Corrido

Un corrido est une chanson dotée d'un contenu narratif qui appartient au genre générique des ballades de strophes de huit syllabes[1]. Comme toutes les ballades, son objectif principal consiste à raconter une histoire, rendre compte d'un échec ou d'un succès dans un style épique ou romancé en utilisant un vocabulaire, des métaphores, des expressions et des procédés discursifs qui constituent le langage poétique du corrido[2]. Les chansons peuvent traiter de questions politiques, d'événements historiques et de relations amoureuses[3]. Dans ces histoires d'événements et de personnages idéalisés prédominaient et le Mexicain était présenté comme courageux et fêtard. Au cours des trente dernières années, les crises économiques se sont intensifiées au Mexique, affectant de larges groupes sociaux, qui s'expriment à travers la création de nouvelles compositions faisant allusion aux luttes populaires, aux mouvements de gauche qui se sont renforcés[4].

Du milieu à la fin des années 1800, plusieurs formes de ballades - la romance , la décima et la copla - coexistaient au Mexique et dans le sud-ouest des États-Unis, et à cette époque le corrido semble avoir eu sa genèse. En 1848, cependant, les avant-postes éloignés du nord du Mexique appartenaient déjà aux États-Unis à la suite de la révolution du Texas, de la guerre du Mexique et du traité de Guadalupe Hidalgo. Alors qu'en Californie, submergée par l'immigration Européenne et Américaine, les formes de ballade d'origine Espagnole tendent à disparaître, et que le Nouveau-Mexique, isolé aussi bien que de l'influence culturelle Américaine que de son homologue Mexicaine, tend à conserver plus longtemps les traditions d'origine Espagnole, une nouvelle forme de ballade se développe dans la vallée du bas Río Grande qui atteint l'apogée de sa popularité, portée par les conflits sociaux et culturels, entre 1890 et 1910.[5].

Le corrido, à l'inverse de nombreuses traditions de ballades qui remontent au Moyen Âge, est une manifestation moderne : il n’apparaît pas en tant que genre pleinement constitué avant la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle[3]. Les textes qui y ressemblent et qui sont antérieurs à cette époque relèvent plutôt de la poésie panégyrique ou satirique qui a été très populaire au XVIIIe siècle en Nouvelle Espagne. Le contenu narratif de cette poésie, encore qu'elle aborde des aspects historiques, politiques ou sociaux, est très limité et son style est trop distant de celui du corrido tel qu'on l'entend généralement, pour pouvoir en considérer les œuvres comme des corridos[6].

La Révolution Mexicaine et l'usage que les pouvoirs issus de cette révolution en font, lui fournissent ses lettres de noblesse et définissent en quelque sorte la « forme classique » du corrido. Il existe d'une part en tant que témoin du support populaire dont bénéficient les vainqueurs de la révolution, mais aussi en tant que porteur de la parole de leurs opposants. Il évolue pendant plus d'un siècle en s'adaptant aux différents contextes politiques et sociaux, à l'évolution des goûts et de la sensibilité populaire, non seulement au Mexique, mais aussi auprès des Américains-mexicains, jusqu'à devenir l'une des principales manifestations artistiques de l'identité mexicaine[2].

De nos jours, les corridos font allusion à tous les sujets de la vie moderne et particulièrement ceux ayant trait aux faits divers, à la corruption, aux assassinats politiques, et au trafic de narcotiques (narcocorrido)[4].

Il est pratiquement impossible de définir le corrido par la forme de son texte ou par son contenu parce qu'il revêt différentes formes et recouvre un grand nombre de genres. Ils n'ont pas non plus de structure musicale fixe : chaque auteur en compose les mélodies à sa guise et réutilise éventuellement des mélodies qu'il connait. Lorsque les ethnomusicologues collectent des corridos anciens, ils recueillent des chants qui sont considérées d'origine locale ou perçus comme tels, par opposition aux pièces qui représentent les traditions culturelles d'autres régions ou d'autres classes sociales comme les polkas, les scottishs, ou les tangos qui font partie à ses côtés du répertoire des orchestres locaux de tout types[7]. Le corrido ne peut pas non plus être vu comme une solution de facilité qui favoriserait l'expression de classes sociales peu éduquées : il coexiste aussi avec des chansons dont les structures littéraires et musicales sont beaucoup plus rigides comme les Décimas (es) ou la Bola Suriana[7].

