Cet article traite de différents aspects du droit des brevets en Chine.
Le droit des brevets en Chine est situé dans la catégorie dite des droits de propriété intellectuelle et plus précisément du droit de la propriété industrielle. Ce droit des brevets embrasse la protection d'inventions, de modèles, de dessins dans un objectif d'exploitation industrielle. Le brevet donne un droit exclusif d'exploiter son invention à l'inventeur ou son employé, avec obligation de publier l’invention, mais aussi acceptation de la tombée de l’invention dans le domaine public après expiration de la durée de protection. Durant la durée de protection, il sera question d'empêcher tout tiers d'utiliser, de reproduire, de vendre l'invention sans autorisation de la part du détenteur du droit de brevet.
Le droit des brevets en Chine s'inscrit donc dans le contexte plus large du droit des affaires, en concernant dans la majorité des cas des entreprises et sociétés nécessitant de protéger leurs techniques de production et savoir-faire. La Chine étant un marché accueillant des entreprises et investissements étrangers, le dépôt de brevet en Chine par des entreprises étrangères est très fréquent.
Cet article tentera d'envisager de manière claire et concise les aspects majeurs du droit chinois des brevets. Alors que les conditions de brevetabilité sont très proches des conditions européennes et françaises (nouveauté, inventivité, application industrielle), il existe des différences non négligeables comme la nouveauté absolue apportée par la dernière réforme de la Loi sur les Brevets entrée en vigueur le . La procédure de délivrance en Chine fait appel aux autorités compétentes nationales, ce qui la rend intéressante. En effet, la qualité d'État partie à la Convention de Paris ne lie pas ses membres quant à l'interprétation des conditions de brevetabilité. L'examen des demandes est donc propre à chaque État, ce qui est évident dans l'occurrence d'une demande nationale, mais qui l'est moins lors d'une demande à l'international ensuite étendue. Enfin, la Chine connaissant une activité contrefactrice importante, le droit des brevets y prend tout son sens.
Depuis quelques années, la Chine déploie des efforts considérables afin d'assurer une meilleure protection des droits de propriété intellectuelle et dispose désormais d'une réglementation très complète en la matière. La dernière révision en date concernant la Loi sur les Brevets est entrée en vigueur le [1], apportant des modifications substantielles non négligeables au système de brevet chinois. Cette révision fut complétée de régulations ayant pris effet le .
Considérant l'aspect judiciaire ainsi que l'invalidation, la nouvelle réforme respecte le principe de non rétroactivité de la loi. Le principe de nouveauté absolue, par exemple, ne s'appliquera que pour les demandes de dépôt effectuées après le [2]. En ce qui concerne l'exploitation des brevets, les dispositions concernant la propriété collective s'appliqueront à tout acte d'exploitation effectué à partir du , peu important la date du dépôt. De même concernant les atteintes aux brevets, tout acte entamé ou continué à partir du sera soumis à la nouvelle loi.
Concernant la propriété intellectuelle de manière générale, la Chine est membre de la Convention de Paris pour la protection de la propriété intellectuelle, ainsi que de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle[3]. De ce fait, il existe de nombreuses similarités entre les droits des brevets des États membres. On retrouvera donc les mêmes principes fondateurs entre le droit français et le droit chinois.
Il existe trois types de brevets en Chine :
Les brevets d'invention ainsi que les modèles concernent des inventions dans le domaine de la technique. Les inventions sont substantielles et importantes dans le premier cas, alors que les modèles d'utilité ne sont généralement réservés qu'à des avancées techniques mineures. Les brevets de design concernent quant à eux des innovations dans le domaine du stylisme.
Le droit des brevets en Chine revêt une importance considérable dans le domaine entrepreneurial. Il est absolument crucial de déposer des demandes de brevet pour chacune des innovations de son entreprise, cela même sans perspective immédiate de distribution et de commercialisation sur le marché chinois. En effet, en l'absence de brevet déposé en Chine, toute imitation de la nouvelle technologie sera parfaitement légale. Ainsi, une stratégie de brevet est tout aussi importante en Chine que dans n'importe quel pays occidental.
Les conditions requises à l'obtention d'un brevet sont très similaires aux conditions européennes et conséquemment aux conditions du droit français.
Le brevet d'invention est délivré à tout inventeur présentant une invention enrichissant l'état de la technique. La doctrine française considère une invention comme une solution technique apportée à un problème technique[4]. Il en est exactement de même en droit chinois. Le brevet d'invention sera accordé à toute nouvelle solution technique liée à un produit, un processus ou un progrès.
Le brevet d'utilité sera délivré pour les modèles, c'est-à-dire toute solution technique liée à la forme, à une structure, à la combinaison des deux, à un produit.
Dans les deux cas, les inventions ou modèles devront satisfaire un critère de nouveauté, d'inventivité et d'applicabilité industrielle.
