Dans le domaine de l'écologie, une espèce fondatrice (EF) (Foundation species ou FS pour les anglophones) est une espèce qui fonde ou a fondé un écosystème particulier, qui ne pourrait exister sans elle, par exemple :
Ce sont des producteurs primaires et souvent des espèces dominantes à la fois en termes d'abondance et d'influence.
Très souvent, elles complexifient les écotones (par rapport au substrat abiotique) et ce faisant elles augmentent la surface ou le volume "habitable" par d'autres espèces ; par exemple en créant d'importantes structures biogéniques dans le cas des coraux (on parle aussi de « facilitation écologique »).
Dans le cadre d'une évolution climacique, il peut s'agir d'un stade pionnier (ex : croûte lichénique, puis mousses sur un îlot volcanique récemment émergé, ou un terril ou sol artificiel), ensuite remplacé par d'autres stades.
Les espèces fondatrices (EF) sont des agents de structuration primaire très importants des patterns de population, tant dans les communautés marines que terrestres[1].
Divers travaux scientifiques ont porté sur des habitats fondés ou dominés par une unique espèce ou une guilde d'espèce ; Ils ont souligné l'importance et le rôle de la facilitation écologique dans le maintien de la structure de telles communautés. Cependant, en réalité la plupart des habitats sont complexes et élaborées par plusieurs EF et/ou à partir de multiples guildes différentes[1].
La concurrence entre les espèces et/ou guildes cofondatrices peut conférer aux EF un rôle supplémentaire d'agent potentiellement responsable de la répartition spatiale et temporelle des patterns complexes observés dans la nature[1]. On trouve ainsi sur le fond de la mer Blanche des tapis épibenthiques de balanes (Balanus crenatus) et d'ascidies solitaires (principalement Styela spp. et Molgula spp.) qui croissent sur de petites pierres et sur des coquilles vides de bivalves (principalement Serripes groenlandicus). Ce tapis constitue une offre en microhabitats pour des taxons sessiles différente[1].
Une étude récente[1] (sur la base de l'examen de 459 patchs) a cherché à vérifier les 4 hypothèses suivantes ;
Les inventaires ont presque tous conforté ces 4 hypothèses ; le nombre d'EF dans un patch avait dans ce cas effectivement un effet positif sur la diversité des espèces et la plupart des espèces sessiles (72 % des individus) résidaient sur des balanes (coquilles d'individus vivants ou morts), des ascidies et des algues rouges[1].
L'espèce fondatrice crée littéralement un habitat et des refuges pour d'autres espèces contre divers stress environnementaux.
Par exemple, en Nouvelle-Angleterre en zone palustre estuarienne ou de marais-salé les fonctions facilitatrices de l'herbe Spartina patens ont été bien étudiées[2] ; Cette plante « fondatrice » réduit la salinité du milieu, atténue très fortement les chocs thermiques (fonction de « tamponnement microclimatique »), elle limite fortement la dessication du milieu tout en limitant l'anoxie des vases par sa capacité à infiltrer l'eau, à évapotranspirer et survivre en milieu saumâtre. Par la croissance de son tissu racinaire elle « décolmate » les vases. Dans son ombre d'autres espèces prospèrent[2].
Son apparition ou sa présence constituent une offre d'habitat supplémentaire, sans alternatives ; elle est un support ainsi qu'une source de nourriture pour des dizaines d'autres espèces qui profitent de son couvert (protection contre les prédateurs, mais aussi contre les UV solaires)[2]. La prolifération de ses racines facilitent la vie dans la vase, plus aérée et où l'eau et les oligo-éléments circulent mieux. Le biofilm algo-bactérien (qui peut être asphyxiant en condition d'eau peu agitée) a moins place sur la vase, mais est moins déshydraté et peut coloniser la base des spartines[2]. Sur une surface où l'on supprime expérimentalement les spartines, on constate un effondrement des populations de toutes les communautés d'autres espèces.
Une hypothèse était que le rôle de facilitation par les spartines et d'autres espèces fondatrices serait plus déterminant encore dans des conditions plus chaudes (par un tamponnement proportionnellement amélioré du stress thermique). Il a été effectivement démontré (en condition expérimentalement contrôlée de réchauffement) que le rôle écologique de S. patens n'était pas diminué par le réchauffement expérimental ; Dans ce cas, le réchauffement a eu des effets limités et faibles sur la communauté écologique des marais salés associées aux espèces fondatrices. Seules ces espèces fondatrices ont réagi fortement au réchauffement, en augmentant significativement la production hors-sol dans les parcelles plus chaudes[2]. Tans que l'eau est disponible, la contrainte thermique semble moins impactante que les effets négatifs du sel et celui de la dessiccation sur l'écosystème marécageux à spartines[2].
Ces résultats expérimentaux laissent penser que le stress thermique induit par le réchauffement climatique n'aura pas une grande incidence sur les communautés dominées et protégées par S. patens dans les zones de marais salés qui pourraient donc même s'étendre dans les estuaires (sauf s'ils devaient être noyés à la suite d'une montée rapide du niveau de la mer. En revanche, la perte de telles espèces poserait un problème émergent de conservation dans les marais salants de l'Atlantique, constituerait une grave[2] menace pour ces écosystèmes d'un certain point de vue comparable à ceux des mangroves en zone tropicale (systèmes écotoniaux aux interfaces mer-terre, à forte productivité primaire... et jouant un rôle de zone-tampon).
Les espèces fondatrices sont souvent de bonnes pionnières, et comme certaines spartines ou certains clones hybrides (plus grands et plus "agressifs" que les spartines natives, elles peuvent s'avérer invasives là où on les a introduit hors de leur aire naturelle (c'est le cas par exemple de Spartina alterniflora et de certains de ses hybrides[3] originaire de la côte est des États-Unis et introduite en Europe qui peut coloniser des vasières ouvertes nécessaires à l'alimentation de certains oiseaux).
Les filtreurs suspensivores (chironome plumeux par exemple, dont la densité de larve peut atteindre 100000 larves/m2 dans les lacs eutrophes[4] jouent un rôle important pour la filtration de l'eau, et la minéralisation de la matière organique sédimentée[4], ainsi qu'en constituant la base d'une importante chaine alimentaire.
Les écologues parlent aussi parfois ;