Vol Bashkirian Airlines 2937 / Vol DHL 611 | |||
Image numérique reproduisant la collision. | |||
Caractéristiques de l'accident | |||
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Date | |||
Type | Collision en vol | ||
Causes | Erreur du contrôle aérien | ||
Site | Au-dessus d'Überlingen, dans le sud de l'Allemagne | ||
Coordonnées | 47° 46′ 42″ nord, 9° 10′ 26″ est | ||
Caractéristiques des appareils | |||
Le Tupolev Tu-154 impliqué en mars 2002. | Le Boeing 757 impliqué en juin 2002. | ||
Type d'appareil | Tupolev Tu-154M | Boeing 757-23APF | |
Compagnie | Bashkirian Airlines | DHL | |
No d'identification | RA-85816 | A9C-DHL | |
Lieu d'origine | Aéroport de Moscou-Domodedovo, Russie | Aéroport international de Bahreïn, Bahreïn | |
Lieu de destination | Aéroport Josep Tarradellas Barcelone-El Prat, Espagne | Aéroport de Bruxelles-National, Belgique | |
Phase | Croisière | Croisière | |
Passagers | 60 | 0 | |
Équipage | 9 | 2 | |
Morts | 69 | 2 | |
Survivants | 0 | 0 | |
Géolocalisation sur la carte : Allemagne
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Dans la nuit du , le Tupolev Tu-154 du vol Bashkirian Airlines 2937 et le Boeing 757 cargo du vol DHL 611 entrent en collision au-dessus de l'Allemagne, près d'Überlingen et du lac de Constance, tuant les 71 personnes à bord des deux appareils, dont 69 passagers et membres d'équipage à bord du Tupolev et les deux membres d'équipage du Boeing de l'entreprise de transport DHL.
L'enquête officielle du Bureau fédéral allemand d'enquête sur les accidents aéronautiques (BFU) identifie comme cause principale de la collision un certain nombre de lacunes de la part du service du contrôle de la circulation aérienne suisse chargé du secteur concerné ainsi que des ambiguïtés dans les procédures d'utilisation du système d'alerte de trafic et d'évitement de collision (TCAS), le système embarqué de prévention des collisions.
Un an et demi après l'accident, le , Peter Nielsen, le contrôleur aérien en service au moment de la collision, est assassiné dans un acte de vengeance par Vitali Kaloïev, un citoyen russe qui a perdu sa femme et deux enfants dans la catastrophe.
L'avion de Bashkirian Airlines était un Tupolev Tu-154M construit en 1995 et immatriculé RA-85816, qui assurait un vol charter en provenance de Moscou et à destination de Barcelone, avec à son bord 60 passagers et 9 membres d'équipage. L'équipage technique était composé de cinq membres : Alexander Mihailovich Gross (52 ans) commandant de bord, Oleg Pavlovich Grigoriev (40 ans) copilote et chef pilote de la compagnie, Murat Ahatovich Itkulov (41 ans) copilote du vol mais pendant le vol sa place est prise par Grigoriev pour évaluer les compétences du commandant Gross, Sergei Kharlov (50 ans) navigateur et Oleg Valeev (37 ans), le mécanicien navigant.
Parmi les passagers présents à bord, 46 d'entre eux étaient des enfants russes, originaires de la ville d'Oufa, ayant gagné un voyage scolaire en Espagne, organisé par le comité local de l'UNESCO. Ils ont voyagé dans un train de nuit vers Moscou et sont arrivés le 29 juin, puis, comme leur chauffeur les a accidentellement emmenés au mauvais aéroport, ils ont raté leur vol d'origine. Ils y sont restés jusqu'au 1er juillet, afin d'obtenir un nouveau vol.
L'avion cargo de DHL était un Boeing 757-23APF construit en 1990 et immatriculé A9C-DHL, en provenance de Bahreïn et à destination de Bruxelles, avec une escale prévue à Bergame, en Italie. Ce vol était effectué par deux pilotes basés à Bahreïn : le commandant de bord Paul Phillips (47 ans), de nationalité britannique, et le copilote Brant Campioni (34 ans), de nationalité canadienne.
Les deux avions volaient à 36 000 pieds (environ 11 000 mètres) sur des trajectoires convergentes[1]. L'espace aérien, bien qu'étant au-dessus du sol allemand, était contrôlé depuis Zurich par Skyguide, la société détenue par la confédération suisse chargée du contrôle du trafic aérien pour la Suisse.