Les brevets d'invention et modèles sont exclus concernant certains domaines de la technique[5], notamment :
Pour pouvoir être breveté, une invention ou un modèle doit être susceptible d'application industrielle. Cela doit être une solution technique apportée à un problème technique utilisant des moyens techniques susceptibles de répétition. Autrement dit, l'invention doit avoir un caractère concret et être destinée à l'industrie. La législation chinoise sur les brevets dispose que "l'usage pratique signifie que ladite invention ou ledit modèle peuvent servir à des fins de production, ou être utilisés, et sont susceptibles d'engendrer des effets positifs"[6].
En droit français, une invention est nouvelle si elle n'est pas comprise dans l'état de la technique[7]. Le droit chinois parle lui de nouveauté par rapport à une "technologie existante"[6] ou de "prior art", qui est une notion comparable. Toute antériorité dans l'état de la technique sera destructrice de nouveauté. En Chine, cela comprend également toutes les demandes de dépôt de brevet effectuées, mais non encore publiées (identiquement au système français). Mais l'important apport de la réforme de 2009 est celui dit de la nouveauté absolue. L'état de la technique comprend désormais toute technologie connues du grand public en Chine et à l'étranger[6].
L'invention ou le modèle doivent enrichir l'état de la technique. En droit français, l'invention impliquera une activité inventive si "pour un homme du métier elle ne découle pas de manière évidente de l'état de la technique"[10]. En droit chinois, le caractère inventif diffère selon qu'il s'agit d'un brevet d'invention ou d'un modèle d'utilité. L'inventivité dans le premier cas signifie que l'invention "a des caractéristiques essentielles propres prééminentes et représente un progrès notable". Pour les modèles, l'inventivité signifie que le modèle doit avoir des "caractéristiques essentielles et représenter un progrès". Les exigences sont donc plus élevées en matière de brevet, ce qui rend les modèles d'utilité plus facile d'accès[6].
Le brevet de design est réservé aux dessins et designs originaux relatifs à la forme, au motif, à la couleur (ou à la combinaison de ces éléments) d'un objet. On retrouvera toujours le caractère de la nouveauté, avec cependant une différence concernant la créativité du dessin venant remplacer le caractère inventif de l'invention.
Identiquement aux inventions et modèles, certains dessins ou designs ne sont pas susceptibles d'être protégés par un brevet. Il s'agit des designs en deux dimensions utilisant des motifs, ou couleurs (ou leur combinaison), ainsi que toute impression bidimensionnelle. Étant donné le manque de clarté du texte, il reste difficile de déterminer les dessins et designs tombant dans cette exception. L'interprétation courante faite du texte peut être résumée ainsi : si le design est susceptible de protection en Chine au travers du droit des marques en tant que marque bidimensionnelle, il sera conséquemment considéré comme non brevetable[11]
Dans un but de brevetabilité, l'objet du dessin ou design doit être nouveau par rapport à cette fameuse notion de "prior art". Est disposé que l'objet du dépôt ne doit pas être un dessin ou design existant[12]. Encore, la nouveauté en droit chinois doit être absolue depuis la réforme de 2009. Un dessin ou design préalablement existant et connu du public en Chine ou à l'étranger serait destructeur de nouveauté, tout comme une demande de design déposée mais non encore publiée.
Le dessin ou design devra satisfaire à cette condition en étant "distinctement et substantiellement différent de tout dessin ou design préexistant ou de toute combinaison d'éléments caractéristiques de designs préexistants"[12].
L'obtention du brevet concernant le dessin ou design ne pourra être autorisée que si celui-ci n'entre pas en conflit avec tout autre droit (en particulier d'auteur ou de marque) acquis par toute personne antérieurement à la date de la demande de dépôt[12].
Le droit de brevet est effectif dès la date de publication dans la Gazette. Les durées diffèrent selon qu'il s'agit d'une invention, ou d'un modèle d'utilité et d'un dessin[13] :
Concernant la durée moyenne d'application et d'enregistrement, elle s'étend de 3 à 5 ans pour un brevet d'invention et est d'un an concernant les modèles d'utilité et dessins.
Le système chinois de dépôt de brevet est celui du premier déposant. Il existe plusieurs voies de déposer une demande en Chine afin d'y obtenir un brevet.
Pour obtenir un brevet, l'inventeur ou son employeur doivent effectuer une application de demande de brevet chinois. Un brevet étranger n'a aucun effet en Chine et inversement. La demande doit être effectuée antérieurement à toute révélation de l'invention au public par des moyens de marketing ou de vente.
La demande nationale en Chine doit être effectuée en chinois[17] et constitue le fondement ainsi que les limites de la protection. La traduction de la demande en langue chinoise pour une entreprise étrangère devra impérativement être effectuée méticuleusement.
Une alternative à la demande de dépôt en Chine est le dépôt d'une première demande dans un autre État (membre de la Convention de Paris) pour ensuite déposer l'application chinoise sous 12 mois (6 mois pour les dessins et designs) en invoquant la date de priorité de la première demande[18].
Une troisième éventualité reste la demande de dépôt de brevet sous le Traité de Coopération sur les Brevets, la Chine y étant partie. Une telle demande peut être effectuée auprès de l'Office Européen des Brevets ainsi qu'après de n'importe quel bureau national au sein de l'Union Européenne. L'appliquant dispose ensuite d'un délai de 30 mois pour effectuer sa demande auprès du Bureau national chinois[20],[21]. Le délai offert est donc significativement plus important.
