La fonction conjuguée de est le plus souvent notée . C'est une fonction convexe, même si ne l'est pas, définie sur les pentes, c'est-à-dire sur les éléments de l'espace vectoriel dual de . La définition est motivée et précisée ci-dessous.
L'application est appelée transformation de Fenchel ou transformation de Legendre ou encore transformation de Legendre-Fenchel, d'après Adrien-Marie Legendre et Werner Fenchel.
Par définition, une fonction est convexe si son épigraphe est convexe. Convexifier une fonction consiste à déterminer la plus grande fonction convexe, disons fermée, minorant . En termes d'épigraphe, cela revient à trouver le plus petit convexe fermé contenant l'épigraphe de , c'est-à-dire à prendre l'enveloppe convexe fermée de l'épigraphe
Comme toute enveloppe convexe fermée, celle de est l'intersection de tous les demi-espaces fermés contenant , c'est-à-dire d'ensembles de la forme
où . Il est facile de voir que lorsque contient un épigraphe, on doit avoir . Il est plus fin de montrer que, dans l'expression de l'enveloppe convexe fermée de comme intersection des , on peut ne garder que les demi-espaces avec . Or ceux-ci sont les épigraphes des minorantes affines de de la forme
Résumons. Comme on pouvait s'y attendre, la convexifiée fermée de est l'enveloppe supérieure de toutes les minorantes affines de . Parmi les minorantes affines ayant une pente fixée, on peut aussi ne garder que celle qui est la plus haute, c'est-à-dire celle qui a le plus grand . Il faut donc déterminer le plus grand tel que
On voit clairement que la plus petite valeur de est donnée par
C'est la valeur de la conjuguée de en . On s'intéresse à plutôt qu'à pour définir dans le but d'obtenir ainsi une fonction conjuguée convexe.
Dans cette section, nous montrons l'intérêt du concept de fonction conjuguée comme un outil permettant de calculer le sous-différentiel d'une fonction convexe.
Le sous-différentiel d'une fonction convexe en est l'ensemble des pentes des minorantes affines de (i.e., des fonctions affines qui minorent ), qui sont exactes en (i.e., qui ont la même valeur que en ). Pour donné, il n'est pas toujours aisé de spécifier toutes les minorantes affines exactes en . Il est parfois plus facile de se donner une pente de minorante affine et de chercher les points auxquels elle peut être exacte par modification de . De ce point de vue, on cherche le plus grand tel que
On voit clairement que la plus petite valeur de est donnée par
C'est la valeur de la conjuguée de en . On s'intéresse à plutôt qu'à pour définir dans le but d'obtenir ainsi une fonction conjuguée convexe. Revenons au problème que nous nous posions au début de ce paragraphe : si est solution du problème de maximisation ci-dessus, alors pour tout ou encore
Ces inégalités montrent que est une minorante affine de , exacte en .
On suppose dans cette section que les fonctions sont définies sur un espace vectoriel euclidien (de dimension finie donc), dont le produit scalaire est noté et la norme associée .
On note
l'ensemble des fonctions définies sur à valeurs dans qui sont convexes (i.e., leur épigraphe est convexe) et propres (i.e., elles ne prennent pas la valeur et ne sont pas identiquement égales à ),
la partie de formée des fonctions qui sont aussi fermées (i.e., leur épigraphe est fermé).
On a choisi de désigner par l'argument de pour se rappeler qu'il s'agit d'une pente (slope en anglais), c'est-à-dire un élément de l'espace dual de , ici identifié à via le produit scalaire.
Fonction conjuguée — Soit une fonction (non nécessairement convexe). Sa fonction conjuguée est la fonction définie en par
L'application est appelée transformation de Legendre-Fenchel.
On s'intéresse ci-dessous à la convexité et au caractère propre et fermé de la conjuguée . La convexité de est une propriété remarquable de la conjuguée, puisqu'on se rappelle que n'est pas nécessairement convexe.
Conjuguée convexe fermée — Quelle que soit , sa conjuguée est convexe et fermée. Par ailleurs, on a les équivalences suivantes
Enfin, les propriétés suivantes sont équivalentes :
est propre et a une minorante affine,
est propre,
.