Le contrôleur aérien travaillait sur deux postes de contrôle à la fois, et ne prit que tardivement conscience du danger qui menaçait les deux appareils[2].
De plus, l'équipe de maintenance technique avait désactivé le système d'alertes de collision, qui s'active (avec 2 minutes d'avance) lorsque deux appareils ont des trajectoires convergentes et risquent de ne plus respecter les règles de séparation, c'est-à-dire 1 000 pieds, soit 300 mètres environ, verticalement et 5 milles nautiques (9,26 kilomètres) horizontalement.
Cependant, moins d'une minute avant l'accident, il contacta le pilote russe et lui demanda de descendre de 1 000 pieds afin d'éviter la collision avec l'avion allemand. Plusieurs secondes après le début de la descente, le pilote russe reçut du TCAS (système anti-collision embarqué) l'instruction inverse (monter), alors que le pilote allemand recevait de son TCAS l'instruction de descendre. Si les deux pilotes avaient suivi ces dernières instructions, la collision n'aurait jamais eu lieu. Le pilote allemand suivit l'instruction de son TCAS, contrairement au pilote russe qui continua d'obéir aux instructions du contrôle aérien, chacun conformément à la procédure en vigueur dans son pays.
N'ayant pas conscience des instructions données par le TCAS, le contrôleur aérien répéta à l'équipage russe sa consigne de descente. De plus, il donna une information de position erronée, et l'équipage du Tupolev perdit des secondes à essayer de localiser visuellement le Boeing dans l'obscurité. Les deux avions descendaient.
Les deux avions entrèrent en collision. La dérive du Boeing 757 sectionna littéralement le fuselage du Tupolev 154 (les 2 ailes et le fuselage brisé en deux) immédiatement et l'aile gauche du Tupolev 154 heurta l'empennage vertical du 757 ce qui le sectionna. Le 757 vola pendant 7 kilomètres avant de s'écraser à flanc de montagne, juste après l'arrachage d'un des deux moteurs. Aucune des 71 personnes à bord des 2 appareils ne survécut. On peut supposer que les passagers du Tupolev (ceux les plus éloignés de l'explosion) ont pu survivre tout au plus quelques secondes avant d'être éjectés après l'impact, mais ceux qui étaient au point d'impact ont probablement été tués sur le coup. Ce qui est sûr, c'est que l'équipage du DHL était toujours en vie, même après l'impact avec le Tupolev.
Dans les jours suivant l'accident, la presse occidentale en rendit majoritairement responsables les pilotes russes, accusés de mal comprendre l'anglais ou de voler sur des avions non fiables. Ce n'est que plusieurs jours plus tard, après analyse des boîtes noires, que ces accusations s'avérèrent infondées, la faute incombant en fait au contrôle aérien suisse Skyguide, qui ne s'excusera que plusieurs années plus tard du déshonneur infligé aux pilotes russes[3].
Un seul contrôleur, Peter Nielsen, un Danois du Centre de contrôle de Zurich, contrôlait le secteur dans lequel naviguaient les deux appareils. Il n'était apparemment pas surchargé (5 avions seulement), et son collègue avait pris une pause (autorisée à l'époque). Nielsen travaillait sur deux postes de contrôle à la fois et ne prit conscience du risque de collision qu'une minute avant celle-ci. Une des raisons de ce retard était la prise en charge d'un autre vol en approche d'un aéroport voisin, dont Nielsen s'occupait à la place de son collègue absent. Or, ces minutes se sont avérées cruciales : si l'avion russe avait commencé sa descente plus tôt, les TCAS n'auraient jamais donné la moindre instruction.
De plus, un système anti-collision au sol était arrêté pour maintenance[4]. Opérationnel, il aurait alerté le contrôleur de l'imminente collision suffisamment tôt. Deux des trois lignes téléphoniques du centre de contrôle étaient également arrêtées pour maintenance. La troisième était occupée. Les contrôleurs allemands de Karlsruhe, conscients du danger, n'ont donc pas pu prévenir Nielsen. Et ce dernier, lorsqu'il réalisa la difficulté de la situation, ne put appeler pour demander de l'aide.
