Bardo (bouddhisme)

Illustration tibétaine des divinités paisibles et courroucées de l'état intermédiaire post-mortem (bardo). Certains bouddhistes tibétains croient que lorsqu'un être traverse l'état intermédiaire, il aura des visions de diverses divinités.

Bardo (tibétain : བར་དོ་, Wylie : bar do) est un mot tibétain, traduisant le sanskrit antarâbhava, qui désigne, dans certaines écoles bouddhistes du Tibet, un état intermédiaire entre la mort et la renaissance[1].

En tibétain, le terme « bardo » est utilisé pour signifier « intervalle » et fait référence à des périodes de la vie auxquelles on peut associer des limites[2].

Contre l'enseignement de l'école theravâda, plusieurs écoles bouddhiques (dont les pudgalavādin, vers 280 av. J.-C.) posent la notion d'état intermédiaire (anarâbhava) entre mort et renaissance.

Le Tantra de Guhyasamāja (Ve – VIe siècle) envisage plusieurs états intermédiaires[3]. Le Hevajratantra[4] (VIIIe siècle) indique diverses pratiques de méditation. Un tantra proche du Livre des morts tibétain, "Les Paroles du Vainqueur, l'Intention éveillée du cœur des Instructions essentielles" propose un modèle à six bardo : le bardo naturel de la vie (rang bzhin gyi bar do), le bardo des rêves (rmi lam gyi bar do), le bardo du recueillement méditatif (ting nge 'dzin gyi bar do), le bardo du moment de la mort ( 'chi kha'i bar do), le bardo de la Réalité (chos nyid kyi bar do), le bardo du devenir (srid pa'i bar do)[5].

Tilopa (988-1069) développa au Bengale divers enseignements du Mahamudra. Nāropa (1016-1100), au Bengale, apprit auprès de Tilopa. Marpa Lotsawa, disciple de Nâropa, diffusa les enseignements de son maître au Tibet sous le nom de "Six yogas de Nāropa", à savoir : 1) la furie (gtum mo) ou yoga de la chaleur interne, 2) le corps illusoire (sgyu lus), 3) la Claire Lumière ('od gsal), 4) le rêve (rmi lam), 5) le transfert ( 'pho ba), 6) l'état intermédiaire après la mort (bar do).

Formes de bardo

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Traditionnalement, on compte six "bardos" dans le Bardo Thödol[2] :

  1. celui de la naissance jusqu'à la mort (c'est-à-dire la vie actuelle) ;
  2. celui du rêve ;
  3. celui de la concentration (ou de la méditation) ;
  4. celui du moment de la mort (le processus de l'agonie) ;
  5. celui de la nature en soi (la première partie de la période qui suit le décès) ;
  6. celui du devenir (la seconde partie de la période post-mortem).
Bardo Prononciation
(+ translittération Wylie)
Sanskrit État de conscience


du lieu de naissance kyene bardo (skye gnas bar do) jatyantarābhava entre naissance et début de la maladie mortelle


des rêves milam bardo (rmi lam bar do) svapanāntarābhava entre sortie du sommeil profond et réveil


de la méditation samten bardo (bsam gtan gyi bar do) samādhyantarābhava entre entrée et sortie du recueillement


du moment de la mort chikai ( 'chi kha'i bar do) mumūrṣāntarābhava entre maladie mortelle et fin de la claire lumière


de la Réalité chonyi bardo (chos nyid bar do) dharmatāntarābhava entre fin de la claire lumière et fin des visions


du devenir sipai bardo (srid pa'i bar do) bhāvāntarābhava entre apparences karmiques et conception

Philippe Cornu résume ainsi[6] :

  • "Bardo du lieu de naissance" : l'état intermédiaire entre la naissance et le début de la maladie mortelle.
  • "Bardo des rêves" : l'état intermédiaire entre la sortie du sommeil profond et le réveil, caractérisé par les apparences oniriques.
  • "Bardo de la méditation" : l'état intermédiaire entre l'entrée et la sortie du recueillement méditatif.
  • "Bardo du moment de la mort" : l'état intermédiaire entre le début de la maladie mortelle et la fin des dissolutions (dans les Nyingthik) ou la fin de la claire lumière fondamentale (dans le Bardo Thödröl et les systèmes tantriques).
  • "Bardo de la Réalité" : l'état intermédiaire entre le lever de la claire lumière fondamentale de la mort et la fin des visions pures de la Réalité absolue ou entre le moment où prend fin la claire lumière fondamentale de la mort et la fin des visions pures de la Réalité (dans le Bardo Thödröl)
  • "Bardo du devenir" : l'ancien antarâbhava 'état traversé par le défunt entre la mort et la renaissance) des adhidharma (dernière partie des textes canoniques), l'état intermédiaire entre le lever des apparences karmiques et le moment de la conception qui marque la renaissance.

Articles connexes

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Liens externes

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Bibliographie

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  • Padmasambhava, Le livre des morts tibétain, trad. Philippe Cornu (2009), Pocket, 2011, 1056 p.
  • (en) Herbert V. Guenther, The Life and Teachings of Nâropa, Oxford University Press, 1963. Rééd. Shambala Publications, 2000.
  • Chögyam Trungpa, Bardo. Au-delà de la folie (1992), trad., Seuil, coll. "Sagesses", 1995.
  • (en) Bryan J. Cuevas, The Hidden History of 'The Tibetan Book of the Dead' , Oxford University Press, 2003, p. 39-68. [2]

Notes et références

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  1. Sogyal Rinpoché; Le livre tibétain de la vie et de la mort. Éditions de la Table ronde, 1992, page 148. (ISBN 2-7103-0593-3)
  2. a et b Tcheuky Sèngué, Petit lexique Claire Lumière du bouddhisme tibétain, Claire Lumière, 1991.
  3. Francesca Fremantle, A Critical Study of the Guhyasamâja tantra, University of London, 1971.[1]
  4. David L. Snellgrove, The Hevajra Tantra: A Critical Study, Orchid Press Publishing, 2010.
  5. Philippe Cornu, Padmasambhava. Le livre des morts tibétain, Buchet-Chastel, 2009, p. 692.
  6. Philippe Cornu, Padmasambhava. Le livre des morts tibétain, glossaire, Buchet-Chastel, 2009, p. 760-761.