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Maurice Ettinghausen |
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Maurice Sachs |
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Maurice Sachs, né Maurice Ettinghausen le à Paris et tué le à Wittorferfeld, est un écrivain français.
Maurice Sachs naît à Paris le dans une famille d'origine juive, irréligieuse, anticléricale et républicaine. Son père, Herbert Ettinghausen, dont la famille est originaire d'Höchst en Allemagne, abandonne le domicile conjugal et divorce en 1912. Sa mère, Andrée, est la fille de Georges Sachs, courtier en bijoux et familier de Jean Jaurès. Elle épouse, après son divorce, le chroniqueur mondain Michel Georges-Michel.
Maurice connaît une enfance malheureuse, de pensionnat en pensionnat. En , Andrée s'enfuit à Londres, poursuivie pour escroquerie. À 17 ans, sans ressources, Maurice doit se débrouiller seul. Il est recueilli par les Delle Donne et rencontre Jean Cocteau, dont il devient le secrétaire. Il se laisse convertir au catholicisme par Jacques Maritain et sa femme Raïssa le , et va même jusqu'à entrer au séminaire[1].
Un scandale dû à son homosexualité affichée l’en fait chasser. Recueilli par Max Jacob, qui l’encourage à écrire, Sachs tente de faire fortune par diverses escroqueries et indélicatesses jusqu’à se brouiller avec tous ses proches.
En , il s'enfuit aux États-Unis, où il signe avec NBC un contrat pour une émission de radio qui connaît un grand succès. Ambitionnant une carrière politique, il se convertit au protestantisme pour épouser Gwladys Matthews, la fille du modérateur de l’Église presbytérienne. Trois ans plus tard, ses rêves enfuis, il rentre en France, accompagné d’un jeune Américain rencontré à Hollywood.
André Gide le recommande à Jean Paulhan, qui lui confie en 1933 la direction d'une collection de romans d'aventure, « Les Chefs-d'œuvre du roman d'aventures », publiée par Gallimard. En 1935, Sachs publie son premier roman, Alias. Au théâtre, il collabore avec Pierre Fresnay. On lui doit aussi, en 1936, une plaquette à la gloire du Parti communiste, Maurice Thorez et la victoire communiste. En 1937, ruiné et épuisé, il se fait interner pour échapper à ses créanciers. En 1939, il achève un livre-confession Le Sabbat, dont la publication est empêchée par la déclaration de guerre.
En 1940, Maurice Sachs anime sur Paris Mondial une émission de propagande, destinée à convaincre les États-Unis d'entrer en guerre contre l'Allemagne ; les nazis l'inscrivent alors sur la liste des propagandistes antifascistes à arrêter. Lors de la débâcle, il se réfugie à Bordeaux avant de rentrer à Paris le . Là, il se livre au marché noir jusqu'en , où, compromis et ruiné dans divers trafics, il se cache à Anceins dans l'Orne, en compagnie de Violette Leduc, qu'il fait passer pour sa femme.
En novembre, à bout de ressources, il s'engage au STO et part pour Hambourg. Il y achève ses mémoires, qui deviendront La Chasse à courre. En , il y offre, sous un nom d'emprunt, ses services à la Gestapo comme espion et agent provocateur. Il mène alors une vie d'aventurier, fréquentant les milieux homosexuels de Hambourg, les Français de la LVF, vivant de combines et d'escroqueries, et dénonçant les trafiquants du marché noir à ses nouveaux maîtres, ainsi que les résistants de la Rose blanche de Hambourg. Il vit avec deux jeunes collaborateurs français, Philippe Monceau et Paul Martel. Le , après avoir refusé de dénoncer un père jésuite engagé dans la Résistance, il est arrêté par la Gestapo, fatiguée de ses vols[Lesquels ?], de ses imprudences et de ses faux rapports. Il est incarcéré avec les membres de son groupe au camp de concentration de Fuhlsbüttel, où il continue à espionner et trahir les membres de la Rose blanche incarcérés avec lui.
