La connexité est une notion de topologie qui formalise le concept d'« objet d'un seul tenant ». Un objet est dit connexe s'il est fait d'un seul « morceau ». Dans le cas contraire, chacun des morceaux est une composante connexe de l'objet étudié.
Soit un espace topologique E. Les quatre propositions suivantes sont équivalentes :
Dans le cas où l'une de ces conditions équivalentes est remplie, on dit que l'espace E est connexe.
La dernière de ces quatre caractérisations est souvent la plus commode à utiliser pour démontrer un résultat de connexité.
Une partie X d'un espace topologique E est dite connexe si elle est un espace connexe lorsqu'elle est munie de la topologie induite.
Les parties connexes de ℝ sont les intervalles[1].
Si X et Y sont deux parties connexes d'un espace topologique, en général l'union et l'intersection de X et Y ne sont pas connexes[2].
En revanche, l'union des deux parties connexes est connexe dès qu'elles ont un point commun (il suffit même que l'une des deux rencontre l'adhérence de l'autre). Plus généralement :
Exemples d'application :
Si A est une partie connexe de E alors son adhérence A est connexe car plus généralement, toute partie B de E telle que A ⊂ B ⊂ A est connexe.
Théorème du passage à la douane : dans un espace topologique, toute partie connexe qui rencontre à la fois une partie C et son complémentaire rencontre nécessairement la frontière de C[1].
Un produit d'espaces non vides est connexe si (et seulement si) chaque facteur l'est. Plus généralement, l'espace total d'un fibré de base et de fibre connexes est connexe[3].
Étant donné un point x d'un espace topologique E, la réunion de toutes les parties connexes contenant x est connexe. C'est la plus grande (au sens de la relation d'inclusion) de toutes les parties connexes contenant x. On la note Cx et on l'appelle composante connexe de x dans E. Les composantes connexes des points de E sont donc les parties connexes maximales pour l'inclusion (il n'y en a qu'une si l'espace est connexe). Elles forment une partition de E ; autrement dit : ce sont les classes d'une relation d'équivalence sur E. Deux points de E sont dits connectés s'ils sont dans la même composante connexe.
Au minimum, on a Cx = {x} ; cela signifie que {x} est le seul sous-ensemble connexe de E contenant x mais pas forcément que x est un point isolé (voir exemples). Si Cx = {x} pour tout point x de E, on dit que E est totalement discontinu. Au maximum, on a Cx = E ; c'est le cas où E est connexe.
Les composantes connexes sont toujours fermées mais pas toujours ouvertes (elles le sont si et seulement si l'espace est leur somme topologique) ; cependant :
D'après la définition, un espace est connexe lorsque son image par une application continue n'est jamais l'espace discret {0, 1}. Or ce dernier est (a fortiori) non connexe. Plus généralement :
Toute image continue d'un connexe est connexe.
C'est-à-dire que si E est un espace connexe et f une application continue de E dans un espace F, alors f(E) est une partie connexe de F. En effet, si g est une application continue de f(E) dans l'espace discret {0, 1}, alors g∘f — continue sur le connexe E — est constante donc g est constante. En particulier :
Définition — Une application f d'un espace topologique X dans un ensemble Y est dite localement constante (en) sur X si tout point de X possède un voisinage sur lequel f est constante.
Une fonction localement constante sur X n'est pas forcément constante sur X, mais c'est le cas si l'espace X est connexe, comme le montre le théorème suivant.
Théorème[4] — Si f est localement constante sur X alors elle est constante sur chaque composante connexe de X.
La réciproque de ce théorème est fausse en général (prendre X = ℚ), mais vraie si X est localement connexe.
Pour montrer qu'une propriété est vraie pour tous les points d'une partie que l'on sait connexe, on montre que l'ensemble des points qui la satisfait est ouvert et fermé.
C'est ce qu'on fait pour le théorème d'unicité des solutions globales d'une équation différentielle, et pour le principe du prolongement analytique.
Les applications sont nombreuses. La droite ℝ et le plan ℝ2 ne sont pas homéomorphes : si tel était le cas, la droite privée d'un point serait homéomorphe au plan privé d'un point. Mais le second espace est connexe, le premier ne l'est pas.
Le même argument montre que le cercle S1 n'est pas homéomorphe à un intervalle.
Cet argument ne s'étend pas aux dimensions supérieures. Si on veut montrer en utilisant les mêmes idées que ℝ2 et ℝ3 ne sont pas homéomorphes, il faut faire intervenir la connexité simple (c'est-à-dire la connexité par arcs de l'espace des lacets). Le résultat est encore vrai pour les dimensions supérieures, mais fait appel pour la démonstration à des outils plus puissants comme l'homologie.
On peut encore citer, comme application de la connexité, l'analyse de l'énigme des trois maisons. L'objet de cette énigme est de relier trois points du plan identifiés à des maisons à trois autres, identifiés à des fournisseurs (eau, gaz et électricité). Chaque maison doit être reliée aux trois fournisseurs et les liens ne doivent pas se croiser. La démonstration de l'impossibilité de résolution se fonde sur le théorème de Jordan, qui s'exprime en termes de connexité.
Dans un groupe topologique G, la composante connexe de l'identité, appelée composante neutre (en) et notée G0, est un sous-groupe distingué. Comme toute composante connexe, G0 est fermé dans G, et de plus ouvert si G est localement connexe (en particulier si G est localement connexe par arcs, notamment si G est un groupe de Lie). Le groupe quotient G/G0 (muni de la topologie quotient) est totalement discontinu ; il est discret si et seulement si G0 est ouvert.
La propriété suivante est très utile pour montrer des résultats de connexité :
Soit G un groupe topologique et H un sous-groupe. Si le groupe H et l'espace G/H sont connexes, alors G est lui-même connexe[5],[6].
Aussi, si G est un groupe topologique et H un sous-groupe distingué connexe, alors le produit semi-direct de H par l'espace quotient G/H, avec pour action celle induite par le produit dans G, est connexe. On peut ainsi montrer que, si G est un groupe de Lie et H son sous-groupe distingué maximal connexe, alors le produit semi-direct de H par l'espace quotient G/H, muni de la topologie induite à partir d'une décomposition en orbites du fibré normal associé à cette action, est un groupe localement connexe[7].