Plusieurs portraits signés « Pinson » et datés de la seconde moitié du XVIIIe siècle, attribués à Isabelle Pinson, ne peuvent en aucun cas être de sa main et seraient plutôt l'oeuvre de Simon Pinson (vers 1740-après 1800)[3].
Sa mère, Marie Bourdereau (1740-1823)[7], appartenait à une famille originaire du village de Brinon-les-Allemands qui comptait plusieurs membres entrés au service du seigneur du lieu, le marquis de Jaucourt, et des siens ; Marie elle-même devint en 1758 la femme de chambre d'Isabelle de Jaucourt (sœur de l'encyclopédiste Louis de Jaucourt), qui habitait un hôtel particulier, rue de la Chaise[5],[8].
Son père, Fabien Proteau, un Bourguignon originaire du village de Genlis, près de Dijon, était le valet de chambre du vicomte de Jaucourt, logé à l'hôtel de Noaillac, sis au 88, rue de Grenelle. Il mourut dès le [9].
Cette mort affecta peu la jeune orpheline de père sur le plan matériel, grâce en grande partie à la protection et à la générosité de sa marraine de qui elle tenait son prénom, Isabelle de Jaucourt, patronne de sa mère[6]. Cet appui lui permit de bénéficier d'une éducation soignée, notamment sur le plan artistique[5],[6]. Ayant sans doute montré assez tôt des aptitudes pour le dessin[10], elle reçut des leçons de certains peintres les plus réputés de l'époque, Jean-Baptiste Regnault, François-André Vincent et Adélaïde Labille-Guiard[note 1].
Le , à l'âge de 23 ans, Isabelle Proteau épouse le chirurgien, anatomiste et artiste céroplasticienAndré-Pierre Pinson (1746-1828), de 23 ans son aîné, qui occupait les fonctions de chirurgien-major de la compagnie des Cent-Suisses, garde personnelle du roi, jusqu'à son abolition récente en mai 1792. Le mariage est célébré à Clichy-en-Launois, où le promis avait acheté l'année précédente une propriété au duc d'Orléans, son ancien protecteur[11].
Les nouveaux époux sont particulièrement intimes avec le sculpteur Jean-Antoine Houdon, qui a peut-être joué un rôle dans leur rencontre et qui est témoin du marié à la fois lors de la signature du contrat de mariage et lors de la cérémonie[12],[13]. Ils fréquentent aussi beaucoup le miniaturisteLié Louis Périn, l'un des meilleurs amis d'André-Pierre Pinson, qui réalise vers cette époque deux portraits des Pinson[14],[15].
Après la nomination du chirurgien Pinson au poste de modeleur sur cire de la nouvelle École de santé de Paris, le couple emménage en 1795 en face de l'École, rue de l'Observance, dans les locaux dépendant de l'hospice[12].
Isabelle Pinson participe pour la première fois au Salon en 1796 en présentant trois portraits[16].
Œuvres non localisées, sauf mention contraire[note 2].
1796 : Trois Portraits (no 376).
1800 : Une jeune personne dans son atelier, regardant dans son porte-feuille (no 309).
1801 :
Tableau. Une jeune femme grecque filant (no 272) ;
Tableau de fleurs (no 273) ;
Tableau. Portrait du citoyen T***, médecin, membre de l’Institut (no 274) ; portrait du chirurgien Jacques Tenon, peut-être celui légué par le modèle à sa mort en 1816 à son confrère et ami Philippe-Jean Pelletan[18],[19].
1804 :
L'Étude (no 369) ;
Une femme à son chevalet, avec une petite fille près d'elle (no 370), probablement la toile proposée aux enchères à Paris chez Christie's, le (lot no 84), sous le titre Autoportrait au chevalet avec une petite fille[20], non daté, huile sur toile, 36,5 × 27 cm[21],[22].
1806 :
Une jeune femme devant une glace (no 421) ; description contemporaine : « une femme qui arrange des fleurs sur sa cheminée. Elle est répétée dans la glace »[23] ;
Une femme endormant son enfant (no 422) ; description contemporaine : « l'intérieur d'un appartement où on voit un lit antique sur lequel repose un enfant que sa mère endort au son de la lyre »[23] ;
1810 : Portrait de M. S***, docteur et membre de la faculté de médecine (no 656) ; portrait de Pierre Sue, 1809, huile sur toile, 78 × 58 cm, donné en 1816 par les héritiers du modèle à la Faculté de médecine de Paris, collection du musée d'Histoire de la médecine à Paris[25],[26],[27],[28].
