Gervais de Tilbury (né en 1152-1153 ou 1155 et mort en 1233 ou 1234, voire en 1237[1]) est un clerc puis chevalier, juriste, homme politique et écrivain du Moyen Âge.
Gervais de Tilbury est né en Angleterre vers 1152-1155, probablement à Tilbury dans le comté d'Essex[2]. Il reçoit une éducation à la cour d’Henri II Plantagenêt[1], puis à Reims entre 1176 et 1180, auprès de l'archevêque Guillaume aux Blanches Mains, oncle du roi de France Philippe II, le futur Philippe Auguste. Il y reçoit les ordres mineurs, condition indispensable pour briguer un bénéfice ecclésiastique. En 1177, il effectue un voyage à Venise où il est témoin oculaire de l'entrevue de réconciliation entre le pape Alexandre III et l'empereur Frédéric Barberousse. Quelques années plus tard, il reprend ses études de droit à l'université de Bologne, grand centre d'enseignement du droit canon et y obtient son diplôme de docteur et son titre de maître.
Il fréquente la cour d'Henri II Plantagenêt et fait partie d’un groupe de clercs passionnés par la philosophie naturelle, qui forment un cercle culturel autour de son fils, Henri le Jeune Roi. À la mort brutale de Henri en 1183, Gervais quitte l'Angleterre et vit un temps en Italie du Sud, à la cour du roi normand de Sicile, Guillaume le Bon. Il quitte alors la cléricature pour la chevalerie[3][réf. incomplète]. En 1189, à la mort de ce dernier, Gervais émigre à Arles, à cette époque terre d'Empire, où il exerce ses talents de juriste auprès des archevêques d'Arles, Pierre Isnard (1183-1190), puis Imbert d’Eyguières (1191-1202), et des comtes de Provence Alphonse Ier (1181-1196), puis son fils Alphonse II. Il épouse une parente de l'archevêque d'Arles, Imbert d’Eyguières[4]. La dot comporte un palais dans la ville d'Arles, où il demeure[5]. En 1207, il est nommé juge mage du comte Alphonse II de Provence[6].
En 1209, il accompagne Otton IV de Brunswick à Rome pour son sacre, puis est nommé maréchal de la cour impériale pour le royaume d'Arles[7] par l’empereur qui, formé dans sa jeunesse à la cour d'Angleterre, aime à s'entourer d'Anglais et de Saxons. Arles est à l'époque au carrefour de toutes les rivalités et ce contexte peut expliquer le portrait médiocrement flatteur de ses habitants tel que le dresse Gervais de Tilbury :
Et c’est dans cette cité provençale qu'il entreprend pour l’empereur, en 1212[9], la rédaction des Otia imperialia (Les Divertissements pour un empereur).
En 1214 après la bataille de Bouvines, l’empereur vaincu se retire dans ses terres de Brunswick, et Gervais, tout en conservant sa charge de maréchal de la cour impériale au royaume d'Arles, le suit. Toutefois, le nom de maître Gervais apparaît une dernière fois à Arles dans une sentence arbitrale de juin 1221 où il est qualifié de Maréchal de la cour impériale du Royaume d'Arles[9]. Gervais de Tilbury demeure en Allemagne après la disparition de son protecteur, et devient prévôt de l'abbaye d'Ebstorf de 1223 à sa mort (1233 ou 1234, voire 1237[10],[11]). Dans ces dernières années, il aurait supervisé la réalisation de la mappemonde[12] sur le modèle de celle qui figurait, peut-être, sur le manuscrit des Divertissements.
Les Divertissements pour un empereur également appelés Liber de mirabilibus mundi, Solatia imperatoris ou Descriptio totius orbis contiennent sous forme encyclopédique les connaissances de l’époque. Écrit en latin, cet ouvrage est divisé en trois parties : la première concerne la création et les premiers temps du monde, la deuxième une description des parties du monde, des provinces et des peuples, et la troisième une série de merveilles du monde.
Pendant le Moyen Âge, il fut beaucoup lu et fit l’objet de deux traductions en français, dont une par Jean de Vignay. Depuis, les opinions divergent quant à la valeur de son contenu. Si Leibniz le qualifie de ramassis d’histoires stupides de vieilles femmes, d’autres le prennent en grande considération du fait que ce maître médiéval de la jurisprudence y reconnaît la justesse des demandes pontificales dans le conflit opposant l’Église et l’Empire[13].