Seth Kane Kwei (1922-1992) était un charpentier menuisier établi à Teshie, dans les faubourgs d’Accra au Ghana.
Il était considéré longtemps comme l'inventeur des cercueils fantaisie dans les années 1950. Ces cercueils étaient liés avec les palanquins figuratifs que les rois Ga utilisaient avant[1],[2],[3] des design coffins ou fantasy coffins, en français « cercueils de fantaisie », et en langue Ga (ethnie prédominante de la région d’Accra) Abebuu adekai (« boîtes à proverbes »). Seth Kane Kwei fut le premier artiste à rendre célèbres ses cercueils figuratifs à l'étranger.
L’utilisation de ces cercueils lors des funérailles en pays Ga (peuple) s’est généralisée dès le début des années 1960, devenant de facto une véritable tradition.
Au décès de Kane Kwei, son fils Sowah prend la relève à la tête de l’atelier puis ce fut le tour de Cedi – cadet de Sowah – après la disparition de ce dernier en 1999. Depuis 2005, Eric Adjetey Anang (né en 1985, fils de Cedi) s’attache à dynamiser la créativité de l’atelier par l’introduction de nouveaux modèles, la création de meubles réalisés dans le même esprit et avec les mêmes techniques que les cercueils.
Une dizaine d’ateliers établis à Teshie et dans la région d’Accra produisent des cercueils apparentés. Quelque patrons sont d’anciens apprentis de Kane Kwei ou de ses successeurs. Parmi eux, on trouve ceux de Paa Joe à Pobiman, Paa Willie à Nungua (mort en 2009, son fils Odai a repris son atelier), Tei à Dorwanya, Daniel Mensah(en) (Hello) et Lay à Teshie, Tetteh à Amasaman, Tetteh Red à Ningo, Eric Kpakpo à La ou encore Kudjoe Affutu à Awutu (Central Region).
L’Atelier Kane Kwei utilise des bois légers comme le wawa (bois blanc) ou l'emien pour les cercueils destinés à des funérailles. Ceux voués à l’exportation en tant qu’œuvres d’art sont réalisés à partir d’essences plus nobles et aussi plus chères, comme le limba ou l'acajou d’Afrique.
L’Atelier Kane Kwei est profondément ancré dans la tradition Ga, tant par la genèse de ses productions, par les protocoles encadrant leur utilisation locale, que par son type de fonctionnement basé sur une main d’œuvre d’apprentis dont le nombre peut atteindre une dizaine. À la fin de l’apprentissage qui dure de deux à cinq ans, une cérémonie traditionnelle est organisée. À cette occasion, l’apprenti doit verser une somme d’argent, faire don de boissons alcoolisées, d’un parasol, d’une paire de sandales au patron de l’atelier et un certificat lui est remis[8],[9].
Le processus de fabrication des cercueils débute par l’observation scrupuleuse de documents visuels reproduisant le modèle considéré – voire du modèle lui-même, une poule vivante par exemple – immédiatement suivie par son interprétation en trois dimensions. Ni plans ni croquis ne sont réalisés en préalable à leur fabrication. Une fois l'assemblage réalisé, le cercueil est poncé et les éventuelles fissures sont bouchées au plâtre de Paris. Deux couches de peinture d'apprêt sont passées au pistolet avant de procéder à la décoration peinte elle-même. L'intérieur de l'objet fait aussi l'objet d'une grande attention dans la manière d'apprêter et de présenter la garniture en tissu.
A l’initiative de l’Atelier, des partenariats artistiques avec des structures occidentales ont été mis en œuvre et des résidences d’artistes étrangers organisées[8],[10].
En 2013, la reconnaissance et la réputation de l'atelier sont à la fois établies au plan local - en tant que fabrique de cercueils - et international - en tant que laboratoire de création artistique. Le rôle que jouent certaines agences de voyages qui inscrivent sa visite à leur programme joue un rôle non négligeable dans cette perspective de fusion des reconnaissances.
Modèles de cercueils créés par l'atelier Kane Kwei (liste non exhaustive)
↑(en) « Kane Kwei », sur culturebase.net (consulté le )
↑Mais l'ethnologue Regula Tschumi avance qu'il y eut, avant les années 50, des charpentiers comme Ataa Oko (1919-2012) qui fabriquaient déjà des palanquins figuratifs; voire la thèse 2013 en allemand de Regula Tschumi et son article en "African Arts" 2013 sur les palanquins figuratifs.
↑voir aussi Verlet, Martin (2005), Grandir à Nima (Ghana) - Les figures du travail dans un faubourg populaire d'Accra, Ed. IRD-Karthala, sur la question de l'apprentissage professionnel au Ghana
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