Mort de trois otages israéliens tués par Tsahal | |
Coordonnées | 31° 30′ 02″ nord, 34° 28′ 12″ est |
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Date | |
Type | tir ami |
Morts | 3 |
Auteurs | Tsahal |
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Le , des soldats des Tsahal opérant à Shuja'iyya, Gaza, dans le cadre de l'invasion israélienne de la bande de Gaza de 2023, causent la mort de trois otages israéliens pris lors de l'attaque du Hamas contre Israël d'octobre 2023. Les otages, qui appelaient à l'aide, étaient désarmés et torse nu, agitant un drapeau blanc lorsqu'ils ont été tués. Le drame a provoqué des critiques en Israël envers l'armée israélienne pour n'avoir pas sanctionné le non-respect des consignes d'ouverture du feu, et à l'étranger.
Les trois otages tués par Tsahal sont identifiés comme Yotam Haïm (28 ans), Alon Lulu Shamriz (26 ans) et Samer Fouad Al-Talalqa (24 ans) ; Haïm et Shamriz ont été enlevés du kibboutz Kfar Aza, et Talalka a été enlevé à celui de Nir Am. Les trois hommes avaient été kidnappés lors des attaques du Hamas en Israël, le 7 octobre 2023[1], ayant conduit à la prise en otage de quelque 250 personnes sur le territoire israélien[2]. Haïm était batteur dans un groupe de heavy metal, "Persephore"[3], Shamriz était étudiant en génie informatique au Collège Sapir près de Sdérot[4] et Talalka travaillait dans la couveuse du kibboutz mais venait de la ville bédouine de Hura[5].
La caméra GoPro d'un chien militaire décédé ayant enregistré les voix des trois otages a été découverte après leur mort. Le chien était impliqué dans un échange militaire entre Israël et le Hamas, près de l'endroit où ils étaient détenus, bien qu'il n'ait pas été divulgué de quoi ils parlaient dans l'enregistrement. Il a été déduit que les militants les retenant avaient été tués dans les combats, ce qui a permis aux hommes de s'échapper[6].
Selon un officiel de Tsahal, pour montrer qu'ils ne portaient pas de ceinture d'explosifs, les trois otages masculins sont sortis torse nu d'un bâtiment en direction d'un groupe de soldats de l'IDF du bataillon 17 situés à « des dizaines de mètres » et l'un d'entre eux portant un bâton sur lequel était accroché un tissu blanc[7],[8],[9]. Un tireur d'élite israélien les identifiant à des suspects hurle « Terroristes ! » et ouvre alors le feu sur eux, tuant Shamriz et Talalka et blessant Haïm[8]. Selon une enquête de l'IDF sur l'incident, le tireur d'élite n'avait pas reconnu le tissu blanc. Lors du briefing qu'il avait reçu avant d'être déployé dans la zone, il avait été informé que toute la zone était une zone de combat et qu'il était autorisé à tirer sur toute personne suspecte ; selon le Jerusalem Post, il avait été donné l'ordre de tirer sur tous les hommes de plus de 15 ans qui s'approchaient d'eux [10]. Après avoir été touché, Haïm s'est réfugié dans un bâtiment voisin et a crié à l'aide en hébreu. Le commandant du bataillon a alors ordonné aux troupes de cesser le feu[8], tandis que Haïm était convaincu de sortir du bâtiment mais lorsqu'il l'a fait 15 minutes plus tard[11], un soldat agissant contre l'ordre du commandant du bataillon a tiré et l'a tué[12],[13].
Haaretz rapporte que les soldats de Tsahal ont suivi ce troisième otage dans le bâtiment et l'ont abattu parce qu'« ils pensaient que c'était un terroriste du Hamas qui tentait de les attirer dans un piège »[14], comme cela était arrivé précédemment[15],[2]. Yediot Ahronot rapporte que les soldats israéliens avaient demandé au dernier otage de sortir du bâtiment dans lequel il se cachait, puis l'avaient abattu lorsqu'il a réapparu[16].
Les soldats ont commencé à avoir des doutes en récupérant les corps car ils portaient des marques d'identification suggérant qu'il s'agissait bien d'otages israéliens qui avaient réussi à échapper à leurs ravisseurs[14]. L'enquête qui a suivi a indiqué que les trois otages avaient erré cinq jours dans la bande de Gaza, après avoir faussé compagnie à leurs geôliers, avant d'être mépris et abattus[17]. Les otages ont été identifiés formellement après le retour de leurs corps en Israël[18],[19],[20].
L'enquête préliminaire montre que quelques jours avant l'incident survenu à Shuja'iyya, un quartier de l’ouest de la ville de Gaza, théâtre de rudes combats juste précédemment[21], les soldats israéliens ont remarqué que le bâtiment dans lequel se cachaient les otages, à 200 mètres de l'endroit où ils seraient finalement abattus, montrait des pancartes en tissu indiquant « SOS » et « Au secours, trois otages » accrochées aux fenêtres[8] ; les lettres étaient écrites en hébreu sur le tissu avec des restes de nourriture[22],[23]. Les FDI ont signalé la maison comme un piège possible[14], après avoir fait l'expérience de plusieurs embuscades par des kamikazes palestiniens se présentant à eux comme des civils désarmés, menant à la mort de plusieurs soldats et officiers[2],[15],[21],[24]. L'enquête a également déterminé que lorsque l'unité militaire qui a trouvé les panneaux a été redéployée hors de la zone, elle n'en a pas informé le bataillon qui la remplaçait, dont les troupes seront responsables de l'incident fatal[12].
