Naissance | |
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Nom de naissance |
Odette Marie Céline Brailly |
Nationalités | |
Activités |
Agente de renseignement, résistante, agent du SOE |
Conjoint |
Peter Churchill (de à ) |
Conflit | |
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Lieu de détention | |
Distinctions |
Odette Sansom (1912 - 1995), également connue sous les noms d’Odette Churchill et d’Odette Hallowes, fut un agent franco-britannique du Special Operations Executive, pendant la Seconde Guerre mondiale. Sous le nom de guerre « Lise », elle fut courrier du réseau SPINDLE dirigé par Peter Churchill actif dans le midi de la France. Arrêtée par les Allemands et déportée à Ravensbrück, elle survécut.
Odette Sansom naît le à Amiens, seule fille de sa famille. Son père, banquier, est tué à Verdun pendant la Première Guerre mondiale[1]. Elle est élevée dans un couvent où elle est considérée comme difficile par les sœurs[2]. À huit ans, elle développe une cécité temporaire à la suite d'une poliomyélite qui met du temps à guérir[3].
À l'âge de dix-neuf ans, en 1931, elle épouse Roy Sansom, un Anglais travaillant dans l'hôtellerie[3]. Ils ont trois enfants dont deux naissent en Angleterre, où la famille s'est installée. Au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, son époux s'engage dans l'armée tandis qu'elle quitte Londres pour le Somerset, allant habiter chez sa belle-mère[2].
En 1941, le Special Operations Executive lance un appel aux Français d'Angleterre, leur demandant d'envoyer leurs photos de famille prises sur les côtes françaises. Odette Sansom, qui a vécu à Boulogne-sur-Mer s'exécute et explique qu'elle connaît bien cette partie du littoral français[4],[3].
Le , elle a un entretien avec Selwyn Jepson à l'hôtel Victoria, chambre 238, Whitehall. Il lui propose de travailler pour la section F, en étant recrutée par le FANY[5]. Elle est alors recrutée dans la deuxième session de formation féminine de l'agence avec Lise de Baissac, Mary Herbert et Jacqueline Nearne[2]. Lors de son entraînement en parachutisme, elle fait une mauvaise chute, ce qui empêchera le SOE de la faire revenir sur le sol français de cette manière[2]. Pendant sa formation, elle apprend le combat à mains nues, la maîtrise des armes à feu, le morse et les techniques de sabotage des bateaux et des ports[3].
Elle est déposée sur le littoral du Sud de la France par un bateau de pêche la nuit du avec Mary Herbert et Marie-Thérèse Le Chêne, dans une crique près de Cassis dans les Bouches-du-Rhône[Note 1]. Elle a pour ordre de se rendre à Auxerre en Bourgogne mais s'arrête finalement à Cannes après sa rencontre avec Peter Churchill, qui dirige le réseau SPINDLE dans le Sud[2]. Les Italiens viennent d'envahir cette partie du territoire français et il est trop dangereux pour elle de partir vers le nord. Elle devient donc courrier et opératrice radio pour le réseau SPINDLE[3].
À la même époque, l'Abwehr met la main sur une liste non codée de 200 noms de Résistants envoyée par André Girard à Francis Suttill[réf. nécessaire]. Début , les membres du réseau SPINDLE commencent à être arrêtés, les uns après les autres. Peter Churchill décide d'emmener son équipe, dont Odette Sansom, à Saint-Jorioz en Haute-Savoie pour rejoindre les maquisards. En mars, elle rencontre Hugo Bleicher, un agent de l'Abwehr se faisant passer pour un Allemand anti-nazi souhaitant se rendre en Angleterre. Le , le réseau est trahi par Bleicher et Sansom est arrêtée à Saint-Jorioz par les Italiens[6]. Elle est finalement remise aux mains des Allemands en et emprisonnée au centre pénitentiaire de Fresnes[7].
Malgré les ongles arrachés et marquée au fer chaud sur la colonne vertébrale[3], elle reste muette aux questions de l'Abwehr[6] répondant « Je n'ai rien à dire » à chacune de leurs questions[8]. En juillet, elle est condamnée à mort par un tribunal militaire allemand pour acte de résistance[6]. Lors de l'annonce de la sentence, elle répond : « Vous allez devoir vous décider sur mon nombre d'exécutions parce que je ne peux mourir qu'une seule fois ! »[3]. Le , Odette Sansom, en même temps que six (ou sept) autres agents féminins du SOE, Andrée Borrel, Yolande Beekman, Vera Leigh, Éliane Plewman, Diana Rowden, Madeleine Damerment (et Sonia Olschanezky[Note 2] ?), est extraite de la prison de Fresnes et mise dans un train pour l'Allemagne, direction Karlsruhe.
