Titre original |
(grc) Τρῳάδες |
---|---|
Formats |
Pièce de théâtre Œuvre dramatique (d) |
Langue | |
Auteur | |
Genre | |
Personnages | |
Œuvre dérivée |
The Trojan Women today (d) |
Les Troyennes (en grec : Τρῳάδες / Trōiádes) est une tragédie d’Euripide, représentée pour la première fois durant les Grandes Dionysies du printemps de
La particularité des Troyennes réside dans son appartenance à une trilogie : alors que l’Alexandros traite des origines de la guerre de Troie, l’action du Palamède se déroule pendant le siège de la ville (un peu avant les événements narrés dans l’Iliade) ; les Troyennes clôt la trilogie en évoquant le sort des dernières survivantes d’Ilion après la prise de la ville par les Grecs.
Les événements des Troyennes sont légèrement antérieurs à ceux traités dans l’Hécube.
Lieu du drame : dans le camp grec, devant Troie. Plusieurs tentes au fond de la scène.
Au niveau formel, la particularité des Troyennes réside dans sa linéarité : l'intrigue est pour ainsi dire absente et laisse place à des scènes quasi individuelles, en partie fermées sur elles-mêmes. La raison de cette construction dramatique – qui a suscité bien des critiques – se trouve dans le thème même de la pièce : le poète se place dans le camp des vaincus, et ce sont les dernières heures d’une poignée de femmes devenues veuves et esclaves du jour au lendemain et qui finalement assistent à la mort de leur cité, qui sont mises en scène. L’action n’a donc pas sa place et laisse le champ libre au pathos, aux larmes et aux thrènes gémissants des Troyennes.
Autour d’Hécube, vieille et misérable reine déchue dont tout en elle – gestuelle, paroles, actes, chants – invite au pathétique, gravitent deux autres figures de femmes blessées : Cassandre, incarnation des lois divines transgressées par des hommes peu scrupuleux, et Andromaque, jeune princesse et mère qui n’entrevoit que la mort comme libération de ses maux.
L’enchaînement des souffrances entraîne le questionnement qui plane sur la plupart des tragédies grecques : qu’en est-il de la part de responsabilité humaine et divine ? Les avis des personnages sont partagés. Si les dieux représentent la cible idéale pour se délester d’une faute, ils sont fréquemment accusés à tort : les hommes ne doivent en effet bien souvent leurs misères qu’à leurs propres actes. Mais surpassant tout cela, une force supérieure régit l’existence humaine : le destin de l’homme le rattrape immanquablement, et certaines lois éternelles comme celle de la métabolè (l’enchaînement de périodes heureuses et malheureuses) ne peuvent être évitées.
Au-delà de sa dimension pathétique, la pièce constitue un vigoureux plaidoyer contre la cruauté et l’iniquité des actes des vainqueurs, ces derniers allant jusqu’à commettre des impiétés de telle nature que les dieux mêmes décident de se liguer contre les armées hellènes. Le portrait des Grecs en présence n’est qu’une galerie de vices et de tares : Ulysse, malgré sa vaillance et son héroïsme, est la perfidie incarnée ; Ménélas semble n’être qu’un piètre guerrier privé de volonté ; l’inhumanité d’Agamemnon est sous-entendue ; quant à Hélène, aucun être ne peut l’égaler sur le terrain du vice et de la tromperie.
Les Troyennes est sans doute la tragédie la plus pathétique des 19 pièces conservées d’Euripide, les chœurs et les nombreux duos ou solo chantés (en plus des chants du chœur, 6 morceaux lyriques sont insérés dans la pièce) participant inévitablement à l’émotion du spectacle. En tant que représentation publique, ce drame peut aisément se lire comme une référence aux événements qui agitaient Athènes en ces années, à savoir la volonté de conquêtes lointaines (la Sicile notamment) de la part d’hommes politiques comme Alcibiade. Un autre fait militaire peut également être mis en corrélation avec cette pièce : la prise de Mélos en 416, dont les conséquences funestes ne peuvent que rappeler le thème des Troyennes. Le glissement du tragique théâtral à la sordide réalité de la guerre ne fait aucun doute et permet de délivrer un message d'avertissement aux Grecs concernant les dérives des règles traditionnelles de la guerre, telle que la protection des non-combattants, des dérives qui apparaissent à partir de la guerre du Péloponnèse.