En mathématiques, et plus particulièrement en combinatoire, les nombres de Fubini ou nombres de Bell ordonnés dénombrent les partitions ordonnées d'un ensembleE à n éléments, c'est-à-dire les familles finies de parties non vides disjointes de E dont la réunion est égale à E. Par exemple, pour n = 3, il y a 13 partitions ordonnées de : 6 du type , 3 du type , 3 du type , plus .
De manière équivalente, les nombres de Fubini dénombrent les classements de n objets, avec éventuellement des exæquos, comme dans les résultats d'une course de chevaux. Ils sont aussi appelés pour cette raison nombres chevaux[1]. Par exemple, pour n = 3, les 13 classements avec exæquos possibles se répartissent en 6 classements sans exæquos, comme , 3 avec deux premiers exæquos, comme , 3 avec deux seconds exæquos, comme , et 1 avec trois exæquos, [2].
L'appellation « nombres de Fubini » vient de leur introduction par Louis Comtet[3], sous la forme du dénombrement des diverses formes équivalentes d'une somme ou d'un intégrale n-uple, en conséquence du théorème de Fubini. Par exemple, une intégrale double, possède trois formes équivalentes :
.
L'appellation « nombres de Bell ordonnés » provient de celle des nombres de Bell qui dénombrent les partitions non ordonnées.
Les nombres de Fubini forment la suite A000670 de l'OEIS :
Les nombres de Fubini peuvent être calculés via une formule de sommation impliquant des coefficients binomiaux, ou via une relation de récurrence. Outre les partitions ordonnées, ils dénombrent plusieurs autres types d'objets combinatoires, tels que les partitions multiplicatives ordonnées d'un carré d'entier ou les faces de toutes dimensions d'un permutoèdre (par exemple, le nombre de faces de toutes dimensions de l'hexagone est 1 + 6 + 6 = 13 et celui de l' octaèdre tronqué est 1 + 14 + 36 + 24 = 75 [4] ).
Les nombres de Fubini apparaissent dans un article de Cayley (1859)[5] ; ce dernier les a obtenus comme dénombrement de certains arbresà n + 1 feuilles, arbres dont les chemins de la racine jusqu'à une feuille sont de même longueur, et dont le nombre de nœuds à la distance i de la racine est strictement inférieur au nombre de nœuds à la distance i + 1. Dans un tel arbre, il y a n paires de feuilles adjacentes, auxquelles on attribue la hauteur de leur plus petit ancêtre commun ; ces derniers nombres déterminent un rang dans un classement avec exæquo de ces paires de feuilles, et inversement ce classement détermine l'arbre.
Ces nombresA(n,k) dénombrant les permutations de n objets avec k « montées » (ou k « descentes »), on a :
où est le polynôme eulérien d'indice n. La démonstration ci-dessous est celle donnée dans [6].
Considérons toutes les permutations de , en indiquant les montées par « < » et les descentes par « > ». Transformons les signes « > » d'une permutation en « < » ou en « » (donc de façons). On obtient ainsi un classement quelconque avec exæquos. Par exemple va engendrer et .
On obtient donc et on peut prolonger la somme jusqu'à n car .
Les nombres de Fubini, en partant de , peuvent être calculés via la relation de récurrence forte :
Cette formule provient de ce qu'une partition ordonnée d'un n-ensemble est obtenue par le choix d'un ensemble non vide à k éléments (la première classe de la partition), puis d'une partition ordonnée sur les n-k éléments restants .
Comme ln 2 est inférieur à 1, ceci montre que les nombres de Fubini surpassent les factorielles (qui dénombrent les classements sans exæquo) d'un facteur exponentiel. On en déduit
À l'aide de la relation de récurrence, on montre que ces nombres obéissent à certains modèles périodiques de l'arithmétique modulaire : pour n assez grand,
et
Plusieurs autres identités modulaires ont été données par Good (1975) [8].
↑Jean-Marie DE KONINCK, Ces nombres qui nous fascinent, Paris, Ellipse, (ISBN978-2-7298-3851-5), p. 4
↑Ces classements avec exæquos possibles peuvent être formalisés comme relations binaires réflexives et transitives où tout couple est comparable, autrement dit des préordres totaux.
↑Louis Comtet, Analyse combinatoire, tome second, PUF, , p. 64
↑1, 14, 36, 24, est la quatrième ligne de la suite A019538 de l'OEIS.
↑(en) Arthur Cayley, « On the analytical forms called trees, second part », Philosophical Magazine, Series IV, 18 (121), In Collected Works of Arthur Cayley, p. 112, , p. 374–378 (lire en ligne)
↑ abc et dR. L. Graham, D. E. Knuth, O. Patashnik, Mathematiques concrètes, exercice 7.44, International Thomson Publishing France, 1998 p. (ISBN2-84180-981-1), p. 401 et 604
↑(en) Barry Lewis, « Revisiting the Pascal matrix », American Mathematical Monthly, 117 (1), , p. 50–66. (lire en ligne)
↑(en) Good, I. J, « The number of orderings of n candidates when ties are permitted », Fibonacci Quarterly, 13, , p. 11–18 (lire en ligne)