La discrimination par les prix désigne la modulation par agent des prix de son offre en fonction des caractéristiques connues ou supposées de la demande.
Classiquement, on distingue trois types de discriminations par les prix en fonction de l'information dont dispose l'agent discriminateur :
On parle de discrimination parfaite lorsque l'offreur connait tout de chaque consommateur et lui demande le prix maximum qu'il est prêt à payer. Il capture alors l'intégralité du surplus issu de la transaction. La discrimination parfaite peut aussi reposer sur la connaissance de toute caractéristique parfaitement corrélée à la propension à payer, ce qui revient au même puisqu'il est alors capable de déduire cette propension.
Pour une unité, si le consommateur achète si le consommateur n'achète rien
Soit décroissante, avec consommateurs identiques.
Le tarif n'est pas linéaire. Dans une situation de monopole, il est possible de récupérer le surplus.
En ce qui concerne le tarif binôme, on a:
Un consommateur a un surplus
Il est donc prêt à payer un supplément .
Soit : le producteur capte tout le surplus.
La discrimination parfaite reste théorique. Il existe peu d'exemples d'applications. L'exemple le plus proche est celui d'un unique médecin dans une petite ville qui pratiquerait ses prix en fonction de la capacité à payer de ses clients.
Bien que neutre sur le plan de la transaction, le transfert de surplus généré par la discrimination parfaite se fait au détriment du consommateur. C'est pourquoi le droit de la consommation interdit souvent les discriminations de ce type en imposant l'affichage des prix de manière à fixer l'offre avant que la transaction ait lieu (bars, restaurants, coiffeurs…). Pour ce qui est des entreprises, le droit de la concurrence promeut une certaine transparence en posant l'obligation pour le fournisseur de communiquer son barème de prix et ses conditions générales de vente au revendeur qui en fait la demande. Cette obligation de communication posée à l'article 441-6 du Code de commerce français[1] n'est cependant pas précédé par une obligation d'établissement. Le fournisseur peut en conséquence établir des documents différents pour chaque entreprise cliente car le texte de l'article 442-6 du Code de commerce français[2] ne sanctionne la discrimination que dans la mesure où elle « crée un avantage ou un désavantage dans la concurrence ».
La discrimination de deuxième type a lieu lorsque l'offreur connaît les différences entre les consommateurs, mais ne peut les identifier. Il propose alors différents packages:
Les consommateurs s'autosélectionnent. Et, il faut respecter deux principales contraintes:
La forme la plus générale de discrimination du deuxième type est la présentation d'un menu (qualité, prix) qui amène les clients valorisant le plus la qualité à payer plus cher. L'exemple le plus simple est le restaurant qui propose une série de menus de prix et de sophistication croissante.
Prenons l'exemple d'un caviste qui dispose d'un stock de deux types de bouteilles : les bouteilles b de vin de pays médiocre, et les bouteilles B de vin de haute qualité. Ce caviste sait que deux types de clients viennent chez lui : une proportion q ne sont pas très connaisseurs, et cherchent l'ivresse sans s'occuper du flacon, et une proportion (1-q) de connaisseurs. N clients entrent chez lui chaque jour.
Les clients du premier groupe sont prêts à payer pour une bouteille b et pour une bouteille B. Les connaisseurs eux sont prêts à payer pour b et pour B. On modélise cette préférence comme un paramètre. Une bouteille b apporte au premier type de consommateurs un surplus et une bouteille B , et au connaisseur respectivement et .
Le problème du caviste est de choisir les prix p et P des bouteilles b et B. Sa stratégie repose dans un premier temps sur la proportion d'acheteurs de chaque type. Comparons les cas suivants :
Le caviste préfère la discrimination si
soit :
Cette condition signifie que la discrimination est d'autant plus probable que la proportion de connaisseurs est importante (q faible), l'écart entre les propensions à payer pour la qualité important ( important) et l'écart entre les propensions à payer extrêmes est important ().
Supposons le caviste trouve intéressant de discriminer. La discrimination est évidemment possible si : les clients s'autosélectionnent d'eux-mêmes. On peut cependant supposer que le connaisseur valorise plus n'importe quel vin que le non-connaisseur : . Le caviste doit alors proposer un autre menu de prix pour que la sélection ait lieu.
Il voudrait alors que :
Il est clair que le caviste a intérêt à faire payer autant qu'il peut aux non-connaisseurs : .
En substituant, on obtient : , sous réserve que .
Le caviste propose donc le menu
On peut envisager différentes extensions qui rendent le problème plus complexe:
On suppose que le monopole peut segmenter son marché sur la base d'informations exogènes (âge, sexe, statut – étudiant/personne âgée/...–, localisation, circuit de distribution –grande surface/petit commerce/distributeur automatique). Il connaît les demandes totales (ou moyennes) des segments, mais il ne connaît pas les demandes des individus. Le monopole maximise son profit en fixant un prix adapté à chaque segment. On suppose, sans perte de généralité, qu'il y a deux segments. On note Di(P) la demande du segment i, et C(Y) le coût total de production. Le problème du monopole s'écrit : MaxP1, P2 P1D1 (P1) + P2 D2 (P2)- C (D1 (P1)+ D2 (P2))
Avec des demandes indépendantes, et des quantités additives. On peut considérer la segmentation de deux points de vue.
Pour le monopole qui a segmenté son marché, le coût marginal de production ne dépend pas du segment sur lequel la « dernière » unité est vendue : c'est la recette marginale qui dépend du segment. Le monopole va donc commencer par vendre au segment qui lui procure la recette marginale la plus élevée. Les recettes marginales étant décroissantes, à partir d'un certain niveau de production, les recettes marginales sont devenues égales sur les deux segments. Le monopole est alors indifférent entre vendre au segment 1 et vendre au segment 2 : il va vendre de façon à conserver égales entre elles les recettes marginales des deux segments, jusqu'à ce que leur niveau soit égal au coût marginal. D'où les deux résultats :