Domaine | Bacteria |
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Règne | Eubacteria |
Division | Cyanobacteria |
Classe | Cyanophyceae |
Ordre | Chroococcales |
Famille | Microcystaceae |
Microcystis est un genre de cyanobactéries d'eau douce (anciennement appelées algues bleues - vertes), de l'ordre des Chroococcales.
Ce genre de cyanobactéries est capable de produire deux grands types de toxines (neurotoxines et hépatotoxines[3],[4] peptidiques telles que la microcystine et la cyanopeptoline[5],[6]). L'espèce la plus connue est sans doute Microcystis aeruginosa[7].
D'autres toxines[8] sont produites par certaines espèces (ex : l'heptapeptide Cyanoginosine-LA[9]) produite par M. aeruginosa. Certaines espèces et certaines souches sont beaucoup plus "toxiques" que les autres[10].
Les efflorescences (blooms) de Microcystis semblent croître en termes de fréquence et d'intensité à l'image de la tendance observée pour les efflorescences de cyanobactéries[11]. Ce phénomène pourrait être expliqué par deux facteurs : le changement climatique et la mise en place de programmes de surveillance et de veille sanitaire à travers le monde. La toxine produite par ces bactéries (la microcystine) était dans les années 2010-2012 présente en quantité significative dans tous les lacs du Canada[12].
Ce genre bactérien fait l'objet d'un suivi particulier car :
Le mot Microcystis derive du grec ancien[14] : mikros ("petit") et kystis ("vessie")
Les cellules sont petites (quelques micromètres de diamètres ; il faut 50 cellules les unes contre les autres pour obtenir l'équivalent de l'épaisseur d'un cheveux), dépourvues de vraies parois individuelles et possèdent des vésicules remplies de gaz qui leur permettent de remonter en surface.
Ces cellules sont le plus souvent agrégées en colonies macroscopiques (c'est-à-dire visibles à l'œil nu). Si l'eau n'est pas agitée, ces colonies forment d'abord des amas sphériques puis vont perdre leur cohérence pour se perforer, prendre des formes plus irrégulières et se déliter au fil du temps, ce qui est un moyen de produire des propagules de nouvelles colonies pouvant être emportées par le courant, le vent ou se faire transporter par des oiseaux d'eau (ou des eaux de ballast de péniches, etc.).
La cohérence de ces colonies est permise par un épais mucilage collectivement sécrété par la colonie de cyanobactéries au fur et à mesure de sa croissance. Ce mucilage est constitué d'un complexe de polysaccharides (xylose, mannose, glucose, fucose, galactose, rhamnose entre autres[15]).
Les protoplastes observés au microscope ont une couleur bleu-vert clair, mais apparaissent aux observateurs brun à verdâtre foncé en raison d'un effet d'optique induit par leur accumulation et également dû aux vésicules remplies de gaz ; c'est l'un des critères de détermination.
Les espèces du genre Microcystis sont responsables d'importantes efflorescences à travers le monde. Ces derniers apparaissent rapidement grâce à une croissance très rapide des colonies et grâce à une flottabilité permise par leurs vésicules remplies de gaz.
Leur capacité d'exploiter à la fois des nutriments d'origine minérale et organique notamment dans des eaux eutrophes à dystrophes (selon ce qui est le plus disponible dans leur environnement) semble être l'une des clés de leur domination dans un nombre croissant de milieux naturels ou artificiels (lacs-réservoirs, bassins urbains, etc.)[13]. Une autre clé est leur capacité à réguler leur flottabilité ; elle leur permet de se positionner optimalement dans la zone photique et stable de la colonne d'eau où elles profiteront au mieux à la fois de la lumière et des nutriments. En colonisant la surface de l'eau, ces blooms concurrencent (pour les nutriments et surtout pour la lumière et l'oxygène la nuit) beaucoup d'autres espèces (planctoniques mais aussi végétales). Ces bactéries sont très résistantes aux UV solaires et empêchent ces derniers de pénétrer la masse d'eau, au profit d'autres pullulations microbiennes (les UV solaires ont des vertus désinfectantes).
Microcystis est capable d'exploiter le dioxyde de carbone de l'eau et de l'air, mais aussi d'exploiter le phosphore (phosphates) et l'azote (nitrates) dissous dans l'eau. Les grandes colonies et blooms de Microcystis sont soupçonnés de pouvoir influencer fortement sur les taux d'azote et de phosphore disponibles et de modifier le rapport C/N ou N/P[16].
On sait depuis plusieurs décennies que les engrais peuvent déclencher ou favoriser ou exacerber des blooms de cyanobactéries toxiques (en eau douce et en mer, et dans le monde entier), mais une étude récente, multi-institution publiée dans la revue Ecosphere montre que dans les masses d'eau relativement fermées (lacs, typiquement) ces cyanobactéries une fois massivement présentes peuvent ensuite elles-mêmes modifier le cycle biogéochimique naturel et en quelque sorte "autoentretenir" des conditions les favorisant, en exploitant à leur profit des réserves d'azote et de phosphore inaccessibles aux autres formes de plancton et à de nombreuses autres espèces, grâce à des boucles de rétroaction positive qui amplifient les effets des polluants et ceux du dérèglement climatique, en rendant les conditions subaquatiques toujours plus favorables aux pullulations planctoniques. En particulier les cyanobactéries sont souvent capables de fixer l'azote gazeux (comme certaines bactéries terrestres symbiotes de plantes). Certaines espèces sont capables de (re)mobiliser du phosphore que l'on avait jusqu'alors considéré comme piégé dans les sédiments et les eaux froides du bas de la colonne d'eau. Après la mort des bactéries ou d'autres organismes qu'elles tuent par leurs toxines ou en les privant de lumière ou de nutriments, une grande quantité d'azote et de phosphore est à nouveau libérée dans l'eau, ce qui permet une nouvelle pullulation phytoplanctonique et microbienne, et ainsi de suite[17]. En outre les moules zébrées semblent encore améliorer ces processus (voir plus bas).
