C'est dès l'enfance que Jean-Georges Wille a de fortes dispositions pour le dessin et qu'il a pour premier maître un peintre nommé Luhn[1]. Ayant appris le métier d’armurier dans sa ville natale, Wille fréquenta le graveur sur cuivre Georg Friedrich Schmidt à Strasbourg et se rendit, avec lui, en 1736, à Paris où il fut, par moments, le voisin de Denis Diderot, rue de l’Observance. Jean-Georges Wille fut reçu chez Nicolas de Largillierre dont il peignit plusieurs copies de tableaux, avant de travailler chez un orfèvre nommé Lelièvre, puis chez le marchand d'estampes Michel Odieuvre[1].
Le peintre Hyacinthe Rigaud l’ayant incité à se mettre à la gravure sur cuivre, il réalisa sa première estampe, le portrait du maréchal de Belle-Isle. Bientôt, les plus célèbres peintres français lui confièrent leurs ouvrages à graver, mais il effectua également des gravures d’après des tableaux de maitres anciens, parmi lesquels Gerard ter Borch, Gabriel Metsu, Jan van Mieris ou Caspar Netscher, dont beaucoup appartiennent aux plus remarquables créations de la gravure sur cuivre.
Napoléon Bonaparte le nomma chevalier de la Légion d’honneur et l’Institut de France l’admit au nombre de ses membres. Pour Émile Dacier, « son atelier fut, avec celui de Jacques-Philippe Le Bas, une pépinière de remarquables graveurs ; parmi les français, Pierre-Alexandre Tardieu et Charles-Clément Bervic furent les héritiers et continuateurs de sa doctrine »[4].
Il entretient une longue correspondance avec le graveur Johann Friedrich Bause qu'il admirait mais qu'il ne rencontra jamais[5].
Wille est qualifié par les historiens d'« entrepreneur de réseaux »[3]. En effet, membre de la loge des Amis réunis, il fut au centre d'une sociabilité maçonnique pour les artistes originaires de l'espace germanique[6] et entretint avec de nombreux personnages une correspondance intense à l'échelle de l'Europe, notamment avec ses compatriotes allemands qu'il se chargea de guider à Paris quand ils passaient par la capitale du royaume de France, notamment pour visiter les collections d'arts privées qui s'y développèrent au XVIIIe siècle.
Par exemple, lorsque le philosophe kantien Herder se rendit en France en , Wille lui servit de guide et lui fit découvrir la société parisienne. Jean-Georges Wille, ainsi, « participa activement aux transferts culturels entre la France et l'Allemagne »[3] au siècle des Lumières, d'autant qu'il se chargea par ailleurs de traduire et publier les ouvrages de langue allemande qu'il jugeait dignes d'intérêt, tout en les recensant dans le Journal étranger[3].
Le Dictionnaire Bénézit étend le travail de graveur de Wille jusqu'à l'année 1790, soit sur plus d'un demi-siècle. Après que ses biens (son activité de graveur se dédoublant de celles d'éditeur et de marchand d'estampes, il était également collectionneur de peintures et dessins) lui aient été confisqués par la Révolution française, il termina sa vie ruiné et aveugle[7].
Wille a laissé des Mémoires, « écrites avec la bonhomie qui le caractérisa »[7] et publiées par Duplessis en 1857[8], dans lesquels il donne entre autres la première évocation connue de Denis Diderot.
