Nom de naissance | Michel de Swaen |
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Naissance |
Dunkerque Pays-Bas espagnols |
Décès |
(à 53 ans) Dunkerque Royaume de France |
Profession |
chirurgien et quincailler |
Autres activités |
poète et dramaturge |
Michel de Swaen (en néerlandais : Michiel de Swaen), né le à Dunkerque où il est mort le , est un poète et dramaturge de langue néerlandaise.
Les évènements historiques qui se déroulent aux Pays-Bas au XVIIe siècle ont un impact important sur la vie de Michel de Swaen, né en 1654 de Pieter de Swaen et de Catharina Sint Légier.
En 1654 et 1655 paraissent deux des plus grandes œuvres de l’âge d'or néerlandais, Lucifer de Joost van den Vondel et Alle de wercken de Jacob Cats. Le XVIIe siècle constitue l’un des tournants majeurs de l’histoire des Pays-Bas. La forte immigration de protestants fuyant les Pays-Bas espagnols (plus ou moins la Flandre actuelle), soumis au catholicisme et à l'intransigeance de Philippe II d'Espagne, sonne le déclin de l’ancienne métropole néerlandophone d’Anvers au profit de la Randstad Holland (Amsterdam-La Haye-Rotterdam-Utrecht).
En 1662, la ville néerlandophone de Dunkerque est annexée au royaume de France par Louis XIV. L'influence française met un certain temps à marquer définitivement la région et la majorité des habitants aurait continué à parler le flamand occidental jusqu’à la fin du XIXe siècle. Toutes les œuvres de Michiel de Swaen sont donc écrites en néerlandais. C’est d’ailleurs principalement pour cette raison qu’il est aujourd’hui encore répertorié dans de nombreuses encyclopédies néerlandaises comme dramaturge et écrivain sud-néerlandais. À juste titre, on le considère comme le cadeau d'adieu de la Flandre française à la littérature néerlandaise[1].
Michel de Swaen a visité les Provinces-Unies, plus précisément Rotterdam, où son fils s'était exilé. Il y a apprécié la liberté dans cette partie des Pays-Bas, tandis que la région dont il est originaire est souvent l'objet de guerres, ce qu'il exprime notamment dans son poème Aan de Heer van Heel (Au Maître des cieux)[2].
Version originale : | Traduction en français : |
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De : De zedighe doot van Carel den Vijfden; aen den heer Van Heel, my onbekent, over syne clacht, op myn vertrek, uyt Hollant, Michel de Swaen
Chirurgien et quincailler de profession, Michel de Swaen est aussi membre de la magistrature et de la chambre des rhétoriciens de Dunkerque (Rederijkerskamer)[5], c'est-à-dire la corporation de Carsouwe (du flamand kersouw, « marguerite »).
Le mot rederijker (rhétoricien) désigne toute personne douée pour l'art de la parole. Les rederijkers sont les membres des chambres de rhétorique néerlandaises et sont comparables aux Meistersinger allemands (« Maître chanteur »)[6].
Le mouvement des rederijkers naît aux XVe et XVIe siècles. La plupart des rederijkers du XVIIe siècle sont surtout originaires de Flandre et du Brabant et sont en partie influencés par d’autres mouvements comme l’humanisme et la Contre-Réforme. Les chambres de rhétorique formaient en général la seule et dernière institution culturelle néerlandophone des Pays-Bas méridionaux, après que le français eut remplacé la langue maternelle dans l'espace public[7].
En 1687, De Swaen se voit attribuer le titre de prince de la rhétorique de Dunkerque. Accompagné des membres de la chambre des rhétoriciens de Dunkerque, De Swaen est, en 1688, l’hôte de la chambre des rhétoriciens de Furnes (en Flandre-Occidentale, Belgique) Kruys-Broeders. De plus, Michel de Swaen entretient de nombreuses amitiés en Flandre espagnole avec des rhétoriciens de Dixmude, Ypres et les environs.
En 1700, de Swaen participe aussi à la compétition des drie Santinnen à Bruges[8].
Poème avec lequel Michel de Swaen a failli remporter le concours des drie Santinnen à Bruges, le [8].
Bien que maintes fois sollicité par ses amis rhétoriciens, Michel de Swaen refuse que la plupart de ses œuvres soient imprimées. Seule sa traduction d’Andronic de Campistron sera imprimée avec son consentement en 1700. Pourtant sa traduction du Cid de Corneille a été imprimée sans son autorisation à Dunkerque en 1694. La plupart de ses œuvres ont été imprimées après sa mort à Bruges ou à Gand. Plus tard, nombre d'entre elles seront conservées à l'abbaye de Saint-Winoc à Bergues jusqu'au moment où cette dernière est détruite lors de la Révolution. On déplore que seule une infime partie des œuvres ait été sauvée des flammes.
Michel de Swaen s’intéresse à l'histoire européenne et écrit le drame historique De zedighe doot van Carel den Vijfden. Ses textes consacrés à Charles Quint montrent son sentiment d'appartenance aux Pays-Bas ainsi que ses convictions religieuses, Charles Quint y étant représenté tel un héros chrétien. Son œuvre majeure De gecroonde leerse qu'il définit lui-même comme étant un clucht-spel (« farce », « comédie satirique ») est basée sur une anecdote concernant Charles Quint. De gecroondse leerse fut un grand succès et est parfois encore représenté de nos jours.
