Hans Belting fait des études byzantines à Mayence où il présente son doctorat en 1959. À cette époque, il séjourne à Rome et est Visiting Fellow à Dumbarton Oaks (Washington, DC), sous la direction d'Ernst Kitzinger.
À la retraite depuis 2002, il intervient dans plusieurs universités (comme à l'université Northwestern) et a reçu de multiples titres honorifiques (professeur honoraire et membre d'académies[7]). Francophone, il a notamment occupé la chaire dite européenne au Collège de France de 2002 à 2003, portant sur L'histoire du regard. Représentation et vision en Occident[8]. Il a ensuite été directeur du Internationales Forschungszentrum Kulturwissenschaften(de) de Vienne (Autriche) entre 2004 et 2007.
C'est particulièrement son essai[9] intitulé Das Ende der Kunstgeschichte ? (trad. par L'histoire de l'art est-elle finie ?), publié en 1983 et poursuivi en 1995 (eine Revision nach zehn Jahren[10]), qui l'a fait connaître au-delà de sa discipline et par le grand public. En 1985, il synthétise ses propositions[11] dans un article en français de la Revue de l'art (voir bibliogr.). Bilan épistémologique[12] fondamental, ses propos sont très discutés[13]. Mais, compris comme une remise en cause dangereuse de leur savoir par certains[14], un clivage à son égard a persisté chez des historiens de l'art « de la tradition académique[15] ».
Belting participe à une introduction à l'histoire de l'art Kunstgeschichte : eine Einführung en 1986 (revu et augmentée sept fois, depuis), avec Heinrich Dilly, Wolfgang Kemp, Willibald Sauerländer et Martin Warnke, présentant les différentes approches de la discipline. Ce volume est salué entre autres par The Burlington Magazine[16] qui conclut avec « an English translation would be most desirable » (p. 644, « une traduction anglaise serait plus que souhaitable »). En dépit de l'éloge qu'en a fait aussi Roland Recht[17] en 1999 (« une remarquable présentation des procédures selon lesquelles l'histoire de l'art est amenée, aujourd'hui, à renouveler ses méthodes et son savoir », p. 8-9), ce recueil n'est toujours pas traduit[18].
Plusieurs thèmes se dégagent de ses travaux[19] : l'anthropologie comparée du regard ou des relations des hommes aux images (comme dans Florenz und Bagdad) ; l'histoire de l'art comme structure de représentation et mise en forme d'un discours spécialisé[20] ; et celui mené avec Peter Weibel et Andrea Buddensieg sur les enjeux de la globalisation du marché de l'art[21] dans le prisme des rivalités politiques ou économiques.
« L'expression « histoire de l'art » relie deux concepts qui ont reçu au XIXe siècle seulement le contenu qui nous est familier. L'art est, en son sens le plus étroit, une qualité que nous reconnaissons aux œuvres d'art, l'histoire est un sens que nous reconnaissons aux événements historiques et qui leur est subordonné. Une « histoire de l'art » transforme ainsi une conception de l'art à partir des œuvres en élément d'une explication historique indépendante des œuvres mais que les œuvres reflètent. L'historicisation de l'art est devenue de cette façon le modèle général de l'étude de l'art. »
— in L'histoire de l'art est-elle finie ?, trad. par J.-F. Poirier et Y. Michaud, 1989 [1980], p. 16[22]
« Le débat méthodologique tourne à la rétrospective de l'« âge d'or », c'est-à-dire du temps où ont été formulées les grandes visions et les règles herméneutiques [...] Même les procédures les moins contestées n'échappent pas au poids de la tradition. Il s'avère de plus en plus nettement que les prophètes en ces matières ont moins posé "les" questions sur l'art que leurs propres questions. Elles ne sont même pas toujours assez clairement énoncées pour se prêter chez eux à des réponses rigoureuses. Ou bien les réponses sont devenues si banales que seules des questions inédites peuvent apporter à l'histoire de l'art quelques perspectives nouvelles. »
— in La fin d'une tradition, trad. Jean d'Yvoire, 1985, p. 5-6
« Je ne parle ni de l'art ni de l'histoire de l'art mais des problèmes actuels de ces deux. »
« Nous vivons avec des images et nous comprenons le monde en images. Ce rapport vivant à l'image se poursuit en quelque sorte dans la production extérieure et concrète d'images qui s'effectue dans l'espace social et qui agit, à l'égard des représentations mentales, à la fois comme question et réponse, pour employer une formulation toute provisoire. »
— in Pour une anthropologie des images, trad. par Jean Torrent, 2004 [2001], p. 18[23]
« L’anthropologie de l’image se propose de réfléchir sur une définition nouvelle et étendue de l’image, tant au sens interculturel qu’historique. » [...] « Ce qu’est le regard occidental peut être révélé par la comparaison des cultures d’une part et à travers l’histoire des représentations et de la culture occidentales d’autre part. »
— Conclusion de son enseignement au Collège de France, 2004
« Selon Belting, ce n'est qu'avec la Renaissance et la Réforme et, au fond, qu'avec l'essor des collections et la naissance de l'histoire de l'art comme genre littéraire [que les notions d'art ou d'œuvre d'art] prennent corps, envahissant le langage des contemporains et se substituant aux concepts et aux vocables qui s'étaient jusque-là imposés. Ce qui des siècles durant avait été désigné comme trace, empreinte ou réceptacle du sacré devient un objet artificiel, fait par l'homme pour son plaisir, et tirant précisément de cette origine sa dignité. Révolution radicale. Les mots de l'image sont bel et bien faits de main d'homme, résume l'historien. »
Das Bild und sein Publikum im Mittelalter : Form und Funktion früher Bildtafeln der Passion, 1981 ; trad. fr. L'Image et son public au Moyen Âge.
