La démocratie inclusive est une théorie et un projet politique visant à une démocratie directe et économique dans une société sans État, sans monnaie ni économie de marché, autogérée et écologiste.
Le projet théorique de démocratie inclusive, par opposition au projet politique qui fait partie des traditions démocratiques et autonomistes, est le fruit du travail du philosophe politique Takis Fotopoulos dans Towards An Inclusive Democracy[1] (Vers une démocratie inclusive) et a été développé par lui et d'autres écrivains dans le journal Democracy & Nature (en) et son successeurThe International Journal of Inclusive Democracy, une revue électronique librement disponible et publié par le International Network for Inclusive Democracy (Réseau international pour la démocratie inclusive)[2].
Selon Arran Gare (en), Towards an Inclusive Democracy « offre une interprétation nouvelle et puissante de l'histoire et de la dynamique destructive du marché et fournit une vision inspirante nouvelle de l'avenir en place du néo-libéralisme et des formes existantes de socialisme »[3]. En outre, comme le souligne David Freeman, même si l'approche de Fotopoulos « n'est pas ouvertement de l'anarchisme, l'anarchisme semble être la catégorie formelle dans laquelle il travaille, étant donné son engagement dans la démocratie directe, le municipalisme et l'abolition de l'État, de la monnaie et de l'économie de marché »[4].
Fotopoulos décrit la démocratie inclusive comme
« une nouvelle conception de la démocratie, qui, en utilisant comme point de départ la définition classique de celle-ci, exprime la démocratie en termes de démocratie directe politique, démocratie économique (au-delà des limites de l'économie de marché et de la planification étatique), ainsi que comme la démocratie dans le domaine social et de la démocratie écologiste. En bref, la démocratie inclusive est une forme d'organisation sociale qui réintègre la société dans l'économie, la politique et la nature. Le concept de la démocratie inclusive est issu de la synthèse de deux grandes traditions historiques, la démocratie classique et la socialiste, même si elle englobe également les Verts radicaux, les féministes et les mouvements de libération dans le Sud. »
— R. J. Barry Jones (dir.) , « Inclusive Democracy », in Routledge Encyclopedia of International Political Economy [5]
Le point de départ du projet est que le monde, à l'aube du nouveau millénaire, est confronté à une crise multidimensionnelle (économique, écologique, sociale, culturelle et politique) qui se révèle être causée par la concentration du pouvoir dans les mains de diverses élites. Ceci étant interprété comme le résultat de l'établissement, dans les derniers siècles, du système d'économie de marché (dans son sens polanyien)[6], la démocratie représentative, et des formes connexes de structure hiérarchique. Par conséquent, une démocratie inclusive est considérée non seulement comme une utopie, mais peut-être aussi comme que le seul moyen de sortir de la crise, basé sur la distribution égale du pouvoir à tous les niveaux.
Dans cette conception de la démocratie, le domaine public ne comprend pas seulement le domaine politique, comme cela est habituel dans le projet républicain ou démocratique (Hannah Arendt, Cornelius Castoriadis, Murray Bookchin et al.), mais aussi les domaines économiques, « sociaux » et écologiques. Le domaine politique est la sphère de prise de décision politique, la zone dans laquelle le pouvoir politique est exercé. Le domaine économique est la sphère de la prise de décision économique, la zone dans laquelle le pouvoir économique est exercé à l'égard des grands choix économiques que toute société comprenant le concept de rareté doit faire. Le domaine social est la sphère de prise de décision dans le lieu de travail, d'éducation et dans n'importe quelle autre institution économique ou culturelle qui constitue un élément de la société démocratique. Le domaine public pourrait être étendu afin d'inclure le « domaine écologique », qui peut être défini comme la sphère des relations entre la société et la nature. Par conséquent, le domaine public, contrairement au domaine privé, comprend toutes les activités humaines dans lesquelles les décisions peuvent être prises collectivement et démocratiquement.
Dans ces quatre domaines, quatre principaux éléments constitutifs d'une démocratie inclusive se distinguent: le politique, l'économique, la « démocratie dans le domaine social » et l'écologique. Les trois premiers éléments forment le cadre institutionnel qui vise à la répartition égale du pouvoir politique, économique et social, respectivement. En ce sens, ces éléments définissent un système, qui vise à l'élimination effective de la domination de l'Homme sur l'Homme. De même, la démocratie écologique se définit comme le cadre institutionnel qui vise à éliminer toute tentative humaine de dominer le monde naturel, en d'autres termes, le système qui vise à réconcilier l'homme et la nature.
La condition nécessaire pour la mise en place d'une démocratie politique implique la création d'institutions appropriées qui fixent une répartition égale du pouvoir politique entre tous les citoyens. Toutes les décisions politiques (y compris celles relatives à la formation et l'exécution des lois) sont prises par l'ensemble des citoyens, collectivement et sans représentation. L'ensemble des citoyens d'une zone géographique donnée se compose de tous les résidents au-delà d'un certain âge de maturité, indépendamment de leur genre, race, identité ethnique ou culturelle. L'âge de maturité doit être défini par l'ensemble des citoyens eux-mêmes.
La condition adéquate à la reproduction d'une démocratie politique se réfère au niveau de conscience démocratique des citoyens et comme le remarquent David Gabbard et Karen Appleton, « la responsabilité de cultiver la conscience démocratique requise à cette conception de la citoyenneté revient à la paideia (éducation des enfants) »[7] ce qui implique non seulement l'éducation mais aussi le développement harmonieux du caractère, des connaissances et des compétences, à savoir l'éducation de l'individu en tant que citoyen, qui seule peut donner un contenu substantif à l'espace public. Cela est particulièrement vrai parce que la démocratie ne peut être fondée que sur le choix conscient des citoyens pour l'autonomie individuelle et collective. Ainsi, il ne peut être le résultat de « lois » sociales, économiques ou naturelles ou de tendances qui y mènent dialectiquement et encore moins des dogmes divins ou mystiques et d'idées préconçues. En ce sens, ni la démocratie représentative, ni la démocratie soviétique ne répondent aux conditions de la démocratie politique et sont simplement des formes d'oligarchie politique où le pouvoir politique est concentré dans les mains de diverses élites, c'est-à-dire de politiciens professionnels, et de bureaucrates du Parti respectivement.