En mathématiques, on définit pour certaines propriétés la multiplicité d'une valeur ayant cette propriété. Il s'agit en général d'un nombre naturel qui indique « combien de fois » la valeur possède la propriété. Cela est dépourvu de sens en général (on possède une propriété ou on ne la possède pas), mais une interprétation naturelle existe dans certains cas. En général une propriété pour laquelle des multiplicités sont définies détermine un multiensemble de valeurs plutôt qu'un simple ensemble.
Le cas le plus connu est la multiplicité d'une racine d'un polynôme non nul P. Un nombre r est racine de P si P(r) = 0, et dans ce cas on peut écrire P = (X − r)Q. Il peut arriver que r soit encore une racine de Q, et dans ce cas on peut écrire P = (X − r)mR avec m ≥ 2, et le plus grand m pour lequel c'est possible est par définition l'ordre de multiplicité de r comme racine de P.
S'il existe une base de l'espace vectoriel telle que la matrice associée à dans cette base, notée U, soit triangulaire (ce qui est toujours le cas si le corps K est algébriquement clos), alors le polynôme caractéristique de u est à la fois égal à , où sont les valeurs propres de u, et à . Par conséquent, , et (autrement dit, est le nombre de fois que la valeur propre apparaît dans la diagonale de la matrice ).
La notion de multiplicité intervient naturellement dans les anneaux de valuation discrète. Dans un tel anneau, il existe un élément irréductible t appelé uniformisante tel que pour tout élément a de l'anneau, il existe un élément b inversible et un entier n tel que , l'écriture étant unique. n s'appelle l'ordre de l'élément a et n'est autre que l'ordre de multiplicité de t dans la décomposition de a en éléments irréductibles.
Cette situation sert à définir l'ordre de multiplicité d'un pôle ou d'un zéro a d'une fraction rationnelle. On prend comme uniformisante l'élément X - a. Dans ce contexte, un élément inversible est une fraction rationnelle définie en a et qui ne s'annule pas en a. Si une fraction rationnelle f se décompose sous la forme , avec g inversible, a est un zéro de f de multiplicité n si n > 0, et a est un pôle de f de multiplicité -n si n < 0. On peut procéder d'une façon comparable pour définir l'ordre de multiplicité d'un zéro d'une fonction holomorphe, ou d'un zéro ou pôle d'une fonction méromorphe.
Considérons une courbe algébrique affine plane (V) d'équation et soit P un point de cette courbe. Par changement de variables, supposons que P soit égal au point (0,0). F s'écrit comme somme de polynômes homogènes et le plus petit indice k tel que soit non nul s'appelle ordre de multiplité de F en P[1],[2]. Si F est sans facteur multiple, ce qu'on supposera désormais, on l'appelle aussi multiplicité de la courbe en P. Si k = 1, on dit que P est un point simple de la courbe, si k = 2, on parle de point double, si k = 3 de point triple, etc. Si on factorise en facteurs du premier degré, chacun de ces facteurs définit une tangente à la courbe en P.
Dans l'exemple ci-contre, on a et . L'ordre de multiplicité du point (0,0) est donc 2. La courbe admet deux tangentes en ce point d'équation .
Si M(P) est l'idéal maximal des fonctions rationnelles s'annulant en P, dans l'anneau local des fonctions rationnelles définies en P[3], alors l'ordre de multiplicité m en P est le plus grand entier r tel que F appartiennent à . m est aussi égal à la dimension du quotient pour n assez grand (en fait dès que n est supérieur ou égal à m). Cette dernière propriété permet de définir la multiplicité en un point d'une courbe algébrique générale de façon intrinsèque. Dans l'exemple précédent, pour n = 2, une base de est donnée par , compte tenu du fait que , et plus généralement, pour , une base de est donnée par . Donc m = 2.
La multiplicité de (V) en P est aussi égale à la multiplicité de l'intersection de la courbe (V) avec une droite passant par P mais qui n'est pas tangente à la courbe.
Considérons deux courbes algébriques planes, sans composante commune, données par leurs équations respectives et et soit P un point. Soit l'anneau local des fractions rationnelles définies en P. On appelle multiplicité d'intersection des deux courbes en P, notée , la dimension du quotient en tant qu'espace vectoriel sur le corps de base. Celle-ci possède les propriétés suivantes[4] :
La multiplicité d'intersection en P est strictement positive si et seulement si P est un point commun aux deux courbes.
Si P est un point simple des deux courbes et si les tangentes des deux courbes en P sont distinctes, cette multiplicité vaut 1.
Si P est un point multiple de l'une des courbes ou des deux, et si les deux courbes n'ont pas de tangentes communes en P, alors est égale au produit des multiplicités de F et G en P. S'il y a au moins une tangente commune, elle est strictement supérieure à ce produit.
Si et , alors .
Pour tout polynôme A, , car résoudre les équations F = G = 0 est équivalent à résoudre les équations F = G + AF = 0.
L'utilisation de ces propriétés permet de calculer facilement la multiplicité de l'intersection des deux courbes en un point donné. On se ramène en général au point (0,0) après un changement de variables.
EXEMPLES :
Soit une courbe, dont la tangente en P = (0,0) est donnée par Y = 0. La multiplicité d'intersection de F et de sa tangente en P vaut :
si a est non nul et est strictement supérieur à 2 si a = 0 (cas d'un point d'inflexion par exemple).
Soit la parabole annulant , le cercle annulant , et P = (0,0). On pourra vérifier, en appliquant les propriétés énoncées que :
si c est non nul, . Le cercle ne passe pas par P.
si c =0 et a + b non nul, . Le cercle est sécant à la parabole en P.
si c = a + b = 0 et b différent de 1, . Le cercle est tangent en P à la parabole.
si c = 0, a = -1, b = 1, . Le cercle est osculateur en P à la parabole.
Soit la parabole annulant , le cercle annulant , et P = (0,0). Alors . Le cercle est surosculateur à la parabole en P.
L'utilisation de la multiplicité d'une intersection est indispensable dans l'application du théorème de Bézout.