, mais que les apprenants puissent résoudre ce problème avec un niveau d'effort acceptable.
La taille d'un problème peut être très variable, d'une séance de quelques heures jusqu'à un projet sur un semestre, voire sur une scolarité de plusieurs années.
Les groupes doivent être relativement homogènes, et trois fonctions, au sein de chaque groupe, devront être occupées par les membres :
Pour des groupes plus petit, il est pratique que le secrétaire écrive les points soulevés par le groupe sur un tableau ou tout autre support bien visible par tous. Ainsi, l'équipe peut toujours se référer à ce qui a été dit. Un scribe peut ensuite mettre au propre les données jugées intéressantes à retenir sur papier ou directement à l'ordinateur. Ce que le scribe écrit pourra servir de carnet de bord, qui permette efficacement de tenir compte de l évolution du problème, et servir de recueil, pour des comptes-rendus de réunion par exemple.
« Le tuteur est là en permanence pour remettre la discussion sur la bonne piste si la conversation dérape dans une direction dont la certitude est acquise qu'elle ne mènera pas aux objectifs visés. »
Dans quelques réalisations de situations problèmes, les étudiants doivent rechercher d'autres informations, faire un travail d'enquête. Dans d'autres, l'information est présentée séquentiellement.
« Le tuteur s'assure que tous les points à voir ont été discutés. »
Tout cela mène (ou non) à une proposition de solution au problème posé, et l'équipe d'encadrement procède à son analyse critique. C'est l'avant dernière étape de la démarche.
C’est la phase la plus importante, tous les étudiants doivent avoir conscience de ce qu’ils ont appris, et être capables de retourner ce savoir. Il s’agit de reconnaître les points du problèmes qui ont suscité ces démarches d’apprentissage, savoir comment ces nouvelles connaissances ont été mises à profit, et d’autre part, de faire une synthèse de ce qu’est le travail de groupe. À certains niveaux, c’est même ce qui a le plus d’importance : les apprenants doivent être beaucoup plus à même de progresser en équipe, efficacement.
Tous ces acquis pourront par exemple resservir à l’étude d’un problème futur.
L’exemple décrit ici s’appuie sur une application effective de l'apprentissage par problème, dans le cadre des études d’un ingénieur généraliste.
L'apprentissage par problèmes se fait à travers les effets cognitifs suivants (Schmidt, 1993) :
La découverte de connaissances est induite par le problème. Les apprenants vont, de leur plein gré, chercher à apprendre de nouvelles choses, sans être bridés ou guidés.
Il est des écueils à prendre compte pour l’encadrement :
L’apprentissage par problèmes aurait un effet positif sur l'acquisition de connaissances et de compétences pour appliquer ces connaissances[2].
Les apprenants nécessitent d’être encadrés, mais, à un certain niveau (lycée, post-bac), ils peuvent être plus autonomes en ce qui concerne le travail, personnel notamment. Cette méthode originale est aussi moins scolaire :
Les valeurs ajoutées à chaque élève :
L’étudiant a appris par lui-même, il a su prendre des initiatives, et c’est un mécanisme fondamental dans beaucoup de domaines, scientifiques ou non.
Dans la pédagogie classique, la plupart des étudiants, suivent des cours et ont peu d'occasions pour mettre en pratique ce qu'ils ont appris par cœur, ils n'ont pas souvent une utilisation appropriée de leurs connaissances. Par contre dans cette nouvelle pédagogie qu'est l'APP, l'apprentissage est beaucoup plus ancré sur la pratique. Les étudiants sont engagés à trouver des solutions à des problèmes de la vie pratique. Ils sont ainsi plus préparés et plus aptes à confronter des problèmes dans leur future vie professionnelle. Le travail en petits groupes, le travail individuel de chacun des membres puis la mise en commun des connaissances acquises, la nomination d'un animateur, d'un secrétaire, ont généralement pour but d'acquérir des compétences sur le plan organisationnel. Les étudiants ont également une «attitude auto-motivée», du moment où ils sont intéressés par ce qu'ils font et qu'ils sont aptes à poursuivre un apprentissage indépendant.