D'après Pierre-Alexandre Wille, fils de l'artiste : Maîtresse d'école ; Philosophe du temps passé ; Bonne femme de Normandie (un tirage moderne de ce burin porte la mention "Dédié à Monsieur Jean Valentin Meyer, négociant à Hambourg" et ses armes) ; Sœur de la bonne femme de Normandie;Les soins maternels ; Louis Gillet délivre une fille des mains de deux brigands;
D'après ses propres dessins : Le fumeur, 1741[13] ; L’Instruction paternelle, 1758[14];
D'après Charles Parrocel : Louis XV, le Bien-aimé, à cheval suivi de deux cavaliers, pour l'ouvrage dirigé par Jean-Martin Weis, graveur de la ville de Strasbourg, Représentation des fêtes données par la ville de Strasbourg pour la convalescence du Roi, à l'arrivée et pendant le séjour de Sa Majesté en cette ville, imprimé par Laurent Aubert, Paris, 1747;
« Le burin de M. Wille a conservé à ce Salon la réputation dont il jouit. » - Denis Diderot, Le Salon de 1761
« Un des plus fameux graveurs du siècle passé, appelé le Doyen des graveurs de l'Europe. Son œuvre se distingue dans notre catalogue par la richesse, la plupart par la beauté, et en même temps par la rareté des épreuves, ainsi que par plusieurs pièces très peu connues. » - Johann Gottlieb Abraham Frenzel(de)[10]
« Le burin de Wille est correct, brillant et hardi. Aucun graveur n'a su, mieux que lui, donner à chaque objet son caractère propre, faire comprendre la différence des étoffes, rendre leurs plis, et surtout éclairer les reflets chatoyants du satin. Il était habile dessinateur et amateur enthousiaste des beaux-arts. Ce goût, joint à beaucoup de tact, fait qu'il a mis dans toutes ses estampes un sentiment et un coloris extraordinaires. » - Charles Le Blanc, de la Bibliothèque royale de Paris[17]
« La mort de Cléopâtre d'après Netscher fut en 1754 sa première composition et elle obtint un succès qui l'encouragea à suivre cette voie ; car à partir de cette époque il ne publia guère que des sujets dont il emprunta les modèles à Adrien van Ostade, ter Borch, Gérard Dou, Schenau, Dietrich, ou même son fils. Plusieurs de ces estampes sont aujourd'hui fort recherchées : elles rendent avec une fidélité louable les œuvres qu'elles reproduisent, et quelques-unes, comme L'instruction paternelle ou Les musiciens ambulants, ont le privilège de jouir parmi les amateurs de la plus grande estime. » - Nouvelle Biographie générale[1]
« Wille était l'intermédiaire obligé entre les artistes allemands, suisses, danois et suédois et le monde parisien, notamment l'introducteur des gravures de chasses et d'animaux de Johann Elias Ridinger (1698-1767) enrichies d'une belle nature sauvage. Le cercle de Wille est, comme le remarque Yvonne Boerlin-Brodbeck, "un facteur important de la diffusion de l'image idéalisée d'une Suisse aux paysages ensoleillés, couronnés de cimes enneigées"[18]. Wille est particulièrement important par le fait qu'il oriente l'art du paysage pratiqué à Paris vers le pittoresque, avec ses séries de dessins des campagnes de l'Île-de-France, ou vers une nature rude et pierreuse telle celle qu'il voyait lors des expéditions qu'il faisait, en compagnie de sa femme et de ses élèves, dans les carrières des environs de Paris. » - Madeleine Pinault-Sorensen[19]
Musée des beaux-arts d'Orléans, La ménagère hollandaise d'après Gérard Dou ; La tricoteuse hollandaise d'après Frans van Mieris l'Ancien ; Le petit physicien d'après Caspar Netscher.
Royal Collection, Londres, Carolus Walliae Princeps (portrait de Charles Edward Stuart), d'après Louis Tocqué, 1749[30] ; Le concert de famille, d'après Godfried Schalken, 1767[12].
↑ ab et cNouvelle biographie générale, Éditions Ambroise Firmin Didot, 1866, tome 46, page 747.
↑Archives alsaciennes d’histoire de l’art, vol. 1-4,
1967, p. 140 lire en ligne.
↑ abc et dCharlotte Guichard, « Les Circulations artistiques en Europe (années 1680-années 1780) », Les Circulations internationales en Europe, années 1680-années 1780, Pierre-Yves Beaurepaire et Pierrick Pourchasse (dir), Presses universitaires de Rennes, 2010, p. 391.
↑ Émile Dacier, La Gravure française, Larousse, 1944, page 175.
↑ Pierre-Yves Beaurepaire, L'autre et le frère - L'étranger et la Franc-Maçonnerie en France au XVIIIe siècle, Éditions Honoré Champion, 1998, pages 320-322.
↑ a et b Dictionnaire Bénézit, Grûnd, 1999, tome 14, page 618.
↑ a et bCatalogue des livres rares et précieux de la bibliothèque de M. de Wlassoff, chambellan de Sa Majesté l'Empereur de toutes les Russies, suivi d'une description sommaire de ses gravures, tableaux, pierres gravées et bronzes, Imprimerie Auguste Semen, Moscou, 1821.
↑ abc et d Johann Gottlieb Abraham Frenzel, Catalogue raisonné des estampes de feu Madame la Comtesse d'Einsiedel de Reibersdorf, imprimerie C.C. Meinhold et fils, Dresde, 1833.
