Meilleur ouvrier de France (MOF) est un titre décerné uniquement en France par catégorie de métiers dans un concours entre professionnels.
Ce concours (plutôt un examen, sans limite de lauréats) est organisé depuis 1924 tous les trois ou quatre ans[2] par le Comité d'organisation des Expositions du Travail et reconnu en tant que titre certifié de niveau 5 (bac+2) par le ministère du Travail. Le président de la République française est de la confrérie par son titre MOF ex officio.
Ce titre est créé sur l'initiative du journaliste et critique d'art Lucien Klotz qui élabore dès 1913 l'idée d'une grande « exposition Nationale du Travail », projet qui se concrétise en octobre 1924 lorsqu'un comité d'organisation, avec à sa présidence Albert Lebrun, met en place à l'hôtel de ville de Paris la première exposition pour honorer le maître ouvrier initialement entre les meilleurs Compagnons du moment de plus de 23 ans[6].
Ce concours donne le titre « Un des Meilleurs Ouvriers de France ». Par la diversité des spécialités régulièrement mises à jour, son ouverture aux métiers modernes et ceux de la haute technologie, le concours n'oblige plus d'être préalablement de la famille des Compagnons.
Dans cette épreuve spécifique de l'approche de la perfection, le candidat dispose d'un temps donné et de matériaux de base pour réaliser un chef-d'œuvre. La méthode choisie, l'organisation, le geste, la rapidité, le savoir-faire et le respect des règles du métier sont contrôlés par le jury autant que le résultat. Le candidat ainsi récompensé conserve son titre à vie avec l'indication de la spécialité suivie de l'année de sa promotion (l'année d'obtention).
Ce titre de prestige est autant reconnu par les professionnels que par le grand public ; dont les artisans-commerçants (pâtissiers, coiffeurs, bouchers, joailliers, etc.). Le titre de MOF est décerné en fonction de l'excellence du travail fourni et n'a donc aucun nombre garanti de lauréats chaque année; en 2004, 24 lauréats cuisiniers alors qu'en 2015, aucun lauréat chocolatier.
Le MOF existe dans le domaine des métiers du luxe comme dans la très haute qualité de l'industrie ou du service.
Ce concours demande des mois, voire des années de préparation; le programme des épreuves est présenté 2 ans avant l'examen. Les gestes techniques, l'innovation, le respect des traditions sont travaillés longuement pour atteindre le niveau d'excellence, d'efficacité, de vitesse exigée et de perfection pour réussir le sujet et être couronné par le jury qui attribue des notes tout au long de l'épreuve sur chacun des points
La première édition du concours date de 1924. Les personnes lauréates se réunissent en société des meilleurs ouvriers de France à partir de 1929[7],[8]. La création du concours s'inscrit dans une démarche de revalorisation du travail manuel dans un contexte d'industrialisation et de déqualification du travail suscitant la crainte d'une dévalorisation des métiers ouvriers. Il intervient dans le contexte de la création du Certificat d'Aptitude Professionnelle en 1911 qui se diffuse dans les années 1920. Le concours est soutenu par plusieurs ministères dont celui de l'instruction publique. Malgré la volonté d'organiser un cursus d'enseignement technique que le concours viendrait valoriser, le pourcentage de personnes lauréates ayant bénéficié de cet enseignement est inconnu pour les années 1920 et 1930. Le nombre de reçus à l'examen passe de 5 000 en 1927 à 20 000 en 1936. La diffusion de l'examen se faisant lentement, les organisateurs du concours issu des milieux politiques et patronaux sont à la recherche d'un effet mobilisateur. Les réalisations des lauréats sont présentées dans des expositions. Le principe du concours s'inscrit dans une logique méritocratique déjà présente en milieu scolaire dans les années 1920 et 1930[7].
Selon Stéphane Lembré, la vision promue par le concours promeut le maintien d'un ordre social et professionnel, la promotion d'une méritocratie ouvrière étant au service du patronat. Ainsi le concours valorise la vision d'un milieu ouvrier sérieux et travailleur, vu comme des experts techniques et non comme des artistes ou des génies cultivant un don inné [7].
Le Comité d'organisation des expositions du travail (COET) est un organe administratif, placé sous l'autorité du ministère de l'Éducation nationale français. Il a été créé en 1935 et est chargé d'organiser matériellement le concours du « Meilleur ouvrier de France » et les expositions nationales du travail qui le concluent. Il devient association loi de 1901 en 1961[9].