Das Ende der Kunstgeschichte ? [Conférence inaugurale à l'Université de Munich, 1980], 1983 ; trad. fr. L'histoire de l'art est-elle finie ?, 1989 (Rayon art), repr. 2007 (ISBN978-2-07-031832-2) ; suivi de Das Ende der Kunstgeschichte : eine Revision nach zehn Jahren, 1995 (ISBN3-406-38543-5) ; dernière version Art History after Modernism, trad. angl. Caroline Saltzwedel, Mitch Cohen puis Kenneth Northcott, Chicago, 2003 (ISBN0226041840).
Max Beckmann : die Tradition als Problem in der Kunst der Moderne, 1984.
Bild und Kult : eine Geschichte des Bildes vor dem Zeitalter der Kunst, 1990 ; trad. fr. Image et culte : une histoire de l'image avant l'époque de l'art, 1998, repr. 2007 (ISBN2-204-08350-X). Compte-rendu
Bild-Anthropologie : Entwürfe für eine Bildwissenschaft, Munich, 2001 ; trad. fr. Pour une anthropologie des images, Paris, 2004 (ISBN978-2-07-0767991) (compte rendu ; critique).
Szenarien der Moderne : Kunst und ihre offenen Grenzen, 2005.
Das echte Bild. Bildfragen als Glaubensfragen, 2005.
Florenz und Bagdad. Eine westöstliche Geschichte des Blicks, 2008.
Images réelles et corps fictifs, dans Le Monde, Paris, .
Résumé du cours au Collège de France : 2002-2003, Paris, 2004 (pdf en ligne).
Zur Ikonologie des Blicks, dans Ikonologie des Performativen [congrès], sous la dir. de Christoph Wulf et Jörg Zirfas, Munich, 2005, p. 50-58 (ISBN3-7705-4138-3).
La fenêtre et le moucharabieh : une histoire de regards entre Orient et Occident, dans Penser l'image, sous la dir. de Emmanuel Alloa, Presses du réel, Dijon, 2010, p. 145-176 (ISBN978-2-84066-343-0).
Kunstgeschichte : eine Einführung [Histoire de l'art : une introduction], sous la dir. de Hans Belting, Heinrich Dilly, Wolfgang Kemp, Willibald Sauerländer et Martin Warnke, 1986 ; 7e éd. rev. et corr., Berlin, 2008 (ISBN978-3-496-01387-7).
Qu'est-ce qu'un chef-d'œuvre ? [conférences du au au musée du Louvre], Hans Belting, Arthur Danto, Jean Galard, et al., sous la dir. de Jean Galard et Matthias Wascheck, Paris, 2000 (ISBN2-07-075963-6).
L'histoire de l'art au tournant [conférence du à l'UTLS], Paris, 2000 (swf en ligne) ; 98e conférence publiée dans Qu'est-ce que la société ?, sous la dir. d'Yves Michaud, Paris, 2000, p. 95-107 (Université de tous les savoirs, 3) (ISBN2-7381-0910-1).
Contemporary Art and the Museum in the Global Age, dans Contemporary art and the museum : a global perspective [conférences The Global Future of Local Art Museums, 2006], sous la dir. de Peter Weibel et Andrea Buddensieg, Ostfildern, 2007, p. 16-37 (ISBN978-3-7757-1933-9 et 3-7757-1933-4) (tables et site).
Why the Museum ? New Markets, Colonial Memories, and Local Politics : Keynote Lecture [ZKM conference, October 19th, 2007], dans The global art world, sous la dir. de Hans Belting et Andrea Buddensieg, Ostfildern, 2009 (ISBN978-3-7757-2407-4) (html en ligne).
