En mathématiques, une courbe implicite (en coordonnées cartésiennes) est une courbe plane définie par une équation implicite reliant les deux coordonnées x et y d'un point de . Par exemple, le cercle unité est défini par l'équation implicite . Dans le cas général, une courbe implicite est définie en coordonnées cartésiennes par une équation de la forme
où F est une fonction de deux variables. Elle peut donc être considérée comme l'ensemble des zéros d'une telle fonction. Implicite signifie que l'équation n'est pas sous une forme où y a été explicité en fonction de x, ou l'inverse.
Si est un polynôme à deux variables, la courbe correspondante est dite algébrique, et il existe des méthodes spécifiques pour l'étudier.
Les courbes planes peuvent être représentées en coordonnées cartésiennes sous trois formes, dont l'une est la forme implicite vue ci-dessus, une autre, la forme explicite (ou ), et la troisième, la forme paramétrique, où les coordonnées x et y sont représentées par deux fonctions x(t), y(t) dépendant d'un paramètre commun
En pratique les courbes implicites ont pour inconvénient principal une visualisation difficile. Mais il existe des programmes informatiques permettant de les représenter. Les propriétés particulières des courbes implicites en font des outils indispensables en géométrie et en infographie.
Les quatre premiers exemples sont algébriques, mais pas le dernier. Les courbes des trois premiers exemples possèdent des représentations paramétriques simples, ce qui n'est pas le cas des quatrième et cinquième exemples. Ce dernier montre que la structure géométrique d'une courbe implicite peut éventuellement être complexe.
Une courbe implicite d'équation peut être considérée comme la courbe de niveau 0 de la surface (voir la troisième figure).
Courbes équipotentielles de deux charges ponctuelles
Le théorème des fonctions implicites explicite les conditions sous lesquelles une équation peut être résolue implicitementenx et/ou y – c'est-à-dire qu'on peut valablement écrire ou . Ce théorème est la clé du calcul des caractéristiques géométriques essentielles de la courbe : tangentes, normales et courbure.
En général, les courbes implicites échouent au test de la droite verticale (ce qui signifie que certaines valeurs de x sont associées à plusieurs valeurs de y ) et ne sont donc pas nécessairement des graphes de fonctions. Cependant, le théorème des fonctions implicites donne des conditions sous lesquelles une courbe implicite est représentée localement par le graphe d'une fonction (en particulier si elle n'a pas d'auto-intersections). Si les relations de définition sont suffisamment lisses, alors, dans de telles régions, les courbes implicites ont des pentes, des tangentes, des vecteurs normaux et une courbure bien définis.
Il existe plusieurs manières de calculer ces quantités pour une courbe implicite donnée. Une méthode consiste à utiliser la différenciation implicite pour calculer les dérivées de y par rapport à x. Pour une courbe définie par l'équation implicite , on peut aussi exprimer ces formules directement en termes de dérivées partielles de . Dans ce qui suit, les dérivées partielles sont notées ou p (pour la dérivée par rapport à x), ou q, ou r (pour la dérivée seconde partielle par rapport à x), ou s (pour la dérivée seconde partielle mixte), et ou t.
Si le théorème des fonctions implicites garantit au voisinage d'un point l'existence d'une fonction telle que . Par la règle de dérivation des fonctions composées, les dérivées de la fonction sont alors :
et
(où les arguments à droite de la deuxième formule sont omis pour faciliter la lecture).
Or les formules de la pente de tangente et de la courbure de la courbe d'équation explicite sont respectivement
D'où les résultats du paragraphe précédent en insérant les valeurs ci-dessus, résultats encore valables si .
Les représentations implicites facilitent le calcul des points d'intersection : si une courbe est représentée implicitement et l'autre paramétriquement, le calcul des points d'intersection ne nécessite qu'une simple itération de Newton (à une dimension) (mais pas dans les cas implicite-implicite et paramétrique-paramétrique).
Une représentation implicite donne la possibilité de créer des zones hors de la courbe suivant le signe de . Cela peut être utile par exemple pour appliquer la méthode de la fausse position au lieu d'une itération de Newton.
Il est facile de générer des courbes qui sont presque géométriquement semblables à la courbe implicite donnée en ajoutant juste une petite constante : (voir le paragraphe Approximations lisses ).
L'inconvénient principal du fait qu'une courbe soit sous forme implicite est l'absence de possibilité facile de calcul de points donnés, ce qui est nécessaire pour la visualisation de cette courbe (voir le paragraphe de visualisation).
En mathématiques, les courbes implicites jouent un rôle important en tant que courbes algébriques. De plus, des courbes implicites sont utilisées pour concevoir des courbes de formes souhaitée ; voici deux exemples.