Selon le Jerusalem Post, l'enquête préliminaire révèle que les instructions données aux soldats de l'IDF à Shejaia étaient de tirer à vue sur tout homme en âge de combattre qui s'approchait d'eux[10]. Cependant, selon un officier supérieur du Commandement du Sud, le soldat qui a ouvert le feu immédiatement après avoir identifié les trois hommes l’a fait en violation des protocoles, tout comme le second soldat qui a tué Haïm, le troisième homme, qui a enfreint l'ordre de son commandant[15],[24].
Peu après l'annonce de la triste nouvelle par le porte-parole de l'armée, des familles d'otages réunies sur l'esplanade du musée des beaux-arts de Tel Aviv, baptisée « Place des Otages », ont réclamé de nouveau au gouvernement de relancer les pourparlers pour la libération des quelque 129 otages encore détenus dans la bande de Gaza, et vingt-quatre heures plus tard, après Shabbat, des milliers de manifestants ont bloqué la rue longeant le ministère de la Défense, avec la même revendication[8],[14],[25].
Iris Haïm, la mère de l'un des otages tués - Yotam Haïm - envoie un message de compassion à l'unité israélienne impliquée dans la fusillade, affirmant que sa mort n'est pas de la faute des soldats[17]. Elle déclare qu'elle impute plutôt la mort de son fils au Hamas et souhaite « que leur nom et leur mémoire soient effacés de la surface de la terre »[26].
Yagil Levy, professeur à l'Université ouverte d'Israël, a déclaré qu'il existait « un véritable écart entre les règles d'engagement formelles et la pratique sur le champ de bataille » [27], et le journaliste israélien Nahum Barnea a qualifié l'incident de crime de guerre[28]. Des voix pro-palestiniennes et des critiques de l'IDF ont dit que l'incident démontrait l'utilisation indiscriminée de la force par l'armée israélienne sur les civils[27], voyant les soldats comme ayant confondu les otages israéliens se rendant avec des Palestiniens se rendant. Sari Bashi, directrice de programme à Human Rights Watch, a déclaré que « personne n'a cligné des yeux avant de les tuer », et que cette affaire n'a été soumise à une enquête que parce que les décédés se sont avérés être israéliens[29]. Roy Yellin de l'ONG israélienne B'Tselem a déclaré que son groupe avait documenté « d'innombrables incidents de personnes qui se sont clairement rendues et qui ont quand même été abattues » et que l'incident survient après « une longue tendance à » l'escalade de la violence israélienne qui est restée largement impunie[30].
Le 15 décembre, Tsahal a déclaré que lors des opérations à Shuja'iyya, ils avaient « identifié par erreur trois otages israéliens comme une menace » et les avaient tués par des tirs amis[31],[21]. Un officier supérieur de Tsahal a précisé : « Nous avons entendu de tels cris dans le passé, puis il y a eu des combats, après que l'alerte s'est avérée être une tentative d'attirer les forces de Tsahal vers un bâtiment et d'ouvrir le feu sur elles. Malheureusement, nous pensions que c'était un même type d'incident »[24].
Le Premier ministre Benyamin Netanyahou a présenté ses condoléances aux familles des victimes, tout en regrettant «une erreur» ainsi qu’une «insupportable tragédie»[21] plongeant «tout l'État d'Israël dans le deuil»[2], tandis que le ministre de la Défense Yoav Gallant a qualifié ces meurtres « d'incident douloureux pour chaque Israélien »[32].
Le lieutenant-général Herzi Halevi a déclaré que les tirs étaient contraires aux règles d'engagement de Tsahal et que les otages avaient « tout fait pour montrer qu'ils étaient inoffensifs », notamment en retirant leurs chemises pour montrer qu'ils ne portaient pas d'explosifs[29]. Selon le chef d'état-major israélien, les tirs sur les otages ont été effectués en violation des règles d'ouverture du feu et précise avoir immédiatement envoyé de nouveaux protocoles aux forces terrestres[8]. Le lendemain, Tsahal publie une vidéo de Halevi s'adressant à la 99e division de Tsahal, lui rappelant de ne pas tirer sur les Gazaouis qui se rendent mais de les faire prisonniers de guerre[33]. Les utilisateurs des réseaux sociaux ont souligné que les soldats en arrière-plan de la vidéo semblaient nonchalants, voire riaient[34].
À la suite de son enquête, l'IDF a déclaré que les tueries auraient pu être évitées, mais des actions disciplinaires n'étaient pas nécessaires puisqu'il n'y avait « pas de malveillance » de la part des soldats israéliens[35]. Lorsqu'on lui a demandé si les soldats impliqués dans l'assassinat des trois otages seraient retirés du service, le porte-parole de Tsahal, le lieutenant-colonel Richard Hecht, a déclaré qu'ils seraient « soutenus de toutes les manières possibles », car l'incident était une « erreur terrible et tragique »[36]. Le porte-parole de Tsahal, le lieutenant-colonel Jonathan Conricus, a déclaré qu'aucune mesure disciplinaire ne serait prise contre les soldats et qu'il n'y aurait aucun changement dans les opérations terrestres de Tsahal à la suite de ces meurtres[37].
Pour certains commentateurs militaires, la responsabilité de cette méprise ayant conduit à la mort de ceux que l'armée devait sauver incombe aux commandants qui n'ont pas envisagé auprès leurs soldats « l'éventualité de voir apparaître dans la zone de combats des otages vivants et, dans ce cas, sur la façon dont il fallait agir »[8].
Ce drame a également provoqué une demande à Israël de mieux distinguer entre civils et terroriste de la part notamment de ministres européens[29],[27].