MeSH | « D018953 » |
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La kinésiologie appliquée ou plus simplement kinésiologie est une technique pseudoscientifique qui recourt à un examen appelé « test musculaire » pour prétendument faire une évaluation neurologique fonctionnelle[1],[2].
La kinésiologie n'est pas reconnue par l'Organisation mondiale de la santé.
Selon ses promoteurs, il s'agit d'un « système de diagnostic qui utilise la réponse du test musculaire manuel comme le reflet de l'état du pool neuronal de la corne motrice antérieure du muscle testé. L'objectif fondamental de ce système diagnostic est l'évaluation et la correction de l'irritation du système nerveux par l'application de "thérapies naturelles" destinées à ôter les irritants nocifs et restaurer l'expression neurologique normale, aidant ainsi la promotion de la santé et la prévention de la maladie[3] ».
Elle s'organise autour d'un Collège international de kinésiologie appliquée professionnelle[4].
La kinésiologie appliquée professionnelle trouve ses racines dans les observations faites depuis 1964 par Georges J. Goodheart, un chiropracteur, pratiquant alors à Détroit, dans le Michigan. Les observations de Goodheart concernant l’équilibre, la force et la faiblesse musculaire ont réfuté la théorie d’alors selon laquelle le spasme musculaire était la cause première des douleurs de dos. Selon Goodheart, la cause première des douleurs de dos est la faiblesse musculaire. La faiblesse musculaire (telle qu’observée au test musculaire) a rapidement été comprise comme une inhibition de neurones moteurs localisés dans le pool neuronal de la corne antérieure de la moelle épinière[5].
Goodheart a observé que la faiblesse (inhibition) de n’importe quel muscle provoque la contraction du muscle controlatéral, antagoniste ou opposant, provoquant ainsi la douleur. Lorsqu’un muscle se contracte sans la réponse antagoniste normale, ce n’est pas le muscle tendu ou contracté qui a besoin d’aide, mais le muscle faible (inhibé) qui a besoin d’être renforcé (facilité), restaurant ainsi l’équilibre musculaire et soulageant le spasme musculaire secondaire[6].
La kinésiologie appliquée professionnelle (P.A.K.) est un système qui découle de cette croyance initiale et qui affirme identifier « les aspects structurels, chimiques et émotionnels de la santé en utilisant le test musculaire », mais sans apporter de preuve sur ses fondements.
Les outils de la Kinésiologie Appliquée Professionnelle sont développés et approuvés par le Conseil de Standard du Collège international de kinésiologie appliquée professionnelle. Ces outils sont issus de nombreuses disciplines incluant l’acupuncture, la biochimie, la chiropratique, la dentisterie, l’homéopathie, la médecine, la nutrition, l’ostéopathie, la psychologie, etc. Les membres de ces professions partagent leurs connaissances au travers de la publication et des conférences du Collège international de kinésiologie appliquée professionnelle (I.C.A.K. – International College of Applied Kinesiology)[7].
La kinésiologie appliquée utilise le test musculaire pour trouver un muscle qui serait déséquilibré, puis tenter de déterminer pourquoi ce muscle ne fonctionne pas correctement. Le praticien définit ensuite le traitement qui équilibrera au mieux le ou les muscle(s) déterminés. Les traitements peuvent inclure des manipulations ou des mobilisations articulaires spécifiques, diverses thérapies myofasciales, des techniques crâniennes, des approches méridiennes et d’acupuncture, de la nutrition clinique, des conseils alimentaires, des exercices physiques, l’évaluation d’irritants environnementaux et diverses procédures réflexes[7].
La kinésiologie appliquée professionnelle utilise la triade de santé composée des facteurs structuraux, chimiques, et émotionnels qui équilibrent les principaux aspects de la santé. La triade de la santé est interactive et tous les côtés doivent êtres évalués pour trouver la cause sous-jacente d’un problème. Un problème de santé sur l’un des côtés de la triade peut affecter les autres côtés. Par exemple, un déséquilibre chimique peut provoquer des symptômes émotionnels. La kinésiologie appliquée professionnelle permet au praticien d’évaluer l’équilibre de la triade et d’engager directement la thérapie sur le ou les côtés impliqués[7].
Le praticien prend garde de toute attitude pouvant être assimilée à un exercice illégal de la médecine. L'organisme français dit Syndicat national de la kinésiologie[8] publie un code de déontologie[9] qui précise les devoirs et obligations du kinésiologue dans sa pratique quotidienne.
