Les cellules bêta (β-cells pour les anglophones) sont l'un des types cellulaires du pancréas, et plus particulièrement des îlots de Langerhans. Chez l'être humain, elles représentent 50 à 70 % des cellules de ces îlots[1]. Ce sont elles qui synthétisent et sécrètent l'insuline et l'amyline. Chez les patients atteints de diabète de type 1, la masse et la fonction de ces cellules diminue, entraînant une sécrétion insuffisante d'insuline et une hyperglycémie[2].
Les cellules bêta produisent et libèrent dans le sang de manière endocrine trois hormones essentielles qui réduisent la glycémie par différents mécanismes :
L'insuline, l'hormonehypoglycémiante qui régule la glycémie (le taux de glucose sanguin). Les cellules bêta la produisent en continu et en stockent aussi, répondant à l'augmentation de la glycémie par sa libération rapide dans le sang ;
Le peptide C (composé dérivé de l'insuline). Ce peptide est une hormone qui semble jouer un rôle contre la neuropathie et d'autres symptômes liés à la détérioration vasculaire associée au diabète sucré[3]. Il est sécrété et injecté dans la circulation sanguine en quantités équimolaires à l'insuline. La mesure du niveaux de peptide C est un moyen d'estimer la masse de cellules bêta fonctionnelles[4] ;
L'amyline, ou IAPP (acronyme d' islet amyloid polypeptide)[5], inhibiteur de l'augmentation de la charge du sang en nutriments. Ses effets sont donc synergiques de ceux de l'insuline.
Les cellules bêta réagissent rapidement aux pics de glucose dans le sang, en sécrétant une partie de leur insuline et de l'amyline stockées tout en en produisant plus[6].
Tout excès de glucose dans le sang stimule l'introduction d'insuline dans le sang, et augmente simultanément la biosynthèse de la proinsuline(en), principalement par le contrôle de la traduction[6]. Dans l'organisme des mammifères, les cellules bêta sont l'unique lieu de synthèse de l'insuline [4] ;
Dans le RER, le peptide signal est clivé pour former de la proinsuline[7]. Ensuite, le repliement de la proinsuline se produit en formant trois liaisons disulfure[7]. Après le repliement des protéines, la proinsuline est transportée vers l'appareil de Golgi et pénètre dans les granules d'insuline immatures où la proinsuline est clivée pour former l'insuline et le peptide C[7]. Après maturation, ces vésicules de sécrétion contiennent de l'insuline, du peptide C et de l'amyline jusqu'à ce que le calcium déclenche l'exocytose du contenu des granules[6].
Dans les cellules bêta, la libération d'insuline est principalement stimulée par le glucose présent dans le sang[6] ; plus le taux de glucose circulant augmente (après l'ingestion d'un repas par exemple), l'insuline est sécrétée de manière dose-dépendante[6],[8]. Le « modèle de consensus » du GSIS comprend quatre éléments clés : l'absorption glucose dépendante de GLUT2, le métabolisme du glucose, la fermeture des canaux KATP et l'ouverture des canaux calciques voltage-dépendants provoquant la fusion des granules d'insuline et l'exocytose[9].
Les canaux calciques voltage-dépendants et les canaux ioniques potassiques sensibles à l'adénosine triphosphate (ATP) sont intégrés dans la membrane plasmique des cellules bêta[9],[10]. Ces canaux ioniques potassiques sensibles à l'ATP sont normalement ouverts et les canaux ioniques calcium sont normalement fermés[6]. Les ions potassium diffusent hors de la cellule, vers le bas de leur gradient de concentration, rendant l'intérieur de la cellule plus négatif par rapport à l'extérieur (car les ions potassium portent une charge positive)[6]. Au repos, cela crée une différence de potentiel à travers la membrane de surface cellulaire de -70 mV[11].
Quand le taux de glucose est élevée hors de la cellule, des molécules de glucose pénètrent dans la cellule par « diffusion facilitée », en diminuant le gradient de concentration via le transporteur GLUT2[12].
Comme les cellules bêta utilisent la glucokinase pour catalyser la première étape de la glycolyse, le métabolisme ne se produit qu'autour de la glycémie physiologique et au-dessus[6]. Le métabolisme du glucose produit de l'ATP, ce qui augmente le rapport ATP/ADP [13].
Les canaux ioniques potassiques sensibles à l'ATP se ferment lorsque ce rapport augmente[10]. Ceci signifie que les cationspotassium ne peuvent plus diffuser hors de la cellule[14]. En conséquence, la différence de potentiel à travers la membrane devient plus positive (à mesure que les ions potassium s'accumulent à l'intérieur de la cellule)[10]. Ce changement de différence de potentiel ouvre les canaux calciques voltage-dépendants, ce qui permet aux ions calcium de l'extérieur de la cellule de se diffuser dans leur gradient de concentration[10]. Lorsque les ions calcium pénètrent dans la cellule, ils provoquent le déplacement et la fusion de vésicules contenant de l'insuline vers la membrane de surface cellulaire, libérant de l'insuline par exocytose dans la veine porte hépatique[15],[16].
