Renonçant ensuite à la carrière universitaire, il s'engage à vingt ans dans le 1er Zouaves[2] en Algérie pendant son service militaire[3]. Toutefois, sa santé l'oblige à renoncer au métier des armes, et il entre en 1860 à la maison Hachette. Pendant dix ans, il mène une existence laborieuse, entrecoupée de voyages à travers la France pour les Guides Joanne, et publie sous le pseudonyme de Louis Couturier un Dictionnaire des communes de la Suisse. En 1869, il fait paraître une Géographie, qui connaît le succès public, grâce à son style, à la formule nouvelle de la présentation, à ses qualités scientifiques et descriptives[4].
Ce géographe est le premier à employer les mots « francophone » et « francophonie »[7],[8],[9], dans son ouvrage France, Algérie et colonies rédigé vers 1880 et paru en 1886 chez Hachette[10],[11]. Il croit à l'excellence de la France et de sa langue[12] et définit les francophones comme « tous ceux qui sont ou semblent être destinés à rester ou à devenir participants de notre langue[13] ». Le choix du critère linguistique, de préférence aux critères ethnique et économique, pour classer les populations, représente alors une innovation[14].
À la différence de son aîné Élisée qui s'y oppose, Onésime Reclus est un partisan de l'expansion coloniale française[15].
Il est l'auteur d'ouvrages dont les titres sont évocateurs : Le Partage du monde ; Un grand destin commence ; France, Algérie et colonies ou encore Lâchons l’Asie, prenons l’Afrique. Toujours dans cette perspective, il compose un Atlas de la Plus Grande France au cours des dernières années de sa vie. Il considère la langue comme le « socle des empires » alors qu'il n'y a plus de races, les différentes familles humaines s'étant mélangées depuis longtemps[16].
Mais selon Alice Goheneix (auteure d'une thèse en 2011 sur le français colonial), sa doctrine associerait « des présupposés racialistes en même temps qu'une ambition assimilationniste ». Il s'inscrirait ainsi dans « la lignée des discours et théories nationalistes et colonialistes du XIXe siècle. En ce sens, Reclus est un héritier de Jules Duval, Prévost-Paradol ou Chasseloup-Laubat, les pères de la mission civilisatrice ferryste ». Ainsi, Onésime Reclus s'appuierait sur une hiérarchisation des peuples et de leurs langues, tout en justifiant le colonialisme par trois grands arguments : la décadence (principalement démographique) française, la guerre coloniale entre puissances européennes, l'idée que « certains peuples seront plus perméables à la pensée française »[17].
Onésime Reclus sillonne l'ensemble des régions françaises pour le compte du Touring club de France. Grâce à sa sensibilité et à ses talents de géographe descripteur, il décrit les paysages de France les plus remarquables ou emblématiques. Ces travaux, intitulés A la France, sites et monuments, sont publiés à partir de 1900[18].
Ces récits contribuent grandement à la promulgation de la première loi relative à la protection des monuments naturels et de sites, le 21 avril 1906, renforcée par la loi du 2 mai 1930, ensuite intégrée au code de l'environnement[19].
Atlas pittoresque de la France, recueil de vues géographiques et pittoresques de tous les départements, accompagnées de notices géographiques et de légendes explicatives (3 volumes, 1910-1912)
Atlas de la Plus Grande France, géographique, économique, politique, départemental, colonial, composé de 160 cartes en couleurs, accompagnées de 160 pages de notices. Ouvrage formant le complément naturel de l’Atlas pittoresque de la France, publié sous les auspices de la Société de géographie (1913-1915)
↑Pierre Martial , « Onésime Reclus, inventeur de la Francophonie », dans Edmond Jouve et Simone Dreyfus (dir.), Les Chefs d'État écrivains en pays francophone : actes du septième colloque international francophone organisé à Sarlat, Lamothe-Fénelon, Carennac et Figeac, Association des écrivains de langue française, , 627 p., p. 515.
↑Lucien Carrive, Bulletin : études, documents, chronique littéraire, vol. 143, Société de Borda, , p. 234.
↑La Géographie, t. 32, Société de Géographie, , p. 71.
↑Georges Ngal, Œuvre critique, t. 2 : Articles, communications, interviews, préfaces et études sur commandes des organismes internationaux, 1970-2009, L'Harmattan, , 272 p. (lire en ligne), p. 26.
↑Luc Pinhas, « Aux origines du discours francophone », Communication & Langages, vol. 140, no 1, , p. 69–82 (DOI10.3406/colan.2004.3270, lire en ligne, consulté le ).
↑Onésime Reclus, France, Algérie et colonies, Paris, Hachette, (lire sur Wikisource).
↑Elena Prus (dir.) et Pierre Morel (dir.), La francopolyphonie : langues et identités, ULIM, , 361 pages (lire en ligne), p. 95.
↑René-Maurice Dereumaux, L'Organisation internationale de la francophonie : l'institution internationale du XXIe siècle, L'Harmattan, , 155 p. (lire en ligne), p. 30.
↑Sylvie Guillaume, Les Associations dans la francophonie, Maison des Sciences de l'Homme d'Aquitaine, , 336 p. (lire en ligne), p. 66.
↑Federico Ferretti et Philippe Pelletier, « Sciences impériales et discours hétérodoxes : Élisée Reclus et le colonialisme français », L’Espace géographique, vol. 42, no 1, , p. 1–14 (ISSN0046-2497, DOI10.3917/eg.421.0001, lire en ligne, consulté le )
↑Alice Goheneix, « Les élites africaines et la langue française : une appropriation controversée », Documents pour l’histoire du français langue étrangère ou seconde, vol. 40/41, (lire en ligne)
↑32 volumes disponibles à la BNF, et sur la bibliothèque numérique Gallica.