La bigorexie[n 1], dépendance à l'exercice physique ou encore addiction à l'exercice est une dépendance à l'activité physique résultant d'une pratique excessive du sport. Identifiée dès le milieu des années 1970 par le docteur William Glasser[2], elle touche principalement les adeptes des sports d'endurance ou de culturisme.
La dépendance à l'exercice physique se définit par un ensemble de symptômes cognitifs, comportementaux et physiologiques similaires à ceux observés dans les dépendances aux substances. Selon Hausenblas et Downs, elle implique une pratique compulsive, excessive et incontrôlable d'un exercice physique de modéré à vigoureux[3]. Cette dépendance se manifeste à travers des symptômes physiologiques (comme des blessures récurrentes) et psychologiques (avec des sentiments négatifs en cas d'incapacité à s'exercer). La fréquence et la durée de pratique ne suffisent pas à caractériser la dépendance[4]. Une personne dépendante à l'exercice continuera à faire de l'exercice indépendamment des blessures physiques, des inconvénients personnels ou des perturbations dans d'autres domaines de la vie, notamment les tensions conjugales, les interférences avec le travail et le manque de temps pour d'autres activités. Les personnes « dépendantes » sont plus susceptibles de faire de l'exercice pour des récompenses intrinsèques et d'éprouver des sensations de privation dérangeantes pour elles lorsqu'elles ne peuvent pas faire d'exercice.
Les personnes souffrant de bigorexie organisent leurs journées autour de l'activité sportive et sont souvent obsédées par leurs performances ou par leur poids[5].
Des signes de manque peuvent apparaître en cas de sevrage du sport, en particulier l'anxiété et l'irritabilité. Une personne touchée par la bigorexie insiste pour pratiquer son sport malgré une blessure et accepte pour ce faire de s'éloigner de ses proches[5],[6],[1],[7]. La bigorexie peut causer des problèmes psychologiques, mais également avoir un effet sur la santé en conduisant à un épuisement général, à des déchirures musculaires, à des atteintes tendineuses, à des fractures ou même à un infarctus[5].
Une évaluation récente (2019) montre que les personnes les plus touchées sont d'abord les athlètes d'endurance (14,2%), suivis par les adeptes de sports de balle (10,4%), puis les personnes fréquentant les centres de fitness (8,2%) et les pratiquant de disciplines de force (6,4%)[8].
Les chercheurs convergent à considérer que les mécanismes impliqués dans le développement d'une dépendance à l'exercice, pas plus que ceux qui font évoluer d'une pratique d'exercice saine et engagée à une pratique compulsif, sont inconnus[9],[10].
La dépendance à l'exercice commence généralement par le désir de maintenir une condition physique. Les troubles alimentaires tels que l'anorexie mentale ou la boulimie soutiennent une obsession malsaine pour l'exercice. Un trouble de l'image corporelle peut également contribuer à une dépendance à l'exercice. L'un des mécanismes principaux jouant un rôle repose sur les activités exposant les individus aux effets de modification de l'humeur de cette pratique, pouvant libérer de la dopamine directement dans la circulation sanguine.
Le fonctionnement chimique du cerveau pourrait également jouer un rôle essentiel dans les changements d'humeur potentiels liés à l'exercice. Griffiths a rapporté une étude de cas approfondie sur la dépendance à l'exercice, identifiant trois mécanismes biologiques plausibles associant une amélioration de l'humeur à l'exercice. Des facteurs de personnalité sont également en cause, mais les chercheurs admettent qu'on ne comprend pas comment et à quels stades de développement et comment ils jouent. Les personnalités perfectionnistes et narcissiques sont en tout cas plus sujettes à évoluer vers ce syndrôme[10].
Plusieurs questionnaires permettent d'évaluer la pratique excessive[11], le plus récent, l'Exercise Addiction Inventory (EAI) évalue principalement les éléments suivants :
Kern note que l'échelle permet de distinguer trois catégories d'individus :
Cette addiction « sans substance » peut être traitée avec une thérapie en psychologie du sport. Le risque principal du traitement est de remplacer cette addiction par une autre[5].
En 2008, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale estime qu'environ 4 % des Français sont atteints de bigorexie[5] ; cette addiction touche principalement des hommes[12].
En 2011, l'Organisation mondiale de la santé reconnaît la dépendance au sport comme une maladie[5].
En , Tibo InShape affirme avoir souffert de bigorexie[13].
En , Bixente Lizarazu affirme souffrir de bigorexie[6],[14].
Yves Beauchamp et son projet de courir 365 marathons sur l'année 2014 reconnait être « viscéralement bigorexique » depuis des décennies après son premier Ironman ; il continue à courir malgré de multiples blessures[1],[15],[16].