La demande PCT apporte l'avantage pour les entreprises étrangères d'être rédigée en langue anglaise. Cet original fera foi durant la période d'examen de la demande en Chine. Les erreurs de traduction pendant la préparation ne sont donc pas aussi déterminantes que si l'application était directement déposée en Chine. Dans toutes les occurrences, la version publiée en langue chinoise fera foi pour le brevet accordé en Chine et déterminera le spectre de protection.
Le Bureau des brevets, dépendant du Bureau National Chinois de la Propriété Intellectuelle, reçoit et examine les demandes de brevet[22]. Le Conseil de Réexamen des Brevets (deuxième organe du Bureau National) s'occupe de la gestion des requêtes en réexamen, qui sont les appels après réjection de la demande par le Bureau des brevets, et des requêtes en annulation[23].
Cette procédure s'effectue en deux étapes.
La demande de brevet doit être déposée au Bureau des brevets, au siège du Bureau National. Lorsque la demande est reçue et apparaît être en conformité avec la Loi sur les brevets, le Bureau publiera l'application dans un délai de 18 mois après la date la plus antérieure entre celle du dépôt de la demande et celle de priorité. Sur requête de l'appliquant, le Bureau des brevets pourra publier l'application dans un délai plus court[25].
L'appliquant d'une demande de brevet doit ensuite effectuer une requête en examen substantif dans un délai de 3 années suivant la date la plus antérieure entre celle du dépôt de la demande ou celle de priorité. Lors de cet examen sera déterminée la brevetabilité de l'invention. De ce fait, l'appliquant devra avoir produit les documents nécessaires relatifs à l'invention avant la date de dépôt de la demande. Lorsqu'une demande de brevet a déjà été effectuée à l'étranger, l'appliquant devra fournir les documents ou résultats relatifs à cette demande antérieure. Lorsque la requête en examen substantif fait défaut à l'expiration du délai de 3 années, la demande sera considérée comme retirée[27].
Concernant les modèles, il n'existe pas d'examen substantif. Le Bureau des brevets se contente de conduire un examen formel en s'attardant par exemple sur l'unité, le contenu des documents de la demande, la qualité de l'appliquant, le droit de priorité, etc. Si aucune cause de rejet n'est découverte, le Bureau des Brevets délivre un certificat de brevet d'une période de validité de 10 années à partir de la date de dépôt de la demande.
De la même manière que pour les modèles, le Bureau des Brevets effectue simplement un examen formel. L'appliquant devra avoir fourni des dessins et photographies du design ainsi qu'une brève description permet de déterminer le spectre de protection[30]. Un certificat de brevet est délivré une fois la demande validée pour une durée de 10 années à partir du dépôt de la demande.
Une demande de dépôt d'un brevet de design ne doit en temps normal ne contenir qu'un design. Il est cependant possible de déposer un brevet pour plusieurs dessins ou designs lorsqu'ils sont similaires et relatifs à un seul produit, ou lorsqu'ils sont incorporés dans des produits appartenant à la même classe, vendus et utilisés en sets[31].
Les documents nécessaires à la demande sont généralement une requête écrite avec le nom de l'invention, du modèle ou du design, le nom et l'adresse de l'appliquant ; une description écrite de l'objet soumis à la brevetabilité, assez précise pour qu'un homme du métier puisse en comprendre l'application industrielle, avec des photos et dessins ; les revendications écrites précisant le spectre précis de protection souhaitée, etc[32].
Toute personne morale ou physique est susceptible de déposer une requête en annulation auprès du Conseil de Réexamen des Brevets dans l'objectif de faire invalider le brevet. Il ne sera pas nécessaire que cette personne soit intéressée à l'annulation. De manière générale, il n'existe pas non plus de limite temporelle pour déposer une telle requête car il n'existe pas de procédure d'opposition en Chine contrairement au système européen.
Le requérant pourra arguer sur plusieurs fondements d'invalidation[34].
Dans une occurrence de rejet de la demande par le Bureau des Brevets, l'appliquant a la possibilité de déposer une requête en réexamen devant le Conseil de Réexamen des Brevets. Cette requête devra être déposée dans les 3 mois suivant la date de réception de la décision du Bureau.
La décision du Conseil de Réexamen pourra faire l'objet d'un appel interjeté devant la Première Cour Intermédiaire de Pékin dans un délai de 3 mois. Un autre appel pourra ensuite être interjeté devant la Haute Cour Populaire de Pékin dans les 15 jours. Dans des cas très exceptionnels, un nouveau jugement pourra avoir lieu devant la Cour Suprême Populaire.
Sans l'autorisation du titulaire du droit exclusif qu'est le brevet, cela s'appliquant aux inventions, modèles ainsi qu'aux dessins et designs, aucune entité morale ni personne physique ne peut théoriquement exploiter le brevet, c'est-à-dire :
Le contrefacteur supposé pourra arguer :