[Le récit commence le ]
Vers 11 heures du matin, la porte de la cellule 237 s'ouvrit et la gardienne entra [...] Odette, la tête haute, longea pour la dernière fois les couloirs de Fresnes. Le panier à salade l'attendait dans la cour de la prison. Le capitaine de la division des femmes était là. Il salua Odette, en mettant dans son salut une nuance particulière qui faisait de ce geste autre chose qu'une banale politesse. « Frau Churchill, dit-il, je vous ai apporté quelques fleurs. Vous me ferez plaisir en les acceptant ». Il lui tendit un petit bouquet. [...] Avec un sourire, elle lui tendit la main et il la serra. Elle grimpa ensuite dans le fourgon cellulaire et fut enfermée dans sa cage.
Elle avait passé un an et quatre jours à Fresnes et, le jour où elle s'en alla, la troisième division perdit un peu de ce qui formait son âme...
À une heure et demie, le panier à salade arrivait devant le 84 de l'Avenue Foch. Les portes s'ouvrirent et la cargaison humaine du fourgon fut poussée dans une des pièces du premier. Pour la première fois, Odette put voir ses compagnons de route. Il y en avait sept - toutes des femmes. Elles se dévisagèrent avec une curiosité nuancée de méfiance. Soudain elles réalisèrent qu'elles appartenaient toutes à la section française. Elles ne se connaissaient pas mais elles furent aussitôt rapprochées par un sentiment de grande camaraderie et elles bavardèrent à cœur ouvert. Il n'y avait plus besoin de se taire, car elles savaient bien, au fond d'elles-mêmes, qu'elles venaient de parcourir la première étape d'un voyage sans retour. On leur avait rendu leurs sacs à main ; poudriers et bâtons de rouge furent aussitôt mis en commun. On échangea des souvenirs ; Londres, le stage dans le New-Forest, les missions, Fresnes, étaient autant d'épisodes identiques de leur histoire. Elles se révélèrent mutuellement leurs noms véritables, en même temps que leurs noms de guerre, et goûtèrent un plaisir intense à ce retour si longtemps attendu à la vérité. Pour six des sept femmes qui se trouvaient ce jour-là réunies Avenue Foch, la mort n'était pas loin :
Toutes moururent assassinées sans jugement, et toutes firent preuve, au moment de leur mort, d'un courage tranquille qui couvrit de honte leurs geôliers eux-mêmes. La dernière, Odette Sansom « Lise » avait seule été officiellement condamnée à mort ; par un paradoxe plein d'une macabre ironie, ce fut la seule qui survécut.
Vers le milieu de l'après-midi, le commandant de la Gestapo vint passer ses victimes en revue. Il leur annonça qu'elles allaient être expédiées en Allemagne - ce qu'elles savaient déjà. Avaient-elles une requête à formuler ? Odette prit la parole et réclama une tasse de thé pour tout le monde. « Et pas du thé comme on le fait en France ou en Allemagne, mais du thé à l'anglaise : une cuillerée de thé par personne et une pour la théière. Avec du sucre et du lait, s'il vous plaît ».
Il lui lança un long regard étonné et sortit. Quelques minutes plus tard, une femme entra avec un plateau sur lequel étaient disposées une théière et sept magnifiques tasses de Sèvres. Odette servit le thé et réclama de l'eau bouillante. Le moral de la petite troupe était déjà bon, mais, grâce au thé et au rouge à lèvres, il s'améliora encore ; le lugubre voyage en Allemagne devenait pour ces femmes héroïques une aventure qu'elles étaient prêtes à affronter avec calme et courage.
À six heures un officier de S.S. entra, suivi d'une douzaine d'hommes en uniforme. Il les informa que l'heure du départ était arrivée. Les prisonnières allaient être attachées deux par deux. Si elles faisaient du scandale ou cherchaient à s'évader, les gardes tireraient sur elles sans hésiter. « Vous allez être conduites à la gare dans un car ordinaire, avec des fenêtres ; il vous est interdit de faire des signes aux passants ou de leur faire comprendre, de quelque façon que ce soit, que vous n'êtes pas des voyageuses comme les autres. »
Odette se trouva enchaînée à Yolande Beekman. Elles se sourirent avec une résignation amusée. Toute cette mise en scène était grotesque. Il y avait vraiment trop de gardes armés pour un si petit groupe de femmes réduites à l'impuissance ! Au moment où elles descendaient l'escalier, une des femmes se mit à chanter et les autres reprirent le refrain en chœur, jusqu'au moment où on leur intima rudement l'ordre de se taire. Elles traversèrent le trottoir entre deux files de S.S., mitraillette au poing. Odette éclata de rire. C'était bien là une manifestation typique de l'esprit teuton ! Un des commissaires qui l'avaient si souvent interrogée se tenait au balcon du quatrième étage. Il avait tenu à assister au départ de la petite procession et les regardait d'en haut avec l'air protecteur d'un curé surveillant un défilé d'enfants de Marie. À sa grande confusion, Odette l'aperçut et, levant sa main enchaînée, lui fit un joyeux signe d'adieu. « Au revoir, au revoir », lui lança-t-elle.
