La Fable des abeilles | |
Édition de 1724 chez Tonson | |
Auteur | Bernard Mandeville |
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Pays | Angleterre |
Genre | Fable politique |
Éditeur | J. Roberts |
Lieu de parution | Londres |
Date de parution | 1714 |
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La Fable des abeilles, The Fable of the Bees: or, Private Vices, Publick Benefits en anglais, est une fable politique de Bernard Mandeville, parue en 1714. Il en a fait un second tome en 1729.
Le texte parait dans un premier temps le 22 avril 1705 sous la forme d’un poème anonyme intitulé « La Ruche murmurante ou les fripons devenus honnêtes gens » (The Grumbling Hive, or Knaves Turn’d Honest ). S'y ajoute un commentaire intitulé Enquête sur l'origine de la vertu morale (An Enquiry into the Origin of Moral Virtue), accompagné de vingt remarques (Remarks). Cette première version a peu de succès. Rééditée en 1714 avec un commentaire extensif en prose, elle devient bientôt devenue célèbre pour son attaque supposée des vertus chrétiennes.
Une seconde édition de 1723 contient deux autres parties : An Essay on Charity and Charity-Schools et : A Search into the Nature of Society. Cette édition rencontre un plus grand succès. L'édition de 1724 contient un texte de justification (Vindication).
D'autres éditions sont publiées entre 1724 et 1732. Mandeville travaille à une deuxième partie composée de six dialogues publiés en 1729 sous le titre : La Fable des abeilles, deuxième partie, par l'auteur de la première.
La traduction française, approximative, d'Émilie du Châtelet, est publiée en 1740. L'ouvrage influence Jean-François Melon et Voltaire qui en reprend quelques thèmes dans son poème Le Mondain[1].
Pour Bernard Mandeville, le vice, qui conduit à la recherche de richesses et de puissance, produit involontairement de la vertu parce qu'en libérant les appétits, il apporte une opulence supposée ruisseler du haut en bas de la société. Aussi, Mandeville soutient que la guerre, le vol, la prostitution, l'alcool et les drogues, la cupidité, etc. contribuent finalement « à l'avantage de la société civile ». « Soyez aussi avides, égoïstes, dépensiers pour votre propre plaisir que vous pourrez l’être, car ainsi vous ferez le mieux que vous puissiez faire pour la prospérité de votre nation et le bonheur de vos concitoyens[2]. »
Au XXe siècle, Friedrich Hayek vit en lui un précurseur du libéralisme économique, tandis que Keynes mit en avant la défense de l’utilité de la dépense.
La Fable des abeilles développe dans une veine satirique la thèse de l’utilité sociale de l’égoïsme. Elle avance que toutes les lois sociales résultent de la volonté égoïste des faibles de se soutenir mutuellement en se protégeant des plus forts[3]. Au sujet du vol, Bernard Mandeville y explique que « le travail d'un million de personnes serait bientôt fini, s'il n'y en avait pas un autre million uniquement employé à consumer leurs travaux (...). Si l'on vole 500 ou 1 000 guinées à un vieil avare qui, riche de près de 100 000 livres sterling, n'en dépense que 50 par an, il est certain qu’aussitôt cet argent volé, il vient à circuler dans le commerce et que la nation gagne à ce vol. Elle en retire le même avantage que si une même somme venait d'un pieux archevêque l'ayant léguée au public[2]. »
Sa thèse principale est que les actions des hommes ne peuvent pas être séparées en actions nobles et en actions viles, et que les vices privés contribuent au bien public tandis que des actions altruistes peuvent en réalité lui nuire. Par exemple, dans le domaine économique, il dit qu’un libertin agit par vice, mais que « sa prodigalité donne du travail à des tailleurs, des serviteurs, des parfumeurs, des cuisiniers et des femmes de mauvaise vie, qui à leur tour emploient des boulangers, des charpentiers, etc. ». Donc la rapacité et la violence du libertin profitent à la société en général. Toutefois, il considère également que des pauvres doivent être sacrifiés en peinant et en travaillant afin de permettre aux riches de disposer de leur argent[4].
Les vices des particuliers sont des éléments nécessaires au bien-être et à la grandeur d’une société. L’Angleterre y est comparée à une ruche corrompue mais prospère, qui se plaint pourtant de son manque de vertu. Jupiter leur ayant accordé ce qu’ils réclamaient, la conséquence est une perte rapide de prospérité, bien que la ruche nouvellement vertueuse ne s’en préoccupe pas, car le triomphe de la vertu coûte la vie à des milliers d’abeilles.
Mandeville est généralement considéré comme un économiste et un philosophe sérieux. Il a publié en 1729 une deuxième édition de la Fable des abeilles, avec des dialogues étendus exposant ses vues économiques. Ses idées au sujet de la division du travail s’inspirent de celles de William Petty.
L’idée selon laquelle les « vices privés font le bien public » a inspiré nombre d’auteurs dont Adam Smith[4] (qui pourtant critique âprement Mandeville par ailleurs[5]) ou — au XXe siècle — Ayn Rand dans La Vertu d'égoïsme[6]. Adam Smith répète le principe du projet mandevillien en le débarrassant de sa dimension sulfureuse et provocatrice. Dans La Richesse des nations, il remplace le mot « vice » par l'« amour de soi » (self-love).
Jean-Jacques Rousseau a commenté La Fable des abeilles dans la Première Partie de son Discours sur l'origine de l'inégalité parmi les hommes (1754)[7].
Néanmoins, la théorie de Mandeville est bien plus forte : il soutient qu'une société ne peut avoir en même temps morale et prospérité et que le vice, entendu en tant que recherche de son intérêt propre, est la condition de la prospérité[8].
En 2007, dans Le Divin Marché, la révolution culturelle libérale[9], Dany-Robert Dufour tente de montrer que, bien loin d'être sortis de la religion, nous sommes tombés sous l'emprise d'une nouvelle religion conquérante, le Marché, fonctionnant sur un principe simple, mais redoutablement efficace, mis au jour par Bernard de Mandeville : « Les vices privés font la vertu publique ». Ce miracle est permis par l'intervention d'une Providence divine (cf. la fameuse « main invisible » postulée par Adam Smith).
Ces positions ont violemment choqué l’opinion de son époque et ont été combattues par la plupart de ses contemporains[10]. Les moralistes spiritualistes Hutcheson et Berkeley réfutèrent la Fable des abeilles. Les juges[Qui ?] menacèrent de faire un procès à son auteur.