À l'Université de Sherbrooke (Canada), les réactions écophysiologiques de Microcystis aeruginosa face à l'éclairage nocturne artificiel ont été étudiées en laboratoire (en turbidostat, en absence et en présence d'éclairage nocturne, aux intensités lumineuses équivalentes à celle qu'on observe en ville en bordure de lac ou cours d'eau)[18]. Résultats : certaines fonctions physiologiques sont affectées par la pollution lumineuse (ex : rendement quantique de photosynthèse, quantité de chlorophylle a et de protéines photosynthétiques par cellule) ; alors que d'autres ne l'ont pas été (c'est le cas de la production de certaines protéines photosynthétiques, l'efficacité photosynthétique et la biosynthèse de microcystine intracellulaire[18].
Depuis les années 1980 au fur et à mesure de l'avancée géographique de la moule zébrée (espèce de moule d'eau douce très invasive en Europe et aux États-Unis), les scientifiques notent dans les plans d'eau une coïncidence troublante entre l'arrivée de cette moule et des pullulations de plus en plus importantes et fréquentes de Microcystis.
On a récemment démontré que cette moule, à la différence des grandes moules d'eau douce supporte très bien les toxines libérées dans le milieu par Micocystis[19]. Selon Vanderploeg & al (2001), sa capacité à sélectivement filtrer l'eau favorise les blooms de Microcystis[20].
Le génome d'une cyanobactérie (Microcystis aeruginosa) appartenant à ce genre et utilisée comme organisme modèle fait l'objet de diverses études, notamment pour mieux comprendre la capacité de cet organisme à exploiter l'Azote et le Phosphore en solution dans l'eau et les conditions qui lui font produire des toxines[21]. Le génome de cet organisme a été pour la première fois séquencé et publié en 2007[22].
On cherche aussi par la génétique à mieux comprendre les relations qui unissent les espèces produisant des toxines et celles qui n'en produisent pas au sein des Microcystis[23].
L'étude des génomes vise aussi à identifier des amorces utiles pour des tests de détection de cyanobactéries "à risque" (c'est-à-dire capable de sécréter des toxines), notamment dans les réservoirs d'eau potable et les zones de baignade.
Selon les données accumulées depuis les années 1980, le traitement algicide est inutile ou contreproductif (les algues mortes vont libérer des nutriments qui permettront une nouvelle pullulation, peut-être encore plus importante, et en mourant les cyanophycées libèrent massivement dans l'eau (et en moindre quantité dans l'air) des cyanotoxines)[24].
Limiter à la fois la pollution azotée et les excès de phosphore dans les masses d'eau semble la première des étapes nécessaires pour contrôler ces espèces.
Les stations d'épuration ont dans de nombreux pays fait fortement chuter les apports de phosphore, mais la pollution automobile, industrielle, urbaine, et par les chauffages domestiques, la marine marchande et les péniches, en se combinant à la pollution par l'ozone (oxydation des NOx par l'ozone) produisent des nitrates très solubles dans les pluies et les eaux superficielles. Ces nitrates s'ajoutent à ceux épandus sur les sols ou pulvérisés en tant qu'engrais azoté agricole, dont une partie aboutit également dans les masses d'eau superficielles.
Il a été montré que quand ces bactéries manquent d'azote elles désactivent ceux de leurs gènes qui codent la production de toxines, et la teneur des cellules en toxine diminue alors.
Concernant la production de cyanotoxines, la disponibilité en nitrates et phosphates ne semble pas être un facteur déterminant selon Utkilen & Gjølme (1995)[25], alors que la disponibilité en fer semble nécessaire pour la production de toxines par M. aeruginosa[25].
On sait depuis le milieu du XXe siècle que les plantes aquatiques submergées (macrophytes) doivent se protéger des biofilms bactériens et des algues. Elles le font par simple compétition pour certains nutriments en solution, mais aussi parfois en libérant des substances inhibitrices[26]. Une plante aquatique au moins (Myriophyllum spicatum) libère dans l'eau quatre composés polyphénoliques allélopathiques (qui inhibent le développement de Microcystis aeruginosa)[27]. Les deux plus efficaces, en laboratoire sont l'acide gallique et l'acide pyrogallique, mais ces quatre molécules semblent agir synergiquement plus efficacement encore.
Dans le milieu naturel, les efflorescences de Microcystis sp. se composent de cellules rassemblées sous forme de colonies. Ces colonies présentent une diversité de formes et de structure non négligeable. C'est ainsi que les premières tentatives d'identification des espèces ont été réalisées à partir de critères morphologiques sur la base d'observation au microscope optique puis électronique. Il est important de noter que lorsqu'une souche de Microcystis est maintenue en culture, elle peut perdre son organisation coloniale et se présenter sous la forme de cellule isolée ne permettant plus son identification. De plus, l'identification des différentes espèces de Microcystis sur des critères morphologiques et aujourd'hui remise en cause par les données génétiques. C'est pourquoi l'identification et la taxonomie du genre Microcystis et des espèces qui le composent est en constante évolution. Parmi les espèces décrites à ce jour et répertoriée dans la littérature scientifique figurent[28] :