Il se recula d'un air furieux et, dissimulé derrière un rideau, il attendit que le car eût disparu au coin de la rue pour quitter sa fenêtre.
À la gare de l'Est, on leur avait réservé deux compartiments de seconde classe et elles furent séparées en deux groupes de trois et quatre prisonnières, respectivement. Un S.S. s'assit près de la porte du compartiment et une gardienne S.S. de l'autre. Les fenêtres étaient surveillées avec le même luxe de précautions et une dizaine de S.S. se tenaient en permanence dans le couloir. Yolande Beekman et Odette avaient pour vis-à-vis Andrée Borrel et Vera Leigh. Le train s'ébranla. Il laissa bientôt derrière lui la banlieue parisienne et s'enfonça dans la campagne. Au passage de plusieurs gares, les prisonnières eurent la satisfaction d'apercevoir des traces peu équivoques de l'activité de l'aviation alliée. Odette ne tarda pas à s'endormir, mais son sommeil était coupé de brusques réveils, car ses menottes trop serrées la faisaient souffrir chaque fois qu'un mouvement involontaire la déplaçait. La nuit se passa sans incident notable et, peu après le lever du jour, le train traversa un large fleuve. La sentinelle S.S. grommela fièrement que c'était le Rhin, le vieux Rhin allemand. Odette sentit un petit pincement au cœur quand les roues du train firent vibrer sourdement à ses pieds le tablier du grand pont métallique. Le passage du Rhin marquait une étape décisive du voyage. Jusque-là, elle s'était sentie réconfortée par la présence de la France et de gens autour d'elle dont elle savait qu'ils parlaient français, même si elle ne pouvait les entendre. C'était absurde, mais c'était ainsi. Maintenant elle était en Allemagne. Non pas dans l'Allemagne de Goethe ou des frères Grimm, mais dans le Reich sanguinaire et sadique de Hitler, royaume diabolique du fouet, des potences et des fours crématoires.
- Où allons-nous ? demanda Odette au S.S.
- À Karlsruhe, dit-il gaiement. C'est là que vous serez exécutées.
Ses yeux bleus se firent soudainement plus doux. « Vous pensez si je suis content qu'on ait décidé de vous exécuter en Allemagne et pas en France ! Cela me donne quarante-huit heures de permission sur lesquelles je ne comptais pas. Je vais pouvoir aller embrasser meine liebste Mutti, ma chère Maman... »
Karlsruhe...
Sur le quai les gens avaient l'air bien nourris et bien vêtus [...] Partout un certain malaise semblait régner. Les visages étaient tendus et anxieux et on jetait parfois un coup d'œil inquiet vers le ciel.
Odette et ses compagnes furent conduites à la prison de droit commun de Karlsruhe, et on les enferma dans des cellules aussi éloignées que possible les unes des autres.
Huit semaines se passèrent [...] Une fois par semaine, les condamnées de la section française avaient le droit de prendre un peu d'exercice dans la cour, chacune à des heures différentes. De sa fenêtre, Odette pouvait apercevoir ses camarades, quand c'était leur tour de promenade, et même leur lancer un rapide bonjour, mais, à part cela, elle était privée de tout contact avec elles.
[...]
En , elle est transférée à Ravensbrück et enfermée en isolement, dans le Bunker[10]. Elle est placée près de la cellule disciplinaire et entend les femmes être battues : « Je pouvais les entendre crier... ils m'ont mis dans une cellule près de la cellule disciplinaire. Tous les soirs, il y avait une femme qui y était emmenée pour être battue. »[4]. Lors de sa détention, elle reste pendant trois mois et onze jours seule dans le noir[8]. Un an plus tard, elle est extraite du camp par le commandant, Fritz Sühren et amenée aux lignes américaines les plus proches[10] ayant raconté être en lien avec Winston Churchill lors de son arrestation[8].
Elle témoigne lors du Procès de Ravensbrück contre les Aufseherin[8].
En 1946, elle est la première femme à recevoir la Croix de Georges, la plus haute distinction non-militaire du Royaume-Uni[3] qu'elle accepte en mémoire de ses camarades disparues[8]. Elle est aussi décorée du titre de Membre de l'Ordre de l'Empire britannique[4].
Son mari étant mort pendant la guerre, elle épouse Peter Churchill[4].
Elle meurt le à Walton-on-Thames[11] dans le Surrey à l'âge de 82 ans[3].