La double perspective : la science arabe et l'art de la Renaissance [Conférence du à l'université Lyon 2], trad. par Christian Joschke, Lyon, 2010 (ISBN978-2-84066-384-3).
↑« La mort de Hans Belting, historien de l’art spécialiste du statut des images », Le Monde.fr, (lire en ligne, consulté le ).
↑Ainsi, il est parfois qualifié de contextualiste en Allemagne
↑Les intraduisibles disciplines Kunstgeschichte et Kunstwissenschaft allemandes.
↑Cf. Hans Belting, Résumé du cours au Collège de France : 2002-2003, Paris, 2004 ; Florenz und Bagdad. Eine westöstliche Geschichte des Blicks, 2008. Voir à ce sujet, par exemple, les références dans Marin Dacos L'œil et la terre. Vers une histoire du regard (1900-1950), dans Ruralia, Nanterre, 1997-01 (texte en ligne).
↑Belting ajoute « En effet, il s’agissait non de discuter du regard au sens universel, mais de le placer dans la culture occidentale. » (Collège de France, 2004).
↑« Une nouvelle tradition d'histoire de l'art pourrait même adopter un schème historique différent et élargi. Elle ne se soucierait plus uniquement de palais et de cathédrales (ou de salons et de sécessions), mais du goût, du cadre privé, des représentations de l'enfance et de la mort, pour citer quelques thèmes nouveaux, venus d'autres disciplines historiques. Les œuvres ne répondent jamais qu'aux questions qu'on leur pose, et une science ne se transforme, comme chacun sait, que grâce aux questions qu'elle soulève. » (Belting, La Fin d'une tradition, 1985, p. 11).
↑Bardon (1995, p. 170) résume son propos ainsi : « Non seulement la spécificité de l'art n'a pas été conceptuellement définie [par les propres historiens de l'art], mais l'art renvoie à des œuvres dont la spécificité est pour le moins diversifiée. ». Et, plus loin, à propos des questions inédites et des perspectives nouvelles que Belting appelle de ses vœux en réaction aux réponses [...] devenues si banales des historiens de l'art : « On en est toujours là. Le blocage est significatif et doit être examiné d'autant plus que d'autres spécialités ont remis en cause leurs habitudes. L'"histoire de l'art" est dans l'état de rétention, non par incapacité intellectuelle, mais à cause d'un "refoulé" d'ordre idéologique. » (p. 171).
↑Voir Recht 2006, p. 19-21 : « l'art contemporain rendrait désormais caduques toutes les tentatives de construire une histoire de l'art (occidental). Car l'artiste d'aujourd'hui pratique l'histoire de l'art, affirme Belting non sans raison. »
↑« Comme Hervé Fischer, Hans Belting estime que l'art moderne a contribué à casser l'histoire de l'art dont les normes et les concepts ne lui sont pas applicables. » (Germain Bazin, Histoire de l'histoire de l'art, 1986, p. 570). Bazin semble dépassé (naïvement ?) par les enjeux théoriques.
↑Un « essai [...] typique des nouvelles préoccupations qui se font jour en particulier dans l'Université allemande et conduisent à la remise en question du " formalisme pur" de la tradition académique. Nous lui sommes reconnaissants d'avoir bien exposé l'essentiel de son point de vue "révisionniste" pour notre revue. » (André Chastel, chapeau Débat dans Revue de l'art, 1985-3, p. 4). Un dernier commentaire qui n'honore pas la mémoire de son auteur.
↑Editorial. Art History or Kunstgeschichte ? [about Kunstgeschichte : eine Einführung], dans The Burlington Magazine, 1015, oct. 1987, pp. 643-644 (ISSN0951-0788).
↑Roland Recht, Manuels et histoires générales de l'art, dans Revue de l'art, 1999-2, p. 5-11 (en ligne).
↑Même en anglais... Conclusion, encore une bonne raison pour apprendre l'allemand.
Daniel Russo, Belting (Hans) 1935-, dans Encyclopædia Universalis, Paris, env. 2000 [màj en 2003].
Une bonne introduction aux « deux interrogations fondamentales [poursuivies par Hans Belting], l'une sur l'histoire des relations des hommes aux images, l'autre sur l'histoire de l'art comme structure de représentation et mise en forme d'un discours spécialisé. »
Jacques Morizot, Hans Belting, la notion moderne de l'œuvre, dans Revue francophone d'esthétique, Paris, 2004 (pdf en ligne).
Hans-Jürgen Heinrichs, Die Wahrheit hinter dem Bild. Hans Belting : "Das echte Bild – Bildfragen als Glaubensfragen“, dans dradio.de, 2006 (html en ligne ; trad. automatique).