1812 : Offrande de deux époux à Philémon et Baucis, métamorphosés en arbres (no 729).
Autoportrait, 1823, huile sur toile, 56 × 46 cm, conservé par la famille Darblay au château du même nom, Saint-Germain-lès-Corbeil, jusqu'à la dispersion de ses collections aux enchères à Paris, chez Christie's, le (lot 470), localisation inconnue[1],[2],[32].
Portrait présumé de la mère de l'artiste, Marie Bourdereau, veuve Proteau, non daté, huile sur toile, 46,2 × 38 cm, conservé par la famille Darblay au château du même nom, Saint-Germain-lès-Corbeil, jusqu'à la dispersion de ses collections aux enchères à Paris, chez Christie's, le (lot 317), localisation inconnue[33],[2],[34].
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Plusieurs portraits datés de la seconde moitié du XVIIIe siècle et signés « Pinson » ont été attribués à tort à Isabelle Pinson : créés souvent alors qu'elle n'était pas née ou trop jeune, signés d'un patronyme qu'elle ne porte qu'à compter de son mariage en 1792, elle ne peut en aucun cas les avoir peints. Selon Xavier Salmon, historien de l'art spécialiste du XVIIIe siècle et directeur du département des arts graphiques du musée du Louvre, ces œuvres seraient plutôt à attribuer à Simon Pinson (1740-après 1800) [3].
La plus ancienne représentation connue d'Isabelle Pinson est une miniature réalisée par Lié Louis Périn dans les années 1790, la dépeignant debout dans un paysage, de trois quarts à droite, tenant une palette et des pinceaux, vêtue d'une robe blanche et d'un châle jaune pâle[35]. Ce portrait était considéré comme l'un des plus remarquables du miniaturiste par le fils de ce dernier, le peintre Alphonse Périn[14]. Isabelle Pinson donna l'œuvre à celui-ci, en même temps qu'une miniature représentant son époux également réalisée par Lié Louis Périn[14],[note 3]. En 1853, les deux œuvres intégrèrent les collections du musée du Louvre[36],[37].
L'autoportrait le plus connu d'Isabelle Pinson, peint en 1823, la représente vêtue d'une robe d'indienne. Cette toile a été conservée au château de Saint-Germain-lès-Corbeil, propriété de la famille Darblay dont les ancêtres avaient voisiné avec l'artiste, jusqu'à la dispersion des collections de la demeure aux enchères, en [1],[2],[32].
D'autres autoportraits ont aussi été réalisés par l'artiste. L'historienne de l'art Marie-Jo Bonnet croit en identifier trois qui auraient été présentés au Salon, d'après la description des livrets de l'exposition : il s'agirait d’Une jeune personne dans son atelier, regardant dans son porte-feuille (Salon de 1800), Une femme à son chevalet, avec une petite fille près d'elle (Salon de 1804) et Une jeune fille dessinant (Salon de 1806)[38]. L'hypothèse semble se confirmer en ce qui concerne le second de ces trois tableaux, Une femme à son chevalet, avec une petite fille près d'elle, que l'historienne de l'art Patricia Simons propose d'identifier avec l’Autoportrait de l'artiste avec une petite fille proposé aux enchères en 2003[20]. Une comparaison du visage de l'artiste dans ce dernier tableau avec l'autoportrait peint en 1823 confirme qu'il s'agit bien d'une représentation d'Isabelle Pinson[39].
Georges Boulinier, « Une artiste à l’École de médecine de Paris : Isabelle Pinson (1769-1855) », Histoire des sciences médicales, vol. 31, nos 3-4, , p. 351-357 (ISSN0440-8888, lire en ligne [PDF]).
Georges Boulinier, « Notes biographiques sur le peintre Isabelle Pinson (1769-1855) », Dix-Huitième Siècle, vol. 36, no 1 « Femmes des Lumières », , p. 249–254 (e-ISSN1760-7892, DOI10.3406/dhs.2004.2609, lire en ligne).
Noé Legrand (auteur) et Louis Landouzy (éditeur scientifique), Les collections artistiques de la Faculté de médecine de Paris : inventaire raisonné, Paris, Masson, (lire en ligne).
Xavier Salmon, Cent portraits pour un siècle : de la cour à la ville sous les règnes de Louis XV et Louis XVI (catalogue d'exposition, Versailles, musée Lambinet, 6 novembre 2019-1er mars 2020), Gand, Snoeck Ducaju & Zoon, (ISBN978-94-6161-510-7 et 94-6161-510-8, OCLC1119970466, lire en ligne), p. 183-187.