La production et la diffusion des corridos sont depuis toujours le fait de processus dont la sophistication dépend de l'audience (familiale, locale, régionale, nationale, transnationale ou internationale) que leurs auteurs ou leurs promoteurs cherchent à capter et des moyens qui sont mis en œuvre pour l'atteindre et qui par l'effet des évolutions technologiques changent au fil du temps. Les acteurs, tant politiques qu'économiques, de ces processus ont toujours plus ou moins cherché à en contrôler les contenus. Il a, par conséquent, existé a toute époque des corridos de diverse qualité qui ont circulé sur des supports produits de manière plus ou moins artisanale et dont il est difficile de retrouver la trace à l'horizon de quinze à vingt ans[note 1].

Caractéristiques morphologiques

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Forme musicale

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Du point de vue musical, le corrido mexicain, est une ballade chantée sur un rythme à deux temps ou à trois temps dans lequel la tonique de l'accord constitue la base du temps fort, et la quinte majeure de celle-ci la base des temps faibles. Il coexiste aujourd'hui, avec une dizaine d'autres rythmes (Boléro, Huapango, Polka, Mazurka, Chotis, Redova, Ranchera, Cumbia, etc.) qui ont, à une époque ou une autre, connu un succès populaire durable.

Forme poétique

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Tous les corridos sont composés de quatre strophes de vers octosyllabes dont le plus souvent, seuls le second et le quatrième sont supposés rimer. Cette forme est présente dans les corridos les plus anciens comme le « corrido De Don Lucas Gutiérrez »

« Dice don Lucas Gutiérrez:
-Ora los voy a tantear,
voy a poner el sombrero
a ver si saben tirar.
 
Ese teniente Contreras
era hombre y no tenía miedo,
le pegó cinco balazos
en la copa del sombrero.
 »

« Don Lucas Gutiérrez dit:
- Allons je vais les tester,
Je vais mettre le chapeau
pour voir s'ils savent tirer.
 
Ce lieutenant Contreras
était un homme et il n'avait pas peur,
il lui a tiré dessus cinq fois
dans la calotte du chapeau. »

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Soldaderas (parfois nommées adelitas) pendant la Révolution.

La Adelita (es) est l'un des corridos célèbres de la Révolution mexicaine (1910-1920).

Les paroles :

En lo alto de la abrupta serranía
acampado se encontraba un regimiento
y una moza que valiente los seguía
locamente enamorada del sargento.

En haut de la montagne abrupte
On trouvait un régiment qui campait
Et une courageuse jeune fille qui les suivait,
Follement amoureuse du sergent.

Popular entre la tropa era Adelita
la mujer que el sargento idolatraba
que ademas de ser valiente era bonita
que hasta el mismo coronel la respetaba.

Adélita était populaire parmi la troupe,
La femme que le sergent idolâtrait,
Et, en plus d'être courageuse, elle était jolie
Et le colonel lui-même la respectait.

Y se oía, que decía, aquel que tanto la quería:

Y si Adelita se fuera con otro
la seguiría por tierra y por mar
si por mar en un buque de guerra
si por tierra en un tren militar.

Et on entendait dire que celui qui l'aimait tant disait :

Et si Adélita partait avec un autre,
Je la suivrais sur terre et sur la mer
Sur la mer dans un bateau de guerre,
Sur la terre dans un train militaire.

Y si Adelita quisiera ser mi esposa
y si Adelita ya fuera mi mujer
le compraría un vestido de seda
para llevarla a bailar al cuartel.

Et si Adélita voulait être ma fiancée,
Et si Adélita était ma femme,
Je lui achèterais une robe de soie
Pour l'amener danser à la caserne.