En France, la kinésiologie appliquée a été placée sous observation par la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires[10] dans son rapport annuel d'activité 2016-2017 où elle est qualifiée de « particulièrement inquiétante »[11]. Elle est classée parmi les pseudo-sciences sans fondement scientifique avéré[12].
L'appellation « kinésiologue » désigne de façon générique des praticiens dont le cursus de formation peut être différent.
La formation n'est pas reconnue par l'État. Les kinésiologues ne sont pas forcément des praticiens de santé diplômés à l'origine.
Il faut tout de même différencier deux pratiques distinctes : la kinésiologie appliquée et la kinésiologie non thérapeutique[13].
Seuls les professionnels de la santé diplômés ayant un minimum de 3 500 heures de formation, tels que les médecins, les chiropracteurs, les dentistes et les ostéopathes, sont autorisés à suivre une formation à la kinésiologie appliquée. Les cours sont dispensés par le Collège international de kinésiologie appliquée (ICAK).
La kinésiologie appliquée se pratique en séance individuelle à raison de deux à quatre séances pour des maux passagers et jusqu’à une dizaine de séances pour les problèmes plus graves.
Les troubles pouvant être traités par la kinésiologie sont généralement reliés à trois désordres : les déséquilibres chimiques, les déséquilibres structurels ou le stress psychologique. Ces désordres peuvent aussi se combiner[13].
L'enseignement en kinésiologie est dispensé à toute personne souhaitant pratiquer cette technique sans qualification préalable dans le domaine de la santé. La formation est de 600 heures minimum avec, à l’issue, un examen théorique et pratique. Elle est accessible par les écoles de kinésiologie inscrites à la Fédération française de la kinésiologie, au Syndicat national des kinésiologues ou à la Fédération des écoles de kinésiologie[13].
La kinésiologie n'est pas une méthode de soins mais une méthode de développement personnel non religieuse[14]. Cette dernière précision fait suite à des accusations de dérives sectaires pour la kinésiologie[10]. Jean-Claude Guyart, fondateur de l'EKMA (École de kinésiologie et méthodes associées) déclare notamment « On ne se dit pas thérapeutes et on ne s'est jamais dit thérapeutes[15]. ». Selon lui, les techniques se fondent toutefois sur des principes de chiropratique et d'acupuncture[15].
Le rapport 2007 de la MIVILUDES, désigne la kinésiologie comme « une pratique thérapeutique non réglementée »[16].
Ainsi, « L’absence de reconnaissance par l’État des formations et des diplômes délivrés aussi bien pour le reiki que pour la kinésiologie peut induire un amateurisme de la part de certains pseudo-thérapeutes. D’autant que n’importe qui peut se déclarer « kinésiologue » ou « maître reiki » et enseigner ces techniques. [...] On fait également miroiter à l’adepte la possibilité de devenir lui-même « praticien » voire formateur, ce qui est en soi très valorisant et réconfortant pour une personne en perte de repères »[10].
Selon l'INSERM, la kinésiologie appliquée se baserait sur des amalgames et des inexactitudes du point de vue physiologique, neurologique et pratique[17].
En France, le terme « kinésiologie » est communément utilisé pour désigner divers courants de kinésiologie appliquée.
Il a été reproché à certaines écoles de kinésiologie appliquée de recycler de nombreuses techniques New Age préexistantes, et qui n'ont rien à voir avec les principes d'origine de la méthode, tels que les élixirs floraux, les constellations familiales, la psycho-énergétique, l'aura (comme dans l'aura-kinésiologie), l'iridologie[18]… Bien que la pratique soit présentée comme « non religieuse », certains responsables du mouvement ont pourtant déclaré que la kinésiologie appliquée provenait de Dieu, et que l'on pouvait trouver dans la Bible des indications que le « toucher pour la santé » était préconisé et que ces pratiques avaient été bien reçues chez certains chrétiens qui pratiquaient des rituels de guérison[19].
En 2018, la kinésiologie est classée par la Miviludes parmi les pratiques pseudo-thérapeutiques sectaires[20].