Le comportement de Maurice Sachs pendant la guerre apparaît assez inconstant. Oscillant à plusieurs moments entre actes de résistance et de collaboration, il ne semble pas agir autrement que par intérêt personnel, qui a certainement dû se confondre en stratégie de survie[2].
Mis au secret, dans une cellule de trois mètres sur trois, Maurice Sachs se consacre à l'écriture et rêve d'une gloire tardive. Il semble avoir eu une forte créativité pendant cette période de captivité, jetant les bases du Tableau des mœurs de ce temps et d'autres textes réunis dans le recueil Derrière cinq barreaux.
En , devant l'avancée des troupes alliées, les prisonniers du camp sont évacués vers Kiel pour y être libérés. Au matin du 14 avril, comme il est à bout de forces après trois jours de marche et incapable de se relever, un SS le tue d'une balle dans la nuque. Il est enterré dans le cimetière de Neumünster, sous un tertre de terre qui porte le numéro GC 54[3].
Aventurier amoral, archétype du demi-mondain, Maurice Sachs a été l’observateur privilégié de la vie intellectuelle des années 1920 et de celle du Paris de l’Occupation et du marché noir. Le meilleur de son œuvre est une chronique pointue du milieu qu’il fréquentait. La Décade de l’illusion (1933) est déjà une description - dans un texte de circonstance, plein de clichés - du milieu parisien. Mais les textes posthumes sont plus pointus, parfois virulents (ainsi les passages sur Cocteau délibérément scandaleux dans Le Sabbat), souvent plein d'ironie sur soi-même dans leurs moments autobiographiques (par exemple la suite de mauvaises affaires ou d'amours déçues décrites par le menu dans La Chasse à courre), mais sans sombrer dans l'auto-apitoiement ou l'humeur dépressive. Dans les derniers textes, écrits en prison, inachevés, Sachs se prend d'une ambition balzacienne, essayant de décrire, par des portraits acérés, toute la société contemporaine. Il meurt avec, semble-t-il, une œuvre en devenir. Cependant, la liste de ses textes (romans, chroniques, etc.) publiés à titre posthume est si longue qu'on peut se demander si certains d'entre eux ne sont pas apocryphes.
Patrick Modiano a été influencé par le personnage et l'ambiance générale entourant Maurice Sachs[4].
Le Sabbat est publié en 1946, Chronique joyeuse et scandaleuse en 1948, La Chasse à courre en 1949. Ces livres assurent la réputation d'écrivain de Maurice Sachs.
Sachs évoque à plusieurs reprises, notamment au cours du Sabbat et de la Chasse à courre ses lectures et les livres qui ont compté pour lui. Il évoque ainsi les Mémoires d'Alexandre Dumas, Les Nourritures terrestres d'André Gide, Le Rouge et le Noir de Stendhal, les ouvrages de Musset, Les Mille et Une Nuits, la correspondance de Gustave Flaubert, l'œuvre de Benjamin Constant, le Journal des Goncourt (auquel il voue une réelle admiration, exposée dans « Lettres de l'Orne et de Hambourg » (La Chasse à courre) ou encore le théâtre classique de Jean Racine. Autodidacte certes, il possède néanmoins une vaste culture littéraire et ses volumes, tout du moins les deux opuscules autobiographiques cités ci-dessus, constituent peu à peu une véritable bibliothèque idéale qui retrace toute l'histoire de la littérature française du XVIIe siècle jusqu'au début du XXe siècle.
Régine Deforges indique avoir dans son roman La Bicyclette bleue, pour les interventions du personnage Raphaël Mahl, repris intégralement « l'œuvre et les propos de Maurice Sachs », en guise de jeu, regrettant que personne ne l'ait remarqué. Dans l'ouvrage, ce personnage que Régine Deforges décrit comme un « écrivain [et journaliste] homosexuel, [demi-juif], opportuniste, inquiétant », « se livre [finalement] à la plus abjecte collaboration ». Enfermé dans une prison française contrôlée par les nazis, le personnage y sera sauvagement massacré par des résistants (eux aussi prisonniers), qu'il considérera comme manipulés par un gardien collaborationniste. L'auteur se démarque ainsi de la réalité historique[5].