↑ Charles-Paul Landon, « Jean-Georges Wille » in Salon de 1808, édité par l'auteur, imprimerie des Annales du Musée, 1808.
↑ Charles Le Blanc, Catalogue de l'œuvre de Jean Georges Wille, graveur, Éditions Rudolphe Weigel, 1847.
↑ Yvonne Boerlin-Brodbeck, Johann Caspar Füssli und sein Briefwechsel mit Jean-Georges Wille - Marginalien zu Kunstliteratur und Kunstpolitik in der zweiten Hälfte des 18. Jahrhunderts, Schweizerisches Institut für Kunstwissenschaft, 1978.
↑ Madeleine Pinault-Sorensen, Rousseau et l'art du paysage, in textes réunis et édités par Frédéric S. Eigeldinger, Jean-Jacques Rousseau et les arts visuels, Droz, 2003.
Élisabeth Décultot, Michel Espagne et François-René Martin, Johann Georg Wille (1715-1808) et son milieu. Un réseau européen de l’art au XVIIIe siècle, Paris, École du Louvre, 2009, (ISBN978-2-904187-25-4).
Georg Kaspar Nagler, Neues allgemeines Künstler-Lexikon, E.A. Fleischmann, Munich, 1835-1852.
Georges Duplessis, Mémoires et journal de J.-G. Wille. Graveur du Roi. D’après les manuscrits autographes de la Bibliothèque Impériale, t. 1, t. 2, Paris 1857.
Charles Le Blanc, Catalogue de l'œuvre de Jean-Georges Wille, graveur, Leipzig, Rudolph Weigel, 1847 (lire en ligne).
Sous la direction de Jean-Chrétien-Ferdinand Hœfer, Nouvelle Biographie générale, Éditions Ambroise Firmin Didot, 1866.
Emilia Dilke, French engravers and draughtsmen of the XVIIIth century, George Bell and Sons, 1902 (chapitre 5 : Wille and his pupils).
Henri Manesse, Jean-Georges Wille, graveur du Roi, de l'Académie de peinture et de sculpture, membre de l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Rouen, d'après son journal et ses mémoires, Imprimerie de Léon Gy, 1905.
Émile Dacier, La gravure française, Larousse, 1944.
Werner R. Deusch, Der Kupferstecher Johann Georg Wille in sein Pariser Tagebuch - Ein Betrag zu den deutsch-französischen Kunstbeziehungen im 18. Jahrhundert, Harrassowitz, 1958.
Peter Vignau-Wilberg et Jana Hofmeister, Beiträge zur Kunst des 17. und 18. Jahrhunderts un Zürich, Schweizerisches Institut fûr Kunstwissenschaft', Zürich, 1978.
Yvonne Boerlin-Brodbeck, Johann Caspar Füssli und sein Briefwechsel mit Jean-Georges Wille - Marginalien zu Kunstliteratur und Kunstpolitik in der zweiten Hälfte des 18. Jahrhunderts, Schweizeriches Institut für Kunstwissenschaft, 1978.
(de) Hein-Thomas Schulze Altcappenberg, « Le Voltaire de l’art ». Johann Georg Wille (1715-1808) und seine Schule in Paris. Studien zur Künstler- und Kunstgeschichte der Aufklärung, Lit-Verlag, Münster 1987, (ISBN3-88660-363-6).
Michel Espagne, « La diffusion de la culture allemande dans la France des Lumières : les amis de Jean-Georges Wille et l'écho de Winckelmann », dans l'ouvrage collectif sous la direction d'Édouard Pommier : Winckelmann : la naissance de l'histoire de l'art à l'époque des Lumières, La Documentation française, 1991.
Michael Werner, « Des artistes allemands en France au XVIIIe siècle : le cas Wille », in Jean Mondot, Jean-Marie Valentin et Jürgen Voss (dir), Allemands en France, Français en Allemagne, 1715-1789 : contacts institutionnels, groupes sociaux, lieux d'échanges, Sigmarigen, Jan Thobecke Verlag, 1992, p. 170-177.
Emmanuel Bénézit, Dictionnaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs, Gründ, 1999.
Pierre-Alexandre Wille, plusieurs portraits de son père dont l'un, gravé par Pierre-Charles Ingouf, est conservé à l'Institut national d'histoire de l'art ;
Christian-Bernard Rode, Portrait de Jean-Georges Wille, gravure d'après Georg Friedrich Schmidt ;