En mathématiques, plus particulièrement en analyse fonctionnelle, l'inégalité de Korn est un résultat démontré pour la première fois en 1908 par le physicien allemand Arthur Korn[1],[2],[3]. Ce résultat, issu des recherches de Korn en théorie de l'élasticité, a depuis été étendu et continue de jouer un rôle important dans cette théorie[4],[5]. Néanmoins, il s'agit d'abord d'un théorème mathématique portant sur la norme de la jacobienne d'une fonction assez régulière, dont l'utilisation déborde le seul cadre de la physique des matériaux. De fait, des généralisations de cette inégalité et d'inégalités du même type sont au cœur des recherches sur la stabilité des systèmes dynamiques continus et dans l'étude numérique des équations aux dérivées partielles elliptiques[6].
Soit une fonction définie sur un sous-ensemble et à valeurs dans . Supposons qu'est définie sur la matrice jacobienne de . On note alors la partie symétrique de la jacobienne, c'est-à-dire . Alors l'inégalité de Korn donne une majoration de en fonction de , pour , sous des conditions de régularité sur . Plus précisément, si , où désigne l'espace de Sobolev et sa restriction aux fonctions à support compact, on a avec une constante qui dépend de et de uniquement[7], et appelée « constante de Korn ».
La démonstration initiale par Korn portait sur deux cas particuliers, avec des hypothèses plus fortes sur [3]. L'inégalité n'est pas vraie pour ni pour en général[8].
Supposons , alors en particulier est de carré sommable. On rappelle que Une intégration par parties donne immédiatementavec la divergence de . De cette expression on tire immédiatement l'inégalité de Korn :
La déformation d'un matériau élastique peut être décrite par le tenseur des déformations donné en chaque point du matériau. Pour de petites déformations, une approximation linéaire de ce tenseur suffit, et possède l'expression suivante :où est le déplacement. On appelle « ouvert de Korn » un ouvert borné tel que, pour une certaine constante ,En particulier, un ouvert borné, connexe, de bord lipschitzien, est un ouvert de Korn[9]. Dans un tel ouvert, l'inégalité de Korn est observée. Ainsi, il est possible de contrôler le champ de déplacements dans le matériau, en n'utilisant qu'une approximation linéaire du tenseur des déformations, qui est souvent plus maniable que le tenseur exact. Il en découle l'existence de modèles relativement simples par exemple pour l'étude des coques élastiques[10].
↑Arthur Korn, « Solution générale du problème d'équilibre dans la théorie de l'élasticité dans le cas où les efforts sont donnés à la surface », Annales de la Faculté des sciences de Toulouse, 2e série, vol. 10, , p. 165-269 (lire en ligne).
↑(de) Arthur Korn, « Über einige Ungleichungen, welche in der Theorie der elastischen und elektrischen Schwingungen eine Rolle spielen », Bulletin international de l'Académie de sciences de Cracovie, vol. 3, , p. 705-724.
↑G. Duvaut et J.-L. Lions, Les inéquations en mécanique et en physique, Dunod, 1972.
↑Voir par exemple F. Boyer, Analyse numérique des EDP elliptiques, notes de cours du M2 Mathématiques et Applications, Université Paul Cézanne, 2009 (lire en ligne), chap. I.
↑(en) Sergio Conti, Daniel Faraco et Francesco Maggi, « A New Approach to Counterexamples to Estimates: Korn’s Inequality, Geometric Rigidity, and Regularity for Gradients of Separately Convex Functions », Arch. Ration. Mech. Anal., vol. 175, no 2, , p. 287-300 (DOI10.1007/s00205-004-0350-5).
↑(en) Donald Ornstein, « A non-inequality for differential operators in the norm », Arch. Ration. Mech. Anal., vol. 11, no 1, , p. 40-49 (DOI10.1007/bf00253928).
↑J. Gobert, « Une inégalité fondamentale de la théorie de l’élasticité. » Bull. Soc. Roy. Sci. Liege, vol. 31, 1962, p. 182-191.
↑Voir à ce sujet Sorin Mardare, Sur quelques problèmes de géométrie différentielle liés à la théorie de l'élasticité, thèse de doctorat, Université Paris VI, 2003 (lire en ligne).