La conservation-restauration de peinture remplace le terme de « restauration » pour dénommer une discipline dédiée à l'examen et à la prise de mesures afin de conserver et restaurer des peintures quel que soit leur support (peintures sur bois, sur toile, peintures murales, etc.).
Cette discipline a été longtemps peu considérée, voire critiquée, dans l'histoire de l'art. Le soin des choses existe depuis toujours, mais la conservation-restauration professionnelle est un métier qui existe que depuis quelques siècles en France. Depuis quelques années, l'histoire de la conservation-restauration de peinture est un sujet de recherche qui se développe, notamment avec les thèses de Noémie Etienne[1] et Barbara Jouves[2], ou encore la publication du Dictionnaire historique des restaurateurs: tableaux et œuvres sur papier Paris, 1750-1950[3] en 2020.
Différents éléments d’une œuvre peuvent nécessiter une restauration : le support (toile, châssis) ou la couche picturale (couche de préparation, couche colorée comprenant pigments et liant, ou vernis). Quoi qu’il en soit, la restauration ne se fait que sur les parties altérées de l’œuvre et toujours dans le respect du travail original de l’artiste.
Le vieillissement naturel des peintures peut se traduire par[4] :
L’encrassement dû aux souillures en provenance soit du milieu extérieur, soit du subjectile. Il commence par l’empoussiérage favorisé par les craquelures et est accentué par la pollution atmosphérique, constituée de particules solides, gazeuses ou liquides qui obscurcissent la couche de vernis.
Les processus biologiques : développement d'animaux (mouches et insectes xylophages qui se nourrissent de l’amidon contenu dans les supports bois ou toile) et de moisissures sur les pigments peu fongicides.
Les altérations colorimétriques: bleuissement des vernis assez récents qui peut être expliqué par la formation de cristaux de sulfate d’ammonium provenant de l’atmosphère environnante de l’œuvre ; jaunissement des vernis plus anciens qui résulte d'une oxydation de la résine naturelle ou de l'huile ; chanci (opacité du vernis due au développement d'un réseau de microfissures) ; embus (ternissement de la couche picturale), « mats » ou « matités » (ternissement du vernis).
Le craquelage dû au développement de craquelures de trois grands types : craquelures d’âges dites naturelles qui peuvent évoluer en écaillage (exemples : faïençage), craquelures prématurées (naturelles ou non, elles viennent de la technique picturale. Exemple : rides, gerçures, crevasses, peaux de crocodile, craquelures fermées) et fausses craquelures[5].
La boursouflure, l'écaillage et le soulèvement. La boursouflure est un gonflement de l'apprêt et de la couche picturale qui provient principalement du rétrécissement du support, généralement en panneaux de bois. Elle peut précéder l'écaillage, perte partielle d'adhésion par de petites surfaces de peinture (les écailles) circonscrites par des craquelures, ou le soulèvement, perte partielle d'adhésion non circonscrite.
La lacune : perte de matière picturale. Elle est en quelque sorte le stade ultime d'une rupture adhésive du film de peinture.
La première étape est le constat de l’état de l’œuvre : il s’agit de dresser l’état du tableau et recenser toutes les altérations pour évaluer le travail futur de restauration. L’œuvre subit de nombreux examens (radiographies, rayons infrarouges, photographie ultraviolette et fluorescence d’ultra-violets…[6]) afin de déceler toutes les caractéristiques du tableau. Des prélèvements sont également effectués pour connaître les matériaux employés par l’artiste ainsi que ses techniques employés lors de la réalisation de l’œuvre.
Parmi les nombreuses interventions de conservation-restauration qui peuvent toucher une peinture, les principales sont[7] :
l'allègement : enlèvement partiel du vernis avec des dissolvants actifs et/ou doux à évaporation rapide, de façon à laisser intacte la très mince pellicule qui a pu pénétrer dans la couche picturale lors du vernissage
le nettoyage (initialement un test sur une fenêtre de nettoyage) : enlèvement partiel ou total des souillures, par un nettoyage en profondeur ou « dévernissage » au moyen d'un dissolvant ou d'un scalpel pour les taches les plus résistantes, ou par un nettoyage superficiel, appelé décrassage, dépoussiérage ou bichonnage par le C2RMF. L’œuvre est ensuite revernie.