Si Michel de Swaen est tout d'abord considéré en tant que rederijker, il aura été très influencé par les humanistes Joost van den Vondel et Jacob Cats. Son œuvre Catharina a largement été influencée par Maegdhen de Joost van den Vondel. Guido Gezelle appellera Michel de Swaen d’ailleurs le Vondel de Dunkerque.
Bien longtemps avant la création de la Taalunie, institution prônant une union linguistique du néerlandais pour les Pays-Bas, la Belgique et le Suriname, Michel de Swaen s'efforce d'écrire un néerlandais compréhensible de tous et il tente d'éviter l'usage du flamand local.
Malgré son fort attachement à la langue et la culture néerlandaises, Michiel de Swaen s'intéresse aussi à des textes classiques français et latins. Ainsi il traduit, en néerlandais, Le Cid de Pierre Corneille (traduction qu'il remet aux mains de Barentin, intendant de Louis XIV) et Andronicus de Campistron. De plus, certaines de ses œuvres rédigées en néerlandais sont légèrement influencées par le classicisme, comme De gecroonde leerse, découpé en cinq parties et rédigé en alexandrins[10].
Frustré de n’avoir remporté que le deuxième prix de la compétition des drie Santinnen en 1700, Michel de Swaen nie les exigences de ce concours en essayant d'élaborer, dans son œuvre Neder-duitsche digtkonde of rym-konst, la théorie d'une nouvelle poétique néerlandaise sur le modèle de celle d’Aristote.
De Swaen traduit trois œuvres majeures :
Ce commentaire est appliqué à la langue flamande[11].
Poème narratif, d'inspiration biblique, sur la vie et la mort de Jésus-Christ et auquel il consacra vingt année de sa vie. Très étendu, il est considéré par certains comme son œuvre capitale. Ce n'est qu'en 1867 que ce poème fut publié à titre posthume. En effet, l’œuvre fut donnée à son fils en 1724, puis à un échevin de Dunkerke, duquel le fils hérita du poème et le céda en 1766 à une parente, supérieure des Clarisses de Bruges, ville dans laquelle il sera publié un siècle plus tard en 1867[12].
Cette comédie prouve chez son auteur un talent comique d'importance[13]. Elle fut représentée à Dunkerke pour le Carnaval de 1688[14].
Un jour, Jacquelijn, épouse du cordonnier Teunis, se rend au marché où elle achète un chapon pour la fête devant avoir lieu le soir même chez sa famille. L'empereur Charles Quint, en retrait, observe toute la scène. Attiré par l'appétissant chapon, il donne l'ordre à son domestique de suivre Jacquelijn, qui lui indique par la suite où elle habite. Charles Quint décide alors de s'y rendre seul. Dans le but de se faire inviter, l'empereur offre le vin pour tous. Un jour plus tard, le cordonnier Teunis reçoit une convocation de l'empereur. Terrorisé, le pauvre Teunis se rend à sa cour et reconnaît le généreux invité de la veille. Charles Quint le nomme alors cordonnier officiel de la cour impériale.
De gecroonde leerse[15] (La Botte couronnée) est la seule farce de De Swaen et l'une des œuvres principales de la littérature néerlandaise, interprétée avec succès en Flandre, aux Pays-Bas ainsi qu'en Afrique du Sud.
La particularité de cette pièce est qu'elle est, en grande partie, écrite en flamand occidental.
Représentations de De gecroonde leerse :
Elle est la seule de ses quatre œuvres dramatiques qui fut publiée[17].
Elle a pour sujet le martyre de sainte Catherine (Catherine d'Alexandrie) sous l'empereur romain Maximin II Daïa[19].
La pièce évoque l'empereur byzantin Maurice Tibérius (Maurice) régnant de 582 à 602, déposé et exécuté avec toute sa descendance par l'usurpateur Phocas[21].
Catharina est une tragédie chrétienne mettant en scène sainte Catherine d'Alexandrie et ayant pour thème principal le conflit entre paganisme et christianisme. La martyre Catherine d'Alexandrie sera exécutée par ordre de l'empereur romain Maxence. Cette œuvre de De Swaen occupe une place intéressante dans la littérature néerlandaise, le genre à laquelle elle appartient étant pratiquement absent dans le nord des Pays-Bas, dominé par le protestantisme[23].
Guido Gezelle compare Michel de Swaen à Joost van den Vondel en l'appelant le Vondel dunkerquois. Il est, avec Edmond de Coussemaker et Maria Petyt, l'un des plus grands représentants des culture et langue néerlandaises en Flandre française.
Selon certains, ses talents sont demeurés insuffisamment reconnus parce que Michel de Swaen écrivait en néerlandais, et non en français, ou anglais ou allemand[24].
Le Cercle Michel de Swaen porte son nom.
À l'été 2007, le nom de Michel de Swaen est cité dans les médias français et belges. À la suite d'une décision du conseil d'administration du collège Michel de Swaen à Dunkerque, décision acceptée par le conseil municipal de la ville en juillet 2007, le collège est rebaptisé du nom de la résistante Lucie Aubrac, morte quelques mois plus tôt. Wido Triquet, un nationaliste flamand de la ville proteste vivement contre la disparition du nom de ce personnage flamand et profère des menaces[25], contre le principal du collège. À la suite du dépôt de plainte de ce dernier pour « menaces, outrages et diffamation[26],[27],[28] », le nationaliste flamand sera condamné à six mois de prison avec sursis.