Bibliographie

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Ouvrages et articles
  • (es) Enrique Eguiarte-Bendímez, « El Corrido Mexicano. Elementos Literarios y Culturales », RILCE. Revista de Filología Hispánica, Pamplona, Servicio de Publicaciones Universidad de Navarra, no REV - RILCE - 2000, 16.1,‎ , p. 16 (ISSN 0213-2370, lire en ligne).
  • [Thèse] (es) Ciro Arbós Moya, Corrido mexicano contemporáneo de difusión discográfica comercial: pervivencias y desarrollos del paradigma poético original, Madrid, Universidad Complutense de Madrid, Facultad de Filología, (lire en ligne), voir aussi.
  • [Thèse] (es) Elizabeth Priscilla Pérez, Un primer acercamiento a la tradición del corrido mexicano en el Valle de Yákima, Washington D. C., Elizabeth Priscilla Pérez, Department of Spanish and Portuguese Studies, University of Washington, (lire en ligne).
  • (es) Vicente T. Mendoza, El romance español y el corrido mexicano, Ciudad de México, Universidad Nacional Autónoma, (réimpr. 1997) (1re éd. 1939), 832 p. (ISBN 968-36-5558-0, OCLC 469020226, lire en ligne).
  • (es) Helena Simonett, « Subcultura musical: el narcocorrido comercial y el narcocorrido por encargo », Caravelle. Cahiers du monde hispanique et luso-brésilien, Toulouse,‎ , p. 179-193 (e-ISSN 2272-9828, lire en ligne).
  • (es) Aurelio González, « Caracterización de los héroes en los corridos mexicanos », Caravelle. Cahiers du monde hispanique et luso-brésilien, no 72,‎ , p. 83-97 (e-ISSN 2272-9828).
  • (es) Magdalena Altamirano, « De la Copla al Corrido: influencias líricas en el Corrido Mexicano tradicional », dans Magdalena Altamirano, Raúl Ávila, Martha Bremauntz, Rodrigo Bazán Bonfil, Laurette Codinas, Donají Cuéllar, Enrique Flores, Margit Frenk, Patricia García López, Aurelio González, Raúl Eduardo González, Claudia Avilés Hernández, Yvette Jiménez de Báez, Gloria Libertad Juárez San Juan, Mariana Masera, María Teresa Miaja de la Peña, Beatriz Mariscal,Marco Antonio Molina, José Manuel Pedrosa, Rosa Virginia Sánchez, Mercedes Zavala Gómez del Campo, La copla en México, Pedregal de Santa Teresa, México, D.F., El Colegio de Mexico, (lire en ligne), pp. 261-272.
  • Catherine Héau de Giménez, « Corrido, identité, idéologie : chant populaire de tradition orale au Mexique », Cahiers du monde hispanique et luso-brésilien, Toulouse, Presses Universitaires du Midi, no 48 « Musiques populaires et identités en Amérique latine »,‎ (ISSN 0008-0152, lire en ligne).
  • (es) Ana Marco GONZÁLEZ., Aquí me siento a contar: presencias de la canción popular mexicana en la narrativa hispánica contemporánea, Grenade, Universidad de Granada, Departamento de Literatura Española, , 726 p. (ISBN 978-84-693-5995-2, lire en ligne).


Ressources en ligne
  • (en) Dan W. Dickey, « Corridos », sur Texas State Historical Association, (consulté le ).
  • (es) Francisco Garcia Davish (dir.), « Se deslinda ayuntamiento de Uruapan de pornocorridos », sur Agencia Quadratin,  : « Estimado señor García Davish, con mucha preocupación he visto hace unos minutos publicado en su portal www.quadratin.com.mx, una nota que hace referencia y que en su encabezado a la letra dice:“Promueve ayuntamiento de Uruapan los pornocorridos”, sin embargo señor Francisco García Davish, con absoluto respeto le informo, que no fue personal de esta oficina quien de manera negativa haya dado uso de la cuenta de Facebook, comunicación social Uruapan, para tales fines, por lo que el Honorable Ayuntamiento de Uruapan, se deslinda rotundamente de tales afirmaciones.
    (Cher M. García Davish, avec une grande inquiétude, j'ai vu il y a quelques minutes publier sur votre site www.quadratin.com.mx, une note qui fait référence et qui dans son en-tête dit à la lettre dit: "Le conseil municipal d'Uruapan promeut les pornocorridos ", néanmoins, M. Francisco García Davish, avec un respect absolu, je vous informe que ce n'est pas le personnel de ce bureau qui a mésusé du compte Facebook, la communication sociale d'Uruapan, à de telles fins, doncl'honorable conseil municipal d'Uruapan, rejette donc catégoriquement de telles allégations.)
     »
    .

Notes et références

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Notes
  1. On peut citer à cet effet, les « pornocorridos » dont l'existence a scandalisé certaines opinions bien pensantes à une époque[8], mais dont il est aujourd'hui difficile de tracer l'apparition et la relative disparition (car ils existent très vraisemblablement aujourd'hui dans certaines ambiances galliardes) parce comme les films classés sous l'étiquette « narcoporno », leur sujet et leur qualité étaient médiocres et ne leur ont pas permis de survivre à une plus grande érotisation ou sexualisation des contenus que les médias de grande envergure diffusent.


Références
  1. « TSHA | Corridos », sur tshaonline.org (consulté le ).
  2. a et b Magdalena Altamirano 2007
  3. a et b « Mexico y su musica », sur hispanoteca.eu (consulté le ).
  4. a et b Reyes Luciano Álvarez Fabela, « Los corridos pesados; música y violencia una forma alterna de contar la historia en México », Música oral del Sur: revista internacional, no 9,‎ , p. 194–219 (ISSN 1138-8579, lire en ligne, consulté le ).
  5. Dan W. Dickey 2020
  6. Aurelio González 1999
  7. a et b Catherine Héau de Giménez 1987
  8. Francisco Garcia Davish


Lien externe

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