La paradiplomatie est l'implication des gouvernements infranationaux dans les relations internationales[1]. Cela concerne les entités infraétatiques (États fédérés, régions...) qui s'impliquent directement dans la politique internationale[2], mais peut également s'étendre aux échelons de plus petits niveaux (départements, villes) au vu de leur croissante implication à l'international[3]. Bien qu'utilisé en français pour caractériser l'action internationale de la province de Quebec, le terme "paradiplomatie" est peu employé en France et en Europe où l'expression Coopération décentralisée lui est préférée[4].
Le concept de paradiplomatie doit être distingué du concept de « protodiplomatie » et de celui de « paradiplomatie identitaire »[2]. La protodiplomatie renvoie aux stratégies internationales qui ont pour objectif de favoriser la reconnaissance diplomatique afin de préparer l’avènement d’un pays souverain[5]. Elle est par essence un stade transitoire. Ce concept peut définir la stratégie du gouvernement catalan en 2017 ou encore du gouvernement du Québec précédent le référendum de 1995 sur la souveraineté-partenariat.
Le concept de paradiplomatie identitaire est d’un autre registre. Il représente une politique internationale d’une nation sans État souverain, comme le Québec, l’Écosse, la Flandre, la Wallonie ou encore la Catalogne, lorsque les gouvernements de ces nations ne cherchent pas à réaliser l’indépendance[6]. Ainsi, un des objectifs fondamentaux de ces nations est d’œuvrer à l’international afin de favoriser le renforcement ou la construction de la nation dans le cadre d’un pays multinational. Les objectifs des entrepreneurs identitaires sont de promouvoir les exportations, d’attