Les dogū (土偶 ) sont des statuettes énigmatiques de la période Jōmon (縄文時代, Jōmon jidai ), le plus souvent en terre cuite, et le plus souvent aussi « féminines » mais pouvant aussi, peut-être, être asexuées. Ce sont des céramique de la période Jōmon, pour la plupart du Jōmon Moyen jusqu'au Jōmon Final (de 3000 à 400/300 AEC), mais des dogū plus anciennes existent aussi, bien plus rares. Les dogū se présentent très souvent debout et de face, jambes bien marquées (parfois très longues, parfois très grosses) et parfois aussi ne possèdent pas de jambes. Elles possèdent généralement des bras relativement petits et pour quelques groupes très connus, des yeux globuleux, parfois fendus d'un simple trait , comme des « yeux de grenouille » ou comme des « lunettes de neige[2] ». Quasiment toutes les statuettes sont couvertes de graphismes aux formes géométriques complexes.
Le contexte de leur découverte laisse supposer qu'elles ont été utilisées lors de cérémonies diverses, et pas seulement en rapport avec les enterrements, mais rien ne permet d'aller plus loin, quant à leur usage ou leurs fonctions et encore moins leur(s) « signification(s) ».
Au Paléolithique supérieur les premières figurations humaines, en pierre, sont extrêmement rares[3]. Dès le Jōmon initial des représentations humaines sont réalisées sur galets ; elles sont toutes féminisées par des incisions portées après un polissage.
Environ 20 000 figurines dogū ont été découvertes, pour l'essentiel depuis l'ère Meiji et la fondation de la Société d'anthropologie de Tokyo en 1884 ; la revue de cette société en fait état dès la fin du XIXe siècle[4].
Les tout premiers dogū, modelés mais plats, apparaissent au cours de la seconde moitié du Jōmon initial ; le travail se résume à l'évocation du tronc. Puis au cours de la première moitié du Jōmon archaïque (9500-5000) les dogu actuellement découverts se concentrent sur le torse, et peuvent être déposés avec des vases à décor de cordelette. La production de dogū plats se poursuit, reste rare, et au Jōmon moyen des têtes apparaissent, puis des figurines en trois dimensions sur le site de Nagayama, Toyama, au moment où s'effectue aussi un net développement des poteries.
Ensuite les dogū se rencontrent depuis le sud d'Hokkaido[5] et Tohoku, au Nord, jusqu'à la région d'Osaka - Kyoto, le Kinki, au Centre, mais pas au-delà[6]. Cependant la plus haute concentration[7] se trouve dans le Nord ( région de Tōhoku ), sur l'île d'Hokkaidō et au nord de l'île de Honshū, du Jōmon moyen jusqu'au Jōmon final, même si la production concerne la totalité du territoire et de la période.
Elles sont de forme humaine (sauf exceptions), aux traits plus ou moins féminins même si ces caractéristiques sont parfois quasi inexistantes ou indiscernables au point que certains y voient des figures masculines[8]. Ce sont des petites figurines en argile ou en pierre. Dans le Kantō, au Jōmon Récent, on rencontre des dogū d'argile montés au colombin, ce sont donc, dans ce cas, des pièces creuses. Cette solution est reprise, au Jōmon Final, dans la région de Tōhoku, suivant le style décoratif des céramiques noirâtres de Kamegaoka[9].
À côté des statuettes représentant des êtres humains (dogū), de loin les plus nombreuses, on rencontre aussi des statuettes représentant des animaux, courantes dès le Jōmon Moyen, comme sur le site de Kikyō, Hokkaido, en forme d'ours, de tortue (?) ou de requin[10].
À la fin du Jōmon moyen les figurines ont été menacées de disparition et ne subsistaient plus que dans le Tōhoku jusqu'au Jōmon récent, où leur usage s'est à nouveau généralisé[11].
Les dogū sont d'une très grande diversité de forme, leur taille variant entre une dizaine de centimètres à une quarantaine pour le plus grand, et présentent, ou non, un décor (ou la représentation d'un vêtement) [12]. La stylisation permet une multitude de solutions[13], toutes cohérentes sur le plan plastique. Il en existe en forme de plaque, en croix, en triangle (p. ex. à Sannai Maruyama) : les détails sont alors de faible relief, saillant ou en creux. Dans le cas des dogu d'Ebisuda aux yeux globuleux ou à « lunettes de neige », les yeux lisses, au milieu du corps couvert d'ornements, trouvent un « écho » dans les bras et jambes laissés nus. Les hanches peuvent être figurées larges, mais pas dans le cas du dogu assis de Kazahari I. Si la plupart ont des attributs féminins plus ou moins visibles, d'autres semblent asexués, comme le dogū de Chobonaino, Hokkaido.
Il existe aussi des « dogū-grelot » et « prenant la pose » qui pourraient figurer des femmes enceintes, dans des attitudes humaines, mais comme toujours, très fortement stylisées, et à trois doigts en l'occurrence[14].
Ces figurines constituent les premiers témoignages de la sculpture japonaise. Mais en tant qu'objets façonnés en terre elles s'insèrent dans la longue tradition du modelage pratiqué au cours de la période, une pratique remarquablement diverse, qui caractérise toute la céramique Jōmon. Ce sont souvent, sur les céramiques :
Au cours des périodes du Jōmon Récent et Final on constate une grande variabilité des types et un grand nombre de ces statuettes ont été travaillées avec un grand soin, tandis que d'autres ne témoignent pas de ces caractères distinctifs[15].
Leurs fonctions étaient vraisemblablement liées à des cérémonies diverses :
Quelques exemplaires (Jōmon Ancien et Final), réalisés en pierre, au cours de la même période semblent exclure ceux réalisés en terre. Ce qui pourrait suggérer que leur fonction ou leur signification seraient équivalentes[20]. Mais le fait que certains traits caractéristiques diffèrent, de la terre à la pierre, semble indiquer que leurs fonctions pourraient avoir été différentes.