Un Maqām (arabe : مقام) est un sanctuaire construit sur le site associé à une figure religieuse ou à un saint, typique des régions de Palestine et de Syrie. Il s'agit habituellement d'une construction funéraire, généralement de forme cubique, et la plupart du temps surmontée d'un dôme.
Si les maqâms sont associés à la tradition musulmane, beaucoup d'entre eux sont profondément enracinés dans d'anciennes traditions sémitiques, juives, samaritaines et chrétiennes[1],[2]. Au XIXe siècle, Claude Reignier Conder décrivait les maqâms comme un élément essentiel de la religion populaire en Palestine, les habitants attachant « plus d'importance à la faveur et à la protection du Mukam du village qu'à Allah lui-même ou à Mahomet son prophète »[3].
Les maqâms de Palestine sont considérés comme très importants dans le domaine de l'archéologie biblique, car leurs noms ont été utilisés aux XVIIIe et XIXe siècles pour identifier une grande partie de la géographie biblique[4].
De l'arabe, littéralement « un lieu » ou « emplacement »[5]. Le terme est utilisé pour désigner un « sanctuaire », tel qu'un cénotaphe, un sanctuaire funéraire commémoratif ou une tombe réelle[5]. Sa signification se limite aux structures bâties dans lesquelles il est possible d'entrer[5], le sens littéral de maqâm est « l’endroit où l’on se tient »[5]. Ce nom, pour un tombeau sacré, est principalement utilisé en Syrie et en Palestine.
La forme Mukam apparaît dans les essais des voyageurs européens du XIXe siècle, ainsi que les mots Waly, Wely (arabe : ويلي – tombeau d'un saint), Mazar (mausolée), Mashhad.
Au Maghreb, des tombes similaires sont connues sous le nom de Marabout ; dans les pays musulmans turcophones sous le nom de türbe ou dürbe, ou parfois Aziz, et dans les pays de langue iranienne : Dargah.
Les Maqâms étaient dédiés aux figures bibliques et coraniques, réelles ou mythiques, masculines et féminines, des temps anciens jusqu'à l'époque de la conquête arabe ou même de la fin de la domination ottomane[6].
Ali Qleibo, anthropologue palestinien, considère que ces lieux font la trace constituant « un témoignage architectural de la sensibilité religieuse palestinienne chrétienne/musulmane et de son enracinement dans les anciennes religions sémitiques »[2]. En 1877, l’explorateur britannique Claude Reignier Conder écrivait que :
« C'est dans le culte de ces sanctuaires que consiste la religion de la paysannerie. Officiellement musulmans, ils passent souvent leur vie sans entrer dans une mosquée, et attachent plus d'importance à la faveur et à la protection du Мukam du village qu'à Allah lui-même, ou à Mahomet son prophète[7]. »
Cependant, une étude menée sur la fréquentation du sanctuaire du Cheikh Shihab-Al-Din - qui a attiré des musulmans ruraux du village de Saffa - a démontré que les visites consistaient généralement en prières rituelles, enterrements, lecture du Coran, commémoration du Cheikh ou formulation de vœux[8].
Chaque village de Palestine a un wali, un saint patron, auquel les habitants -principalement des paysans ruraux- faisaient appel pour obtenir de l'aide dans leur sanctuaire associé[9]. Alors que wali peut désigner à la fois le saint et le sanctuaire, un sanctuaire pour un saint commun est plus précisément connu sous le nom de maqam[10].
Le type de maqâm le plus populaire est un bâtiment carré, à chambre unique, surmonté d'un dôme au milieu duquel se trouve un cénotaphe en pierre[11], bien que les corps des personnages vénérés eux-mêmes aient été enterrés sous le niveau du sol.
Dans le mur sud du maqam, se trouve généralement un petit mihrab faisant face à La Mecque, décoré d'inscriptions et d'ornements floraux. L'entrée de la chambre se situe principalement au niveau du mur nord. Dans les autres murs voûtés, il y a généralement de petites fenêtres.