Enfin, l'équipage du Tupolev reçut des instructions vitales en retard, car la fréquence était occupée par Nielsen qui parlait à l'équipage allemand. Les premières demandes d'aide de l'équipage russe ne furent donc pas reçues par le contrôleur. La réponse de ce dernier fut retardée de 23 secondes, celles-ci auraient également pu permettre d'éviter la collision.
On peut donc considérer que l'accident résulte de la conjonction des trois irrégularités suivantes :
Un an et demi avant l'accident, un incident similaire se produisit au-dessus de la baie de Suruga. Le , deux avions de la Japan Airlines (un Boeing 747-446 opérant le vol 907 à destination de Naha et un DC-10-40-D opérant le vol 958 à destination de Tokyo) se frôlèrent alors qu'ils avaient reçu du TCAS et du contrôle aérien de Tokorozawa des instructions contraires. Les deux avions descendirent, l'un sur instruction du contrôle aérien et l'autre sur instruction du TCAS[5]. Ils passèrent à 100 mètres l'un de l'autre, et la catastrophe la plus mortelle de l'histoire de l'aviation (il y avait au total 677 personnes à bord des deux appareils) ne fut évitée que par des manœuvres d'évitement ultraviolentes au cours desquelles une centaine de passagers furent blessés, dont neuf grièvement. Les autorités de l'aviation civile japonaise réclamèrent auprès de l'OACI, l'Organisation de l'aviation civile internationale, que des mesures fussent prises pour éviter qu'un incident similaire se reproduisît, mais leurs demandes restèrent alors sans réponse. Depuis la collision d'Überlingen, l'OACI demande aux pilotes de suivre systématiquement les instructions de leur TCAS, le système anti-collision embarqué, quand celui-ci déclenche une alerte d'évitement.
Peter Nielsen est mort poignardé devant sa maison à Zurich le . Son assassin, Vitali Kaloïev, fut arrêté quelques jours plus tard. Kaloïev avait perdu sa femme et ses deux enfants dans la catastrophe, et souffrait d'une grave dépression nerveuse. Arrivé très vite sur les lieux du crash, il avait participé à la recherche des corps et avait retrouvé le collier de sa fille. Un an après le drame, il avait demandé à la direction de Skyguide de rencontrer le contrôleur responsable de la catastrophe. Sa demande était restée sans réponse. Après le meurtre, il fut retrouvé dans sa chambre d'hôtel, en état apparent de choc. Il prétendit ne plus se souvenir de son acte, et fut interné en hôpital psychiatrique où il fit l'objet d'un examen approfondi. Il a été condamné en octobre 2005 à 8 ans de prison par un tribunal suisse. Ce jugement a été revu et porté à 5 ans de prison avec sursis et 3 ans de détention ferme. Ceci a ouvert la voie à une libération de Kaloïev, ce dernier ayant déjà effectué deux tiers de sa peine. Vitali Kaloïev a été libéré[6] le .
Nielsen n'était pas le seul responsable de la collision, mais Kaloïev n'avait pas conscience de la conjonction d'évènements qui avait conduit à l'accident. Les experts[Qui ?] conclurent même qu'au vu des faits, Nielsen n'aurait pas dû être sanctionné. Il avait arrêté de travailler à la suite de son inculpation.
Le , le Bundesstelle für Flugunfalluntersuchung (BFU), le bureau enquêtes-accidents de l'aviation civile allemande, publia les résultats de son enquête. Skyguide, qui tenait initialement l'équipage russe pour responsable de l'accident, accepta sa part de responsabilité et paya une compensation à certaines[pourquoi ?] des familles russes touchées par la catastrophe.
Le procès de Skyguide se tient du 15 au en Suisse, à Bülach, au nord de Zurich, où comparaissent huit collaborateurs de Skyguide, accusés d'homicides par négligence. Le ministère public requiert des peines de 15 mois de prison avec sursis pour trois cadres de l’entreprise, et entre six et douze mois pour les autres accusés. En septembre, le tribunal de district de Bülach condamne ces trois cadres à un an de prison avec sursis pour homicide par négligence. Un responsable des travaux de maintenance effectués le soir de l'accident est lui condamné à une amende avec sursis de 13 500 francs suisses[7].
L'accident et l'assassinat du contrôleur aérien par un père en quête de vengeance ont inspiré le film américain Aftermath (2017), avec Arnold Schwarzenegger dans le rôle principal.