(en) Patricia Simons, « Isabelle Pinson’s Fly Catcher (1808): Genre, Anecdote, and Pictorial Theory », Journal18, no 7 « Animal », (ISSN2470-5683, lire en ligne, consulté le ).
↑Ses maîtres de peinture sont connus par les livrets du Salon. Aux Salons de 1801 et 1810, elle se dit élève de « MM. Vincent et Regnault », c'est-à-dire François-André Vincent et Jean-Baptiste Regnault, mais aux Salons de 1804 et 1806, elle indique plutôt « Mme Vincent et de M. Regnault ». Mme Vincent, pour les contemporains, désigne Adélaïde Labille-Guiard après son mariage en 1800 avec François-André Vincent. L'enseignement reçu par Isabelle Pinson de Vincent et Regnault est mentionné par l'ensemble des études, mais celui de Labille-Guiard n'a été signalé que par Lemoine-Bouchard 2008, p. 415.
↑La notice du Louvre indique à tort que les deux miniatures sont toujours demeurées dans la famille Périn, alors que la Notice biographique sur Louis Perin écrite par son fils affirme expressément qu'Isabelle Pinson en fit don à ce dernier.
↑Bulletin des lois du royaume de France, 9e série (Règne de Louis-Philippe Ier, roi des Français) 2e partie (Ordonnances), 2e section, tome 6, Ordonnances d'intérêt local ou particulier publiées pendant le second trimestre de 1834, bulletin no 114, no 6406 : « Ordonnance du roi qui autorise l'inscription au Trésor public de quatre cent quatre-vingt-six pensions civiles et militaires, », pp. 436-437 [lire en ligne].
↑ ab et c« Notice biographique sur Louis Perin, peintre rémois, par M. A. Perin, son fils, communication de M. Fanart », Séances et Travaux de l'Académie de Reims, Reims, L. Jacquet, éditeur, vol. 1 « 5 juillet 1844-7 mars 1845 », , p. 273 (lire en ligne).
↑Nathalie Lemoine-Bouchard, « Perin-Salbreux, Louis-Lié », dans Les Peintres en miniature actifs en France, 1650-1850, Paris, Éditions de l'Amateur, (ISBN978-2-85917-468-2 et 2859174680), p. 414-416.
↑Archives de l'Essonne, Saint-Germain-lès-Corbeil, naissances, mariages, décès : registre d'état civil (1842-1857), 4E/2569, image 132 sur 156, Acte de décès d'Isabelle Proteau (no 21) dressé le pour un décès survenu la veille.
↑ ab et cSimons 2019 : « In fact, the 1804 painting [A Woman at Her Easel with a Young Girl Near Her] is surely the Self-Portrait at an Easel and With a Young Girl that was on the art market in 2003 ».
↑ a et bAdélaïde-Marie-Anne Moitte (auteur) et Paul Cottin (éditeur scientifique), Un ménage d'artistes sous le premier Empire. Journal inédit de Mme Moitte, femme de Jean-Guillaume Moitte, statuaire… 1805-1807, Paris, Plon, (BNF30957325), p. 221, cité par (en) Margaret A. Oppenheimer, Women Artists in Paris : 1791-1814 (thèse de doctorat en histoire de l'art), New York, New York University, Institute of Fine Arts, (lire en ligne), p. 249 et note 445.
↑(en) « The Fly Catcher », sur Marble: Museums, Archives, Rare Books & Libraries Exploration - University of Notre Dame (consulté le ).
↑(en) « Isabelle Pinson, Portrait supposé de Madame Pinson [sic], mère de l'artiste », sur Christie's (consulté le ). Modèle identifié de façon erronée dans la source comme « Mme Pinson », patronyme de l'époux de sa fille. Les travaux de Boulinier permettent d'identifier correctement la mère de l'artiste.
↑« Portrait de M. Pinson », sur Collections du département des arts graphiques - Musée du Louvre (consulté le ).
↑Marie-Jo Bonnet, « Femmes peintres à leur travail : de l'autoportrait comme manifeste politique (XVIIIe – XIXe siècles) », Revue d'histoire moderne et contemporaine, vol. 49, no 3, , p. 140-167 (DOI10.3917/rhmc.493.0140, lire en ligne). Voir la liste des « Autoportraits exposés aux Salons révolutionnaires », p. 165-167.