Initié par sa mère au cante jondo andalou, il écoute aussi, enfant, les improvisations des musiciens berbères au Maroc : ces premiers contacts avec la musique l'influenceront durablement. Après avoir reçu un début de formation musicale à Barcelone (1927-1931), il monte à Paris, où, tout en étudiant l'architecture, il travaille le piano avec Lazare-Lévy, le contrepoint et l'harmonie avec Daniel-Lesur. Après la guerre, à laquelle il participe sous l'uniforme britannique (Afrique, Égypte), il se retrouve en 1944 à Rome, où il devient l'élève et l'ami du compositeur Alfredo Casella et découvre la jeune école italienne. C'est alors qu'il compose ses premières œuvres (1944-1946).
De retour à Paris en 1946, il participe à la fondation du groupe « Zodiaque », qui se donne comme manifeste la défense de la liberté de langage contre toutes les « tyrannies artistiques », visant en particulier le dogmatisme de la musique sérielle. C'est dans cet esprit d'indépendance qu'est créée, en 1950, une de ses œuvres majeures, le Llanto por Ignacio Sánchez Mejías, influencé à la fois par Manuel de Falla et le cante jondoespagnol. Il poursuit l'élaboration de son langage personnel, marqué à la fois par un refus de tout intellectualisme et une fidélité à la tradition espagnole et aux rythmes africains, qui s'exprime notamment dans les Cantigas (1953-1954), et les Études chorégraphiques pour percussion (1955). Poursuivant son exploration de l'univers sonore, il mène des recherches sur les micro-intervalles (quarts de tons, tiers de tons), qu'il utilise notamment dans le Tombeau de Debussy (1962).
Le tempérament en tiers de ton (utilisé dans le Tombeau de Debussy notamment) est le micro-tempérament qu'il privilégiera tout particulièrement. Car il répond pour lui à une recherche de sonorités d'un tempérament perdu renvoyant à l'imaginaire de l'antiquité. En effet, le tempérament en tiers de tons, étant dépourvu de demi-tons, se démarque par la singularité de ses sonorités par rapport à celui en quart de tons. Par ailleurs les cithares en tiers de tons se caractérisent par un son plus cristallin au regard de celui en quart de ton. En outre, le tempérament en tiers de tons préserve la structure de la gamme par ton fétiche de Debussy, qui est l'un des compositeurs les plus marquants dans les influences d'Ohana. Ce qui a sans doute renforcé l'affection d'Ohana pour ce tempérament aux dépens de celui en quart de ton[2],[3].
Cris, pour chœur a cappella (1968), marqué par l'expérience de la musique électroacoustique, constitue une nouvelle étape de son activité créatrice, bientôt suivie d'œuvres majeures comme les Vingt-quatre Préludes pour piano — hommage à Chopin — créés par le pianiste Jean-Claude Pennetier en 1973, L'Anneau du Tamarit pour violoncelle et orchestre, inspiré par le poète Federico García Lorca (1976), les Lys de madrigaux pour voix de femmes et ensemble instrumental, ou la Messe (créée au festival d'Avignon en 1977), qui cherche à renouer avec la liturgie des premiers temps chrétiens.
La musique de Maurice Ohana, qui puise ses sources dans la tradition ibérique et nord-africaine tout en ayant recours à des modes d'expressions résolument contemporains (micro-intervalles, électroacoustique), est celle d'un indépendant et l'une des plus originales de notre temps.
Maurice Ohana est parmi les compositeurs contemporains ayant écrit des œuvres pour clavecin.
Cantigas, 1953-1954 : I. Cantiga de los Reyes Magos (Cantiga des Rois Mages) ; II. Cantiga del Destierro (Cantiga de l'Exil) ; III. Cantiga de Vela (Cantiga de Veille) ; IV. Cantiga del Azahar (Cantiga de la Fleur d'Oranger) ; V. Cantiga de la Noche Santa (Cantiga de la Nuit Sainte) ; VI. Cantiga del Nacimiento (Cantiga de la Nativité). Dédicace : à José Bergamín (I), Sergio de Castro (II), Rafael Alberti (III), Isabel et Fernando Pereda (V), Octavio Paz (VI).
↑Halbreich Harry, notice de l'enregistrement de l'œuvre par l'orchestre philharmonique du Luxembourg sous la direction d'Arturo Tamayo, éditions Timapani.
↑Halbreich Harry, notice de l'enregistrement de l'œuvre par Élisabeth Chojnacka, l'orchestre philharmonique du Luxembourg sous la direction d'Arturo Tamayo, éditions Timpani.
↑Halbreich Harry, notice de l'enregistrement de l'œuvre par l'orchestre philharmonique du Luxembourg sous la direction d'Arturo Tamayo, éditions Timpani.
Marie-Lorraine Martin, La Célestine de Maurice Ohana : d'un mythe fondateur de la culture espagnole à un opéra-monde, Paris, l'Harmattan, 1999.
Christophe Casagrande (préface par Jésus Aguila, postface par Guy Reibel), Maurice Ohana ou la musique de l'énergie, Château-Gontier, France, Éditions Ædam Musicæ, 2013, 210 p. (ISBN978-2-919046-14-0)
Sacchi, Stéphane. Des racines à la matière : l'univers sonore des œuvres pour guitare de Maurice OHANA, Sciences de L'Homme et Société/ Musique, musicologie et arts de la scène, 2019. Lire en ligne