Des candélabres et des lampes sont suspendus dans un maqam en activité, un cénotaphe est recouvert d'une couverture (généralement verte), des tapis de prière sont étalés sur le sol devant le mihrab.
Il existe également des maqâms plus grands, composés de deux, trois ou quatre chambres[12]: salle de prière, hall d'entrée, ou salle de repos des pèlerins.
Les grands maqâms ont deux ou trois dômes semblables. Autrefois, le dôme était décoré d'une flèche métallique avec un croissant, mais de nos jours, une telle décoration est rare.
Les maqâms ne sont pas toujours censés se dresser sur les tombeaux des saints auxquels ils sont dédiés. On y trouve en effet presque toujours un cénotaphe, mais ils sont souvent considérés comme de simples « lieux de prière ».
La plupart du temps, le dôme est situé à côté d'un caroubier, d'un chêne ancien, d'une source ou d'une citerne d'eau creusée dans la roche[2],[13].
Un arbre sacré était planté près des maqâms, principalement un palmier, un chêne ou un sycomore. Il y a aussi un puits ou une source. L'emplacement des maqâms sur, ou à proximité de ces éléments naturels, est considéré comme révélateur de pratiques de culte anciennes adaptées par la population locale et associées à des personnalités religieuses[14].
En règle générale, les maqâms étaient construits au sommet de collines ou sur des carrefours et, outre leur fonction principale – sanctuaire et lieu de prière) ils servaient également de poste de garde et de point de repère pour les voyageurs et les caravanes.
Au fil des années, de nouvelles sépulture sont apparues à proximité des maqâms ; il était considéré comme un honneur d'être enterré à côté d'un saint. De grands cimetières se formèrent autour de nombreux sanctuaires musulmans.
Selon Claude Reignier Conder, de nombreux maqâms sont issus de traditions juives et chrétiennes, antérieurs à l'avènement de l'islam dans la région[15]. Il a identifié sept types de maqâms[15]:
Au VIIe siècle, les Arabes Rashiduns conquièrent le Levant ; d'autres dynasties musulmanes arabophones leur succédèrent, notamment les Omeyyades, les Abbassides et les Fatimides[16].
L’Islam primitif désapprouvait le culte des saints ou de leurs lieux de sépulture, considérant cela comme une forme d’idolâtrie.
Cependant, les chiites ont construit de somptueuses tombes pour leurs dirigeants décédés – imams et cheikhs – et ont transformé ces tombes en objets religieux. Très vite, les sunnites suivirent leur exemple.
Les voyageurs et géographes arabes Ali al-Harawi (en) et Yaqut al-Hamawi, et d'autres, ont décrit dans leurs essais de nombreux sanctuaires chrétiens et musulmans en Syrie, en Palestine et en Égypte.
À l'époque de la dynastie mamelouke, des tombes monumentales ont été construites pour les saints hommes musulmans, les scientifiques et les théologiens ; certaines de ces tombes sont parvenues jusqu'à nos jours. La majeure partie d’entre elles se trouvent en Égypte, et d'autres se trouvent également en Syrie et en Palestine. Il s'agit notamment du célèbre tombeau de Rachel à Bethléem (bien que le lieu de sépulture de la matriarche Rachel ait été vénéré bien avant), du splendide mausolée d'Abou Hurairah à Yavné[17] et du maqam du cheikh Abu 'Atabi à Al-Manshiyya, à Acre.
À l’époque de l’Empire ottoman, des maqâms étaient construits partout, tout comme d’anciens sanctuaires étaient en cours de restauration. Les nouveaux bâtiments n’étaient plus aussi monumentaux et pompeux qu’auparavant et semblaient sans prétention. À l'époque turque, les maqâms avaient une construction simple et presque aucun décor architectural.
Les mosquées étaient rares dans les villages palestiniens jusqu'à la fin du XIXe siècle, mais pratiquement chaque village possédait au moins un maqâm qui servait de lieu de culte dans l'islam populaire palestinien, se répandant dans les campagnes au fil des siècles[9],[13]. Les chrétiens et les juifs considéraient également certains maqâms comme saints, comme celui de Nabi Samwil[10].