La radicalisation de certains kinésiologues est illustrée par une condamnation en France en 2005 pour la mort d'un nourrisson soumis à un régime alimentaire ayant provoqué une malnutrition[21],[22]. « Des parents, au nom de conceptions idéologiques inhérentes à la pratique de la kinésiologie et des "lois biologiques" de Ryke Geerd Hamer, avaient adopté pour eux-mêmes et leurs enfants le régime végétalien dans leur quête d’une alimentation purifiée. »[23],[24]. Le , la cour de Quimper a condamné à 5 ans de prison dont 52 mois avec sursis, pour non-assistance à personne en danger, un couple de parents adeptes de la kinésiologie. Le juge a incriminé l'« idéologie aux implications médicales » de ces deux parents dont les pratiques médicales infructueuses ont abouti à la mort de leur enfant par malnutrition[25]. Pour autant, les kinésiologues réfutent le fait que leur technique puisse être apparentée à une quelconque idéologie.
En 2012, la MIVILUDES dans son Guide : santé et dérives sectaires, au chapitre « La kinésiologie », écrit : « La radicalisation de certains adeptes de cette mouvance a conduit à des dérives de caractère sectaire dans laquelle la dimension hygiéniste portée au rang de dogme a constitué un facteur déterminant »[26].
En 2017, la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires a encore consacré un chapitre entier de son rapport annuel à la kinésiologie[10]. La mission signale notamment l'usage de méthodes d'emprise psychologique classiques : « valoriser la victime pour mieux asseoir l’emprise du gourou thérapeute. Il s’agira de convaincre l’adepte qu’il est exceptionnel et que pour aller mieux et retrouver son énergie, sa joie de vivre et tout son potentiel, il devra se séparer de son conjoint, se couper de ses amis, et surtout suivre des stages, généralement coûteux, mais nécessaires pour accéder au bien-être. [...] Petit à petit la relation va se baser sur l’admiration du patient envers son thérapeute, qui pourra imposer toutes ses exigences, allant jusqu’à la soumission totale de l’adepte qui aura subi des pressions réitérées afin d’altérer son jugement »[10].
Selon les conclusions de de l'Union nationale des associations de défense des familles et de l'individu (UNADFI) : « Certains individus fragiles se laisseront séduire par les promesses de certains praticiens et ils s’engageront dans un processus progressif que nous connaissons bien dans les dérives sectaires : abandon de la personnalité, reconstruction, dissociation, ruptures des liens, intérêt exclusif pour les nouvelles théories, fréquentation de stages, dépenses mettant en danger le budget familial[27]. »
Les méthodes de la kinésiologie appliquée ne présentent pas suffisamment de références vérifiables à des programmes significatifs de recherche et de validation scientifique. Elles ont tendance à se baser sur des hypothèses et des intuitions non vérifiées. Le ministère de la Santé indique sur son site Internet que « dans la très grande majorité des cas, ces pratiques de soins non conventionnelles (PSNC) n’ont pas fait l’objet d’études scientifiques ou cliniques montrant leurs modalités d’action, leurs effets, leur efficacité, ainsi que leur non dangerosité. Lorsqu’elles sont utilisées pour traiter des maladies graves ou en urgence à la place des traitements conventionnels reconnus, elles peuvent donc faire perdre des chances d’amélioration ou de guérison aux personnes malades »[10]. La MIVILUDES considère ces techniques de soin comme « porteuses de risques et non éprouvées »[10]. La kinésiologie a fait l’objet d’un avis sévère du Conseil national de l’Ordre des masseurs-kinésithérapeutes : « la kinésiologie est une méthode de soin non conventionnelle et [...] son utilisation constitue une dérive thérapeutique »[10]. L'INSERM, qui a évalué cette méthode, conclut quant à elle que « ni la kinésiologie appliquée professionnelle, ni la kinésiologie énergétique n’ont fait à ce jour la preuve de leur efficacité »[10].
Désireux d'accéder à une certaine respectabilité, des kinésiologues se sont lancés dans la rédaction d'articles à caractère scientifique visant à démontrer les bienfaits de leur méthode. Un essai en double-aveugle randomisé de 2014 a cherché à évaluer la fiabilité, la reproductibilité et la sensibilité des examens pratiqués en kinésiologie ainsi que l'efficacité de la technique. Les auteurs concluent à nouveau que les études expérimentales portant sur la kinésiologie appliquée ne respectent pas les standards actuels de la méthodologie scientifique. Lorsque la kinésiologie appliquée est testée de manière rigoureuse, les résultats qu'elle donne ne sont pas statistiquement différents de ceux que l'on peut trouver dans un groupe contrôle ne bénéficiant pas de la thérapie[28].
En 2011, des étudiants de l'université Joseph-Fourier de Grenoble ont aussi testé le test musculaire de la kinésiologie appliquée. Ils concluent que le test musculaire, utilisé pour détecter une substance allergène avérée, n'est pas plus efficace que le hasard[29].