Une approximation lisse d'un polygone convexe peut être obtenue de la manière suivante : Soit les équations des droites contenant les bords du polygone, exprimées de façon que pour un point intérieur au polygone soit positif. Un sous-ensemble de la courbe implicite
avec un petit paramètre approprié est alors une approximation lisse (différentiable) du polygone. Par exemple, les courbes
pour
contiennent des approximations lisses d'un polygone à 5 côtés (voir figure).
Si l'on part de simples courbes implicites autres que des droites (cercles, paraboles,...) on obtient un large éventail de nouvelles courbes intéressantes. Par exemple,
(produit d'un cercle et de l'axe des x) donne des approximations lisses du bord d'un demi-disque (voir image), et
(produit de deux cercles) donne des approximations lisses du bord de l'intersection de deux disques (voir image).
En CAO on utilise des courbes implicites pour générer des courbes de raccord[2],[3], qui sont des courbes établissant une transition douce entre deux courbes données. Par exemple,
génère des courbes de raccord entre les deux cercles
La méthode garantit la continuité des tangentes et des courbures aux points de contact (voir schéma). Les deux droites
déterminent les points de contact aux cercles. Le paramètre est un paramètre de conception. Dans la figure, .
Pour visualiser une courbe implicite, on détermine généralement une suite de points sur la courbe et on affiche le polygone correspondant. Pour une courbe paramétrique, c'est une tâche facile : on calcule simplement les points d'une suite de valeurs du paramètre. Pour une courbe implicite, il faut résoudre deux sous-problèmes :
déterminer un premier point de courbe à un point de départ donné au voisinage de la courbe,
déterminer un point de la courbe à partir d'un point de la courbe connu.
Dans les deux cas, il est raisonnable de supposer . En pratique, cette hypothèse n'est violée qu'en des points isolés.
Pour la solution des deux tâches mentionnées ci-dessus, il est indispensable de disposer d'un programme informatique (que nous appellerons ), qui, lorsqu'on lui donne un point près d'une courbe implicite, trouve un point qui est exactement sur la courbe:
Afin de générer un polygone dont les sommets sont quasi également espacés sur la courbe implicite, on choisit une longueur de pas et
(T1) on choisit un point de départ approprié à proximité de la courbe
(T2) on détermine un premier point de courbe en utilisant le programme
(T3) on détermine la tangente (voir ci-dessus), on choisit un point de départ sur la tangente en utilisant la longueur du pas (voir schéma) et on détermine un deuxième point de courbe en utilisant le programme .
L'algorithme ne trace que des composantes connexes de la courbe. Si elle en possède plusieurs, il doit être redémarré plusieurs fois avec des points de départ appropriés.
Si la courbe implicite est constituée de plusieurs composantes, il peut être préférable d'utiliser un algorithme de rastérisation. Au lieu de suivre exactement la courbe, un tel algorithme couvre toute la courbe par beaucoup de points de sorte qu'ils se mélangent et fassent ressortir la courbe.
(R1) Générer un réseau de points (un raster) sur la zone d'intérêt du plan xy.
(R2) Pour chaque point dans le réseau, exécuter l'algorithme de point à partir de , puis marquer sa sortie.
Si le réseau est suffisamment dense, le résultat se rapproche de la courbe implicite.
Une courbe implicite en coordonnées polaires est définie par une équation du type . Le passage de l'équation cartésienne d'une courbe, à son équation polaire se fait facilement en posant ; le passage inverse, plus délicat, se fait en utilisant les relations et .
Par exemple, la courbe implicite cartésienne ci-contre a pour équation polaire .
Dans le repère polaire, la tangente a pour pente .
↑(en) Goldman, « Curvature formulas for implicit curves and surfaces », Computer Aided Geometric Design, vol. 22, no 7, , p. 632 (DOI10.1016/j.cagd.2005.06.005, lire en ligne)
↑C. Hoffmann & J. Hopcroft: The potential method for blending surfaces and corners in G. Farin (Ed) Geometric-Modeling, SIAM, Philadelphia, pp. 347-365
↑E. Hartmann: Blending of implicit surfaces with functional splines, CAD,Butterworth-Heinemann, Volume 22 (8), 1990, p. 500-507
↑G. Taubin: Distance Approximations for Rastering Implicit Curves. ACM Transactions on Graphics, Vol. 13, No. 1, 1994.
Gomes, A., Voiculescu, I., Jorge, J., Wyvill, B., Galbraith, C.: Implicit Curves and Surfaces: Mathematics, Data Structures and Algorithms, 2009, Springer-Verlag London, (ISBN978-1-84882-405-8)
C:L : Bajaj, CM Hoffmann, RE Lynch : Tracing surface intersections, Comp. Aided Geom. Design 5 (1988), 285-307.