Ces dernières années, l'APP a fait l'objet de critiques de la part de chercheurs en sciences de l'éducation. Ces critiques proviennent des chercheurs à l'origine de la théorie de la charge cognitive. Cette théorie étudie l'influence des limitations de la mémoire à court terme sur l'apprentissage.
D'après les expériences réalisée pour concevoir cette théorie, commencer directement l'apprentissage par de la résolution de problème active est très nettement moins efficace que d'étudier des exemples travaillés avant de poursuivre par de la résolution de problème autonome[3]. Les recherches ont nommé cet effet le 'worked exemple effect'.
Cela provient du fait qu'en tout début d'apprentissage, les élèves ou apprenants n'ont pas suffisamment de connaissances antérieures organisées en chunks[4] et ne peuvent donc gérer l'ensemble des informations nécessaires pour résoudre un problème de manière autonome. Dans ces conditions, la mémoire de travail se retrouve rapidement surchargée, et l'apprentissage se passe très mal.
De plus cette méthode d'apprentissage repose en grande partie sur du travail en groupe, et est donc inappropriée aux étudiants solitaires qui apprennent mieux seuls. Autrement dit, l'apprentissage par problèmes faisant appel à une équipe, mélange la dimension cognitive et la dimension d'interaction sociale, en présupposant que la dernière est une aide pour la première alors que chez certaines personnes elle peut avoir un effet négatif sur l'apprentissage. L'APP semble ignorer les différences de rythmes des apprenants, qui font qu'un des membres de l'équipe aurait pu trouver une méthode mais n'a pas eu le temps de l'imaginer en raison de la rapidité de réponse d'autres membres du groupe.
La plupart des critiques de l'APP se retrouvent dans [5], mais cet article est largement remis en cause dans [6].
Dans la plupart des cas, l'APP demande de faire le tri des objectifs d'apprentissages. Ce type d'apprentissage demande plus de temps aux étudiants pour arriver à leurs fins, ce qui limite la quantité de notions vues lors de la formation. Il faut donc mettre en évidence les objectifs d'apprentissage primaires, secondaires et tertiaires du cours et se dire que seuls les objectifs primaires et une partie des secondaires seront à l'étude. L'enseignant doit s'approprier l'approche et s'adapter à son nouveau rôle qui diffère de la pédagogie classique.
Sur le plan économique, l'APP est plus coûteux. Il requiert plus de petits groupes, une bibliothèque plus grande, davantage de professeurs (les tuteurs), plus d'équipements. Un bon accès à internet fait toute la différence. Il est possible de trouver de l'information sur l'apprentissage par problèmes adaptés au grands groupes afin de trouver des stratégies qui permettent de minimiser ces inconvénients (nombre de tuteurs, nombre de groupes).
Certaines universités utilisent l'APP dans leurs programmes. Par exemple, au Canada, Québec, l'Université du Québec à Montréal offre le BAC en biologie entièrement en APP. Les études de médecine à l'Université de Sherbrooke[7] et à l'Université de Montréal utilisent également cette méthode d'enseignement. Également l'université de Sherbrooke applique la méthode pour le BAC en génie électrique, informatique et robotique[8].
En Suisse, la faculté de Médecine de l'Université de Genève utilise la méthode APP pour les années 2 et 3 du cursus de bachelor en médecine humaine. En France, la faculté de médecine de Nice propose des modules[réf. nécessaire] basés sur l'APP. Trois grandes écoles proposent un cursus en appliquant cette méthode : INSA[9], l'école d'ingénieur informatique du CESI, l'Exia, et l'école d'ingénieur du CESI.
L'école d'ingénieur paysagiste ISA-ITIAPE de Lille (aujourd'hui JUNIA ISA Paysage) fait office de précurseur français dans le domaine avec une formation d’ingénieur paysagiste combinant alternance et APP depuis 1992. Cette expérimentation a donné lieu à plusieurs publications et travaux de recherche universitaire[10].
L'école d'informatique Epitech propose un cursus basé sur des projets se rapprochant de l'APP (le formalisme et la confrontation animée d'idées en moins, la pratique en plus). En Belgique, l'École Polytechnique de Louvain met en œuvre l'APP depuis 2000 dans ses enseignements des années 1 et 2 du cursus de bachelier en sciences de l'ingénieur, orientation ingénieur civil[11] et dans plusieurs autres enseignements de bachelier et de master.