Nuages (titre parfois traduit en anglais, Clouds) est un morceau composé par le guitariste de jazzfrançaisDjango Reinhardt en 1940 pour le Quintette du Hot Club de France, et enregistré pour la première fois la même année. La délicatesse mélodique de son thème, universellement admirée, en a fait une des œuvres les plus célèbres de Django Reinhardt.
En l'absence du violoniste Stéphane Grappelli, retenu en Grande-Bretagne lors du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, la partie de l'instrument monodique a été confiée à la clarinette de Hubert Rostaing lors du premier enregistrement. Pas satisfait par cette première version au tempo plus rapide — qui n'est pas publiée à l'époque[1] — Django Reinhardt en enregistre une deuxième, plus appréciée, le avec l'addition d'une seconde clarinette[2],[3] d'où les duos incisifs qui caractérisent la partie finale de cette version.
Au cœur de l'Occupation, Django est célébré : il passe à la radio et les murs de Paris sont couverts d'affiches annonçant ses concerts[5]. Le , Nuages est immédiatement adopté par le public de la salle Pleyel. Alors que les autorités considèrent le jazz comme « dégénéré » car « judéo-nègre », le « jazz français » conquiert son public[6].
On trouve Nuages chez les marchands de disque dès fin 1940 et, selon Gérard Regnier, c’est « certainement le morceau le plus joué de toute l'Occupation »[7]. Django Reinhardt et le Quintette du Hot Club de France viennent souvent sur Radio-Paris, station de propagande allemande[8][réf. incomplète]. Une émission est consacrée à Django sur Radio-Nîmes, le , avec la participation en uniforme de l'OberleutnantDietrich Schulz-Köhn, le fondateur du premier hot club allemand[7],[9],[10].
La tonalité n'est au départ pas très claire, puisque le morceau commence sur le 6e degré diminué de la tonalité principale (ré septième[N 1]). Suit un II-V-I ambigu, puisque le II-V est en mineur et se résout sur un accord majeur, qui restera le centre tonal du morceau[11],[12]. La mesure 13 présente un déplacement de demi-ton dans la mélodie et l'harmonie (sol/fa - sol), un mouvement typique de l'écriture de Django[11]. Le point culminant du morceau est atteint à partir de la mesure 23, quand le morceau se repose sur le 4e degré (si) sur deux mesures, avant de passer au 4e degré mineur (si mineur) puis de revenir à la tonalité principale[11].
↑Karine Le Bail, La Musique au pas : Être musicien en France sous l'Occupation, CNRS Éditions, , 440 p. (ISBN9782271079565) :
« Enfin, contrairement à l'idée que le jazz aurait été interdit à Radio-Paris, ce dernier détient un vrai droit de cité : le Quintette du Hot Club de France, avec Django Reinhardt, se partage l'antenne avec Michel Warlop, André Ekyan, ou encore Aimé Barelli. D'une façon générale, la musique « judéo-nègre » interdite en Allemagne nazie, est dans la France occupée, bien plus que tolérée : c'est une valeur sûre. »