À l'époque de la domination ottomane sur la Palestine, la plupart de ces sites étaient visités conjointement par des membres des trois confessions qui voyageaient souvent ensemble avec des provisions pour un voyage de plusieurs jours ; pendant la période du mandat palestinien, la politisation a conduit à la ségrégation[6].
Certains maqâms, comme Nabi Rubin et Nabi Musa, entre autres, faisaient également l'objet de festivals saisonniers (mawsims) auxquels des milliers de personnes assistaient chaque année.
« Il existe cependant dans presque chaque village un petit bâtiment blanchi à la chaux et doté d'un dôme bas – le « mukam », ou « lieu », sacré aux yeux des paysans. Dans presque tous les paysages, un tel point de repère brille du sommet d'une colline, tout comme, sans aucun doute, quelque chose du même genre faisait dans les anciens âges cananéens[18]. »
La période de Palestine mandataire est devenue la dernière période de prospérité des maqâms. Les sanctuaires musulmans délabrés ont été restaurés et certains nouveaux ont été construits. Les Britanniques ont construit et donné aux Bédouins le Maqâm du cheikh Nuran, qui a été endommagé pendant la campagne du Sinaï et de Palestine. Ce maqam était à l'épicentre de la bataille pendant la guerre israélo-arabe de 1948. Après l'avoir capturé, les soldats israéliens en ont fait un poste de surveillance et de tir. Depuis lors, le maqam du cheikh Nuran est un mémorial des Forces de défense israéliennes.
Après la création de l’État d’Israël, de nombreux sanctuaires ont été transformés en sanctuaires religieux juifs. Il s'agissait du mausolée de cheikh Abou Hurairah, devenu tombeau de Rabban Gamaliel II à Yavné[19] ; le Maqam à sept dômes de l'Imam 'Ali à Yazur s'est transformé en synagogue à Azor ; le mazar de Sitt Sakina (Sukeyna) est devenu le tombeau de Rachel, épouse du rabbin Akiva à Tibériade ; le Maqam du cheikh al-Gharbawi – le tombeau de Mattathias ; le maqâm de Nabi Sheman, près du carrefour Eyal, a été identifié avec le tombeau de Siméon (fils de Jacob).
Dans les temps anciens, tous les maqâms dotés de dômes étaient peints en blanc[20]. Récemment, les Arabes palestiniens et israéliens ont pris l’habitude de colorer les dômes de leurs sanctuaires en vert (la couleur de l’Islam). La bataille pour l'un ou l'autre sanctuaire aboutissait à la guerre des couleurs, comme on l'appelait dans la presse[21]. Les juifs religieux peignent le dôme en bleu ou blanc et installent des symboles juifs, et les musulmans, à leur retour, retirent les symboles juifs et peignent le dôme en vert.
Il ne reste plus que 300 maqâms sur les 800 existant en Palestine en 1948, le reste ayant été démoli. La moitié d'entre eux se trouvent en territoire israélien proprement dit, le reste en Cisjordanie et dans la bande de Gaza ; la majeure partie de la Cisjordanie est sous contrôle israélien depuis 1967, et Gaza entre 1967 et 2005. Selon une autre source, le nombre de maqâms palestiniens restants est de 184, dont seulement 70 en Israël proprement dit[22].
« "In their religious observances and sanctuaries we find, as in their language, the true history of the country. On a basis of polytheistic faith which most probably dates back to pre-Israelite times, we find a growth of the most heterogeneous description: Christian tradition, Moslem history and foreign worship are mingled so as often to be entirely indistinguishable, and the so-called Moslem is found worshipping at shrines consecrated to Jewish, Samaritan, Christian, and often Pagan memories. It is in worship at these shrines that the religion of the peasantry consists. Moslem by profession, they often spend their lives without entering a mosque, and attach more importance to the favour and protection of the village Mukam than to Allah, or to prophet Mohammed... The reverence shown for these sacred spots is unbounded. Every fallen stone from the building, every withered branch of the tree, is carefully preserved." »