Une forme de diabète, le diabète de type I aussi dit insulinodépendant, est causé par une destruction auto-immune des cellules bêta productrices d'insuline[17].
Le processus de destruction des cellules bêta commence par l'activation des cellules présentatrices d'antigène (CPA) par l'insulite. Les APC déclenchent alors l'activation des cellules T auxiliaires CD4+ et la libération de chimiokines/cytokines. Les cytokines activent alors les lymphocytes cytotoxiques T CD8+, ce qui entraîne la destruction des cellules bêta[17]. La destruction de ces cellules empêche le corps de bien répondre aux niveaux de glucose dans le corps, ce qui rend presque impossible le bon ajustement des taux de glucose et de glucagon sanguins[18].
Le corps autodétruit 70 à 80 % des cellules bêta, ne laissant que 20 à 30 % des cellules fonctionnelles[19].
Cela peut entraîner une hyperglycémie chez le patient, laquelle entraîne d'autres affections indésirables à court et à long terme[20]. Ce type de diabète peut initialement être contrôlé par des prises régulières d'insuline et le maintien d'un régime alimentaire approprié[20]. Cependant, ces méthodes peuvent être fastidieuses et lourdes à exécuter en continu au quotidien[20].
Le diabète sucré de type 2 (aussi dénommé diabète non insulino-dépendant ou diabète d'hyperglycémie chronique, est principalement causé par la génétique et le développement du syndrome métabolique[2].
Dans ce cas, les cellules bêta peuvent encore sécréter de l'insuline, mais c'est le corps qui développe une résistance à l'insuline, il y répond de moins en moins bien. On pense que cela est dû au déclin de récepteurs spécifiques à la surface du foie, des cellules adipeuses et musculaires qui perdent leur capacité à répondre à l'insuline qui circule dans le sang[21],[22]. Dans un effort pour sécréter suffisamment d'insuline pour surmonter la résistance croissante à l'insuline, les cellules bêta augmentent leur fonction, leur taille et leur nombre[6]. L'augmentation de la sécrétion d'insuline entraîne une hyperinsulinémie, mais les taux de glycémie restent dans leur plage normale en raison de la diminution de l'efficacité de la signalisation de l'insuline[6]. Cependant, les cellules bêta s'épuisent à force d'être surstimulées, ce qui entraîne une réduction de 50 % de la fonction ainsi qu'une diminution de 40 % du volume des cellules bêta[17]. À ce stade, il n'est pas possible de produire et de sécréter suffisamment d'insuline pour maintenir les niveaux de glucose dans le sang dans leur fourchette normale, ce qui provoque un diabète de type 2 manifeste[17].
Les insulinomes sont généralement bénins, mais peuvent avoir des conséquences hormonales et médicales graves, voire mortelles en raison d'attaques récurrentes et prolongées d'hypoglycémie[23].
Beaucoup des médicaments traitant le diabète visent à modifier la fonction de la cellule bêta.
Les sulfonylurées sont des sécrétagogues de l'insuline (en fermant les canaux potassiques sensibles à l'ATP, ils provoquant ainsi la libération d'insuline)[24],[25]. Ces médicaments sont connus pour provoquer une hypoglycémie et peuvent entraîner une défaillance des cellules bêta en raison d'une surstimulation[2]. Les versions de deuxième génération de sulfonylurées ont une action plus courte et sont moins susceptibles de provoquer une hypoglycémie[25].
Les agonistes des récepteurs du GLP-1 stimulent la sécrétion d'insuline en simulant l'activation du système incrétine endogène du corps[25]. Le système incrétine agit comme une voie d'amplification de la sécrétion d'insuline[25].
Les inhibiteurs de la DPP-4 bloquent l'activité de la DPP-4, ce qui augmente la concentration postprandiale des hormones gastro-intestinales incrétines (GLP-1 pour glucagon-like peptide-1 et GIP pour Peptide insulinotrope dépendant du glucose ou glucose-dependent insulinotropic peptide), ce qui a pour effet d'augmente la sécrétion d'insuline[25].
De nombreux chercheurs étudient la pathogenèse du diabète et de la défaillance des cellules bêta. Les outils utilisés pour étudier la fonction des cellules bêta se développent rapidement avec la technologie.
Ainsi, la transcriptomique a permis aux chercheurs de mieux analyser la transcription des gènes dans les cellules bêta pour rechercher des gènes liés au diabète[2].
Un mécanisme plus courant d'analyse de la fonction cellulaire est l'imagerie calcique. Les colorants fluorescents se lient au calcium et permettent une imagerie in vitro de l'activité du calcium qui est directement corrélée à la libération d'insuline[2],[26]. Un dernier outil utilisé dans la recherche sur les cellules bêta sont les expériences in vivo. Le diabète sucré peut être induit expérimentalement in vivo à des fins de recherche par la streptozotocine[27] ou l'alloxane[28] qui sont spécifiquement toxiques pour les cellules bêta.
Des modèles de diabète chez la souris et le rat existent également, y compris les souris ob/ob et db/db qui sont un modèle de diabète de type 2, et les souris diabétiques non obèses (NOD) qui sont un modèle pour le diabète de type 1 [29].
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