Né à Los Angeles en 1960, Guy Bennett poursuit des études d’art, de musique, de langues et de littérature, obtenant un doctorat en littérature française à l’UCLA en 1993. Ayant travaillé comme musicien, enseignant, traducteur, typographe et designer de livres, il rejoint le corps enseignant d’Otis College of Art and Design en 1999.
Bennett écrit ses premiers recueils de poésie à partir de textes sources via l’utilisation de diverses contraintes. « Ses textes, remarque Douglas Messerli, comportent souvent des systèmes formels discrets, et sa poésie témoigne d’un large éventail d’intérêts : la musique [...], la photographie, le cinéma, l’architecture et, comme on peut s’y attendre, les langues et les littératures d’autres pays »[2] Dans The Row, par exemple, Bennett adapte les principes fondamentaux de la technique dodécaphonique au vers, tirant son contenu verbal des écrits sur la musique d’Anton Webern, pionnier de la composition dodécaphonique, ainsi que d’essais sur le compositeur lui-même. Dans « The Lilac Variations », écrit en mémoire de Jackson Mac Low, il applique la méthode diastique de ce dernier à l’élégie de Walt Whitman sur la mort de Lincoln, « When Lilacs Last in the Dooryard Bloom’d ». Commentant cette approche, Eleni Gioti note que, « Ce qui l’intéresse en fin de compte, c’est l’application de méthodes ou de systèmes non littéraires permettant de créer des poèmes, et non pas tant les poèmes eux-mêmes en tant que véhicules de description ou de narration. »[3] Elle ajoute :
Si cette quête esthétique semble purement formaliste, elle ne coupe pas pour autant la poésie de Bennett des principaux enjeux de l’avant-garde artistique, celui du lien direct entre l’art et la vie quotidienne, celui de la fonction critique que l’art est appelé à exercer pour avoir un effet libérateur sur la vie[4].
Ses recueils plus récents s’éloignent de sujets « extérieurs » pour se focaliser sur des sujets plus textuels et littéraires. Dans l’essai « Guy Bennett : écriture marginale », Jean-Philippe Cazier affirme que le projet de Bennett consiste à « écrire des livres qui sont en acte une critique du livre, de la représentation et de la production du livre, critique impliquant nécessairement la création d’un nouveau type de livre centré sur la marge. »[5] Il explique :
On pourrait rapprocher la démarche de Guy Bennett de la réflexion menée par Jacques Derrida au sujet du « supplément », du « cadre », du « dedans » et du « dehors » de l’œuvre – tout ce que Derrida, dans La vérité en peinture, désigne avec Kant par le terme de « parergon » […]. Chez Guy Bennett, ce serait le parergon qui envahirait l’ergon, l’œuvre, non pour effacer toute œuvre mais pour en devenir le centre. Ce qui fait sens, ce qui vaut, est ce qui n’était jusqu’alors que secondaire, superflu, subalterne et muet par rapport à la vérité du texte, au texte comme vérité : la vérité est dite maintenant par ce qui en était exclue[5].
Développant cette idée, Gioti écrit que, « En soi, ce geste de déplacement du centre de gravité vers les marges du texte poétique, vers ce qui entoure une œuvre en tant que parergon, a une forte charge politique, puisqu'il subvertit la hiérarchie traditionnelle entre les textes et situe (ou invente) le poétique dans le non-poétique. »[6]
Dans son travail de traducteur, Bennett se concentre principalement sur les textes expérimentaux d’auteurs contemporains français et francophones, dont Nicole Brossard, Mohammed Dib, Jean-Michel Espitallier, Mostafa Nissabouri, Valère Novarina et Jacques Roubaud. Il a également traduit la poétesse visuelle italienne Giovanna Sandri, éditant en 2016 un volume de ses poèmes choisis. « Je suis fasciné par les poésies visuelles ainsi que par d’autres formes d’écriture plus marginales, remarque-t-il dans un entretien avec Teresa Villa-Ignacio. « [Je] me sens attiré par les problèmes qu’elles posent à la traduction et par ce que l’on peut faire [...] d’écritures expérimentales qui ne signifient pas de manière traditionnelle »[7].
« Interview with Guy Bennett », Teresa Villa-Ignacio interviews Guy Bennett on translation and its relation to his writing, especially of poetry. (octobre 2013)
↑“His writing often has formal systems quietly embedded in it, but the poetry itself is influenced by a wide range of interests: music […], photography, film, architecture, and, as one might expect, the languages and literatures of other countries.” The PIP Anthology of World Poetry of the 20th Century, Volume 5 – Intersections: Innovative Poetry in Southern California, Douglas Messerli, ed. (København & Los Angeles: Green Integer, 2005), p. 105.
↑“Αυτό που τελικά τον ενδιαφέρει είναι η εφαρμογή μη λογοτεχνικών μεθόδων ή συστημάτων μέσω των οποίων μπορούν να δημι- ουργηθούν ποιήματα, και όχι τόσο τα ίδια τα ποιήματα ως οχήματα περιγραφής ή αφήγησης.” “Guy Bennett: Παρασιτα, σκωριες, περιθωρια,” Τεφλόν [Teflon] 30 (Χειμώνας–Άνοιξη 2024): p. 101.
↑« Αν και αυτή η αισθητική αναζήτηση φαντάζει απλώς φορμαλιστική, δεν αποκόβει, ωστόσο, την ποίηση του Μπένετ από το κύριο διακύβευμα των καλλιτεχνικών πρωτοποριών, αυτό της άμεσης σύνδεσης της τέχνης με την καθημερινή ζωή, αυτό της κριτικής λειτουργίας που η τέχνη καλείται να επιτελέσει για να επιδράσει απελευθερωτικά πάνω στη ζωή. » Ibid.
↑“Από μόνη της, αυτή η χειρονομία μετατόπισης του κέντρου βάρους προς τα περιθώρια του ποιητικού κειμένου, προς ό,τι περιβάλλει ένα έργο ως πάρεργο, διαθέτει μια ισχυρή πολιτική φόρτιση, καθώς ανατρέπει την παραδοσια- κή ιεραρχία μεταξύ των κειμένων και εντοπίζει (ή επινοεί) το ποιητικό μέσα στο μη ποιητικό.” Gioti, op. cit., pp. 102–103.