Comme le membre de gauche semble moins difficile à calculer que celui de droite (parce qu'on connait très peu de théorèmes généraux de structure sur les C*-algèbres), on considère souvent cette conjecture comme une explicitation du membre de droite.
À l'origine, la conjecture n'était pas formulée en ces termes car la notion de K-homologie équivariante n'avait pas encore émergé.
Dans le cas où Γ est discret et sans torsion, le membre de gauche se réduit à la K-homologie non équivariante à supports compacts de l'espace classifiant usuel BΓ de Γ.
Il existe aussi une forme plus générale, dite à coefficients, de la conjecture Baum-Connes, dans laquelle les deux membres sont à coefficients dans une C*-algèbre A sur laquelle Γ agit par automorphismes. Elle s'énonce dans le langage de la KK-théorie(de) en disant que le morphisme d'assemblage
est un isomorphisme, et la version sans coefficients correspond au cas A = ℂ.
Cependant, en 2002, Nigel Higson, Vincent Lafforgue et Georges Skandalis ont trouvé des contre-exemples à la conjecture à coefficients, en s'appuyant sur des résultats de Gromov (néanmoins non reconnus, en 2008, par la totalité de la communauté mathématique) qui concernent les graphes expanseurs dans les graphes de Cayley[1]. Même si cette construction se confirme, la conjecture à coefficients reste un sujet de recherche active car, contrairement à la conjecture classique, on la considère souvent comme un énoncé concernant des groupes ou ensembles de groupes particuliers.
Soit Γ le groupe ℤ des entiers relatifs. Alors le membre de gauche est la K-homologie de son classifiant Bℤ qui est le cercle. Par l'isomorphisme de Gelfand(en), qui n'est autre ici que la transformation de Fourier, la C*-algèbre du groupe est isomorphe à l'algèbre des fonctions continues sur le cercle, donc le membre de droite est la K-théorie topologique du cercle. Le morphisme d'assemblage est alors la dualité de Poincaré en KK-théorie (définie par Gennadi Kasparov(de)) et c'est un isomorphisme.
La conjecture sans coefficients est toujours non résolue en toute généralité. Elle a été le sujet de nombreux travaux, et a été démontrée pour les classes de groupes suivantes :
les groupes ayant la propriété de Haagerup(en), ou groupes a-T-moyennables de Gromov[2], qui vérifient même la conjecture à coefficients[3] (parmi les groupes a-T-moyennables figurent les groupes moyennables, les groupes de Coxeter, les groupes agissant proprement sur un arbre ou sur un complexe cubique CAT(0) ; ceci inclut aussi les groupes de LieSO(n,1), SU(n,1) et leurs sous-groupes discrets) ;
les groupes à une relation (i.e. admettant une présentation avec un nombre fini de générateurs et une seule relation), qui vérifient même la conjecture à coefficients[4] ;
les sous-groupes discrets cocompacts des groupes suivants[5],[6] :
les groupes de Lie réels de rang 1 : on l'a vu plus haut pour SO(n,1) et SU(n,1), mais ceci inclut aussi Sp(n,1) (n > 1) et F4(–20) qui, eux, ont la propriété (T)[7],
(les groupes discrets infinis ayant la propriété (T) de Kazhdan et pour lesquels on sait démontrer la conjecture sont encore rares[9] ; ces premiers exemples n'ont été exhibés qu'en 1998, par Vincent Lafforgue[5],[10]) ;
les groupes hyperboliques de Gromov et leurs sous-groupes (ceci inclut en particulier les réseaux cocompacts des groupes de Lie de rang 1), qui vérifient même la conjecture à coefficients[11].
Dans le cas des groupes non discrets, on dispose de résultats très généraux :
la conjecture est connue pour les groupes de Lie réels connexes réductifs (A. Wassermann, 1987) ;
plus généralement, elle a été démontrée par J. Chabert, S. Echterhoff et R. Nest[12] pour la classe des groupes presque connexes (un groupe topologique G est dit presque connexe si G/G0 est compact, où G0 est la composante connexe de l'identité dans G), et aussi pour les groupes algébriques sur les corps locaux de caractéristique nulle (ℝ, ℂ et les extensions finies de ℚp).
L'injectivité est connue pour bien plus de groupes grâce à la méthode Dirac-dual Dirac. Celle-ci remonte à des idées de Michael Atiyah, généralisées et formalisées en 1987 par Gennadi Kasparov. L'injectivité est connue pour les classes suivantes :
les sous-groupes discrets de groupes de Lie connexes ou virtuellement connexes,
↑(en) N. Higson, V. Lafforgue et G. Skandalis, « Counter-examples to the Baum-Connes conjecture », Geom. Funct. Anal., vol. 12, no 2, , p. 330-354 (lire en ligne).
↑Pierre Julg, « Travaux de N. Higson et G. Kasparov sur la conjecture de Baum-Connes », Séminaire Bourbaki, vol. 40, (lire en ligne), exposé no 841, p. 151-183.
↑(en) G. Higson et G. Kasparov, « E-theory and KK-theory for groups which act properly and isometrically on Hilbert space », Invent. Math., vol. 144, , p. 23-74 (lire en ligne).
↑(en) C. Béguin, H. Bettaieb et A. Valette, « K-theory for C*-algebras of one-relator groups », K-Theory, vol. 16, no 3, , p. 277-298 (DOI10.1023/A:1007755408585).
↑ a et bGeorges Skandalis, « Progrès récents sur la conjecture de Baum-Connes. Contribution de Vincent Lafforgue », Séminaire Bourbaki, vol. 42, (lire en ligne), exposé no 869, p. 105-135.
↑(en) Guido Mislin et Alain Valette, Proper Group Actions and the Baum-Connes Conjecture, Birkhäuser, (lire en ligne), p. 42.
↑(en) Alain Valette, Introduction to the Baum-Connes Conjecture, Springer, (lire en ligne), p. ix.
↑(en) Michael Puschnigg, « The Baum-Connes conjecture with coefficients for word-hyperbolic groups (after Vincent Lafforgue) », Séminaire Bourbaki, vol. 65, (lire en ligne), exposé no 1062, p. 105-135.
↑(en) J. Chabert, S. Echterhoff et R. Nest, « The Connes-Kasparov conjecture for almost connected groups and for linear p-adic groups », Publ. Math. IHES, vol. 97, (lire en ligne).