En résonance magnétique nucléaire (RMN), le déplacement chimique décrit la dépendance des niveaux d'énergie magnétique du noyau avec l'environnement électronique de la molécule.
Le noyau d'un atome peut posséder un moment magnétique (si son spin n'est pas nul), ce qui donne différents niveaux d'énergie en présence d'un champ magnétique extérieur.
Autour d'un noyau donné, la distribution des électrons varie selon la géométrie locale des orbitales moléculaires (nature, longueurs et angles de liaison, polarisation, etc.). Le champ magnétique total ressenti par un noyau est alors la superposition du champ extérieur appliqué et du champ local induit par la présence et la circulation des électrons.
Cela a un impact sur les niveaux d'énergie et donc les fréquences de résonance magnétique nucléaire. Ces variations des fréquences d'un même type de noyau sont appelées « déplacement chimique ».
Le déplacement chimique est repéré par rapport à une fréquence de référence déterminée sur un échantillon de référence, souvent une molécule avec une distribution électronique peu déformée.
Le déplacement chimique a une grande importance en spectroscopie RMN notamment en chimie organique où il est une des informations permettant de déterminer la nature et la structure de molécules complexes.
La fréquence de travail d'un aimant est donnée par la relation de Larmor, où est l'intensité du champ magnétique et est le rapport gyromagnétique du noyau étudié.
Ce rapport est calculé à partir du moment magnétique et du spin avec le magnéton nucléaire et de la constante de Planck :
Ainsi la fréquence de travail en RMN 1H et pour un champ de 1 T est calculée :
Le déplacement chimique δ est exprimé habituellement en parties par millions (ppm) et il est calculé de cette manière :
où est la fréquence de résonance du noyau sondé, celle d'un noyau de référence et la fréquence de travail.
En RMN 1H, 13C, et 29Si, on utilise habituellement le TMS (tétraméthylsilane) ou le DSS, dont le déplacement chimique est fixé à 0 par convention. D'autres substances sont utilisées comme référence pour les autres noyaux.
Ainsi un signal de RMN à 300 Hz par rapport au TMS avec une fréquence appliquée de 300 MHz donne un déplacement chimique de :
Ce mode de calcul permet de s'affranchir du spectromètre utilisé (et de son champ magnétique, différent d'un appareil à l'autre). La fréquence de travail dépend du champ mais pas le déplacement chimique. Le champ magnétique a cependant un impact : il permet une meilleure résolution lorsqu'il est élevé. En effet la résolution est .
Les électrons autour d'un noyau circulent dans le champ magnétique et créent un deuxième champ magnétique. Ce champ induit s'oppose au champ appliqué comme le stipule la loi de Lenz et le noyau est alors « blindé ». Les variations du déplacement chimique peuvent s'expliquer avec les degrés de blindage ou de déblindage. Par exemple un hydrogène à proximité d'un atome déficient en électrons sera déblindé (champs faibles, déplacement chimique grand).
Les noyaux résonnent dans une large gamme à gauche de la référence (ou plus rarement vers la droite). Quand un signal a lieu pour un plus grand déplacement chimique :
Les principaux facteurs qui influencent le déplacement chimique sont la densité électronique, l'électronégativité des groupes proches et les effets d'anisotropie du champ magnétique induit.
La zone en 3D où un noyau donne un déplacement chimique important est appelé zone de blindage et présente une forme de cône aligné avec le champ extérieur :
Les protons des composés aromatiques présentent un déplacement chimique encore plus important avec un signal pour le benzène à 7,73 ppm en raison du courant diamagnétique circulaire.
Les protons alkyles ont des déplacements chimiques autour de 2–3 ppm. Pour les alkyles l'orientation ou l'effet est le plus important est colinéairement à la triple liaison (le champ extérieur est parallèle à la circulation d'électrons).
1H et 13C ne sont pas les seuls noyaux visibles en RMN. D'autres noyaux peuvent être détectés, bien qu'on le fasse moins souvent en raison de la sensibilité relative plus faible.
Isotope | Abondance naturelle (%) |
nombre de spins l |
Moment magnétique μ[1] |
Moment quadripolaire électrique (e 10−24 cm2) |
Fréquence de travail à 7 T (MHz) |
Sensibilité relative |
---|---|---|---|---|---|---|
1H | 99,984 | 1/2 | 2,79628 | 300,13 | 1 | |
2H | 0,016 | 1 | 0,85739 | 2,8 × 10−3 | 46,07 | 0,0964 |
10B | 18,8 | 3 | 1,8005 | 7,4 × 10−2 | 32,25 | 0,0199 |
11B | 81,2 | 3/2 | 2,6880 | 2,6 × 10−2 | 96,29 | 0,165 |
12C | 98,9 | 0 | ||||
13C | 1,1 | 1/2 | 0,70220 | 75,47 | 0,0159 | |
14N | 99,64 | 1 | 0,40358 | 7,1 × 10−2 | 21,68 | 0,00101 |
15N | 0,37 | 1/2 | −0,28304 | 30,41 | 0,00104 | |
16O | 99,76 | 0 | ||||
17O | 0,0317 | 5/2 | −1,8930 | −4,0 × 10−3 | 40,69 | 0,0291 |
19F | 100 | 1/2 | 2,6273 | 282,40 | 0,834 | |
28Si | 92,28 | 0 | ||||
29Si | 4,70 | 1/2 | −0,55548 | 59,63 | 0,0785 | |
31P | 100 | 1/2 | 1,1205 | 121,49 | 0,0664 | |
35Cl | 75,4 | 3/2 | 0,92091 | −7,9 × 10−2 | 29,41 | 0,0047 |
37Cl | 24,6 | 3/2 | 0,68330 | −6,2 × 10−2 | 24,48 | 0,0027 |
Propriétés magnétiques des noyaux courants[2]. |
1H, 13C, 15N, 19F et 31P sont les cinq noyaux qui ont le plus d'importance en RMN :