Un comité d'organisation des expositions du travail est nommé à l'occasion de la préparation de chaque concours MOF, tous les 4 ans.[réf. nécessaire]
L'organisation du concours s'appuie sur plus de 2500 bénévoles, plus de 1000 jurys professionnels, plus de 140 jurys généraux de supervision des épreuves. Près de 90 établissements accueillent les épreuves, il peut s'agir notamment de lycées, de centres de formation professionnelle, de musées[10].
Les origines et les critères d'accès au concours seraient méconnus en raison d'un faible nombre de sources universitaires. La majorité des études date de l'époque contemporaine. Une autre problématique tient aux sources utilisées qui sont souvent des entretiens ou des témoignages avec peu de distance critique. De même, le modèle du concours efface la question des origines sociales des participants. A ce jour, il n'existe pas d'études historiques s'étant emparé du sujet[7].
La reconnaissance du concours n'est pas les mêmes selon les métiers. Le titre de Meilleur Ouvrier de France est particulièrement reconnu pour les métiers de bouche et en particulier de la cuisine[10],[11],[8]. Etre titré permettait aux personnes lauréates d'atteindre une certaine notoriété via la médiatisation, la distinction inspirant la confiance et la sympathie des clients des commerces. Certaines entreprises du BTP mettent en avant le titre dans certains appels d'offres. En conséquence, les ouvriers concernés bénéficieraient d'une ascension sociale[8]. Toutefois, le lien entre l'obtention de la distinction et l'augmentation du chiffre d'affaires reste difficile à quantifier[11],[8].
Sur le concours de 2013-2015, les femmes ne représentaient que 23,5% des lauréats et 20,6% des candidats. Les femmes sont surreprésentées dans les domaines dit traditionnellement féminins comme les vêtements (84,1% des candidatures), les accessoires de mode et la beauté (72,9% des candidatures), le textile et le cuir (62,2% des candidatures). A l'inverse, elles sont sous-représentées dans le domaine de l'industrie avec seulement 7,2% de candidates dans les métiers des métaux et 2,1% de candidates dans les métiers techniques et de précision. En réponse à cette faible féminisation du concours, l'ouverture d'épreuves à des métiers plus féminins a été envisagée. Le titre de Meilleur Ouvrier de France a été ouvert pour les métiers du conseil en solutions sanitaires. Il en a résulté une promotion majoritairement féminine. Dans une intention similaire, le concours a été ouvert aux métiers d'études du bâtiment. De fait, le milieu des compagnons du devoir est peu féminisé. L'association ouvrière des Compagnons du Devoir et du Tour de France a ouvert ses formations aux femmes en 2003. L'Union compagnonnique du Tour de France n'était pas encore ouverte aux femmes en 2016[10].
Lors d'une rencontre organisée le 8 mars 2016 au Sénat, les meilleures ouvrières de France ont décrit un sentiment d'invisibilisation et un manque de reconnaissance, puisqu'il leur faudrait travailler encore plus durement que les hommes pour voir leur travail reconnu[10].
Selon le COET, la participation au concours est estimé à 4000 euros par candidat en moyenne[10]. Les participants doivent financer eux-mêmes l'achat des matières premières nécessaires à la fabrication de leur création. Certains d'entre eux sont sponsorisés par leur employeur ou par des partenaires. Une enquête du COET a montré qu'après le manque de temps (32% des raisons avancées) l'enjeu financier est la deuxième cause d'abandon du concours avec 27% des raisons avancées. En 2022, le COET a mis en place une aide pour les candidats d'un montant moyen de 1200 euros pour prendre en charge le coût des matières premières. Les autres frais liés au concours (déplacement, repas, hébergement etc) restent à la charge des participants[8].
↑Olivier Ihl, Le Mérite et la République : Essai sur la société des émules, Éditions Gallimard, , p. 470.
↑ abc et dStéphane Lembré, « L’invention du concours des « meilleurs ouvriers de France » (années 1920-1930) », Genèses, vol. 103, no 2, , p. 29–48 (ISSN1155-3219, DOI10.3917/gen.103.0029, lire en ligne, consulté le )
↑« Inventaire d'archives: Comite d'organisation des expositions du travail - Meilleur ouvrier de france (MOF) », FranceArchives, (lire en ligne, consulté le )