On se rappellera qu'une fonction convexe et propre a nécessairement une minorante affine ; elle vérifie donc les propriétés du point 1 ci-dessus, si bien que
On peut bien sûr appliquer la transformation de Legendre-Fenchel à la fonction conjuguée ; on obtient ainsi la biconjuguée de , notée .
Fonction biconjuguée — Soit une fonction (non nécessairement convexe). Sa fonction biconjuguée est la fonction définie en par
où est la conjuguée de .
Le caractère convexe, fermé et propre de la biconjuguée est examiné dans le résultat suivant.
Biconjuguée convexe fermée — Quelle que soit , sa biconjuguée est convexe et fermée. Par ailleurs, les propriétés suivantes sont équivalentes :
est propre et a une minorante affine,
.
Si l'argument de est une pente (identifiée à un élément de ), l'argument de est dans l'espace de départ . On peut alors se demander s'il y a un lien entre et . La proposition suivante examine cette question. On y a noté , la fermeture de .
Enveloppe convexe fermée — Soit une fonction propre ayant une minorante affine. Alors
est l'enveloppe supérieure des minorantes affines de ,
,
,
la transformation de Legendre-Fenchel est une bijection sur l'ensemble .
Ce résultat permet de comparer les valeurs de et .
Comparaison de et — Quelle que soit la fonction , on a
Si et , alors
Si on prend la conjuguée de la biconjuguée, on trouve la conjuguée. Il n'y a donc pas de notion de triconjuguée.
Pas de triconjuguée — Soit une fonction propre ayant une minorante affine. Alors .
Rappelons la définition de l'inf-image d'une fonction sous une application linéaire. On se donne deux espaces euclidiens et (on aura besoin ici d'un produit scalaire sur et , alors que cette structure n'est pas nécessaire dans la définition de ), une fonction et une application linéaire . Alors l'inf-image de sous est l'application notée et définie en par
Conjuguée d'une inf-image sous une application linéaire — Dans les conditions énoncées ci-dessus, on a
Par ailleurs, si est propre et a une minorante affine et si vérifie
alors est propre et a une minorante affine, si bien qu'alors .
La fonction conjuguée fut introduite par Mandelbrojt (1939) pour une fonction d'une seule variable réelle ; puis précisée et améliorée par Fenchel (1949) aux fonctions convexes dépendant d'un nombre fini de variables. Ce dernier introduit la notation pour la conjuguée de . La conjugaison généralise une transformation de fonction introduite bien plus tôt par Legendre (1787). L'extension aux espaces vectoriels topologiques est due à Brønsted (1964), Moreau (1967) et Rockafellar.
(en) J. M. Borwein et A. S. Lewis, Convex Analysis and Nonlinear Optimization, New York, Springer, .
(en) A. Brøndsted, « Conjugate convex functions in topological vector spaces. », Matematiskfysiske Meddelelser udgivet af det Kongelige Danske Videnskabernes Selskab, no 34, , p. 1–26.
(en) W. Fenchel, « On conjugate functions », Canadian Journal of Mathematics, vol. 1, , p. 73–77.
(en) J.-B. Hiriart-Urruty et C. Lemaréchal, « Convex Analysis and Minimization Algorithms », Grundlehren der mathematischen Wissenschaften, Springer-Verlag, , p. 305-306.
(en) J.-B. Hiriart-Urruty et C. Lemaréchal, Fundamentals of convex analysis, Berlin, Springer-Verlag, .
(en) A.M. Legendre, Mémoire sur l’intégration de quelques équations aux différences partielles, coll. « Mém. Acad. Sciences », , p. 309–351.
(en) S. Mandelbrojt, « Sur les fonctions convexes », C. R. Acad. Sci. Paris, vol. 209, , p. 977-978.
J.J. Moreau, Fonctionnelles convexes, Collège de France, coll. « Séminaire Équations aux dérivees partielles », .
(en) R.T. Rockafellar, « Convex Analysis », Princeton Mathematics, Princeton, New Jersey, Princeton University Press,, 28e série, .