le bouchage des trous ou masticage : opération qui permet de préparer la toile à la retouche en comblant les trous causés par les vers ou les écailles à l'aide d'un mastic composé le plus souvent de blanc à la colle qui est poncé avant retouche.
le refixage de la couche picturale : dans le cas d’écailles de peintures qui se soulèvent, le restaurateur applique un traitement qui va permettre de recoller les différentes couches de pigments.
les retouches : elles doivent atténuer les défauts de l’œuvre dus au temps. Elles permettent de se rapprocher à l’état original de l’œuvre et la remettre en valeur. La retouche doit être la plus discrète possible, quasiment invisible. Elle se fait généralement à l’aide d’aquarelle, de peinture acrylique ou de couleurs au vernis. Le vernissage final fait apparaitre les nuances de couleurs et protège l’œuvre des futures altérations naturelles qu’elle peut subir (poussière, humidité…).
le rentoilage ou doublage : si la toile est trop altérée, une nouvelle toile est apposée à l’arrière de la première qui est ainsi renforcée. L'apposition avec la technique ancienne de la colle est délaissée en faveur de la technique hollandaise à base de cire et de résine.
Le savoir-faire de la restauration d’œuvres peintes est unique et fait pour cela l’objet d’une inscription à l’Inventaire du patrimoine culturel immatériel en France. L’enquête a porté sur le savoir-faire de l’atelier de Catherine Ruel et Kiriaki Tsesmeloglou à Nantes, spécialisé dans la restauration de peintures religieuses et enluminures[8].
En France il existe quatre formations publiques qui sont accessibles sur concours et dont le Diplôme d'État confère l'habilitation Musées de France et Monuments Historiques. Cette habilitation est nécessaire pour pouvoir intervenir sur les collections publiques, notamment dans le cadre de la réponse à des appels d'offres[9]. Ces formations sont celles de :
l'Institut national du patrimoine, qui délivre un diplôme de « restaurateur du patrimoine », habilité au grade de master dans sept sections : Arts du feu (spécialité céramique et verre ou métal), Arts graphiques (spécialité Arts graphiques ou Livres), Mobilier, Peinture, Photographie, Sculpture, Textile.
l'université de Paris I Panthéon-Sorbonne, qui délivre un master de « conservation-restauration des biens culturels »[10] dans trois spécialités : Peinture, Arts Graphiques et Livres, et Objets 3D (Sculpture et Objets Archéologiques).
Il existe également plusieurs formations privées, qui ne confèrent pas l’habilitation Musées de France. Parmi elles est la formation en cinq ans, dispensée à l'École de Condé à Paris et à Lyon, qui délivre un diplôme de "Restaurateur - Conservateur du patrimoine option peinture de chevalet, arts graphiques et céramiques & verre" (reconnu au niveau II du Répertoire national des certifications professionnelles RNCP) par Arrêté ministériel du 17 mai 2018 publié au Journal Officiel du 24 mai 2018.
Illustration : principales étapes techniques d'une restauration de peinture murale du XVe siècle
↑Noémie Etienne, La Restauration des peintures à Paris (1750-1815) : pratiques et discours sur la matérialité des oeuvres d’art, Paris,
↑Barbara Jouves, La conservation et la restauration des tableaux des collections privées à Paris (1789-1870), Paris,
↑Isabelle Cabillic, Béatrice Lauwick, Nathalie Volle, Dictionnaire historique des restaurateurs : tableaux et oeuvres sur papier, Paris, 1750-1950, Paris, Mare & Martin / Louvre éditions,
↑Provoquées pour faire un faux par abus volontaires de siccatif, utilisation de vernis ou médium craqueleur ou par technique particulière de séchage. Elles peuvent également être volontairement reconstituées par le restaurateur pour réintégrer l’image
↑Jocelyne Boyer, « Mini-glossaire trilingue (Français-Anglais-Italien) de la restauration des peintures », Meta, vol. 16, no 4, , p. 224–231 (DOI10.7202/002136ar, lire en ligne).
↑Fiche d'inventaire de la "Restauration d'œuvres peintes" au patrimoine culturel immatériel français, sur culturecommunication.gouv.fr (consultée le 29 septembre 2015)
Sophie Moreaux, « Pascal LABREUCHE, Paris, capitale de la toile à peindre – XVIIIe – XIXe siècle », CeROArt, 7 | 2011, http://journals.openedition.org/ceroart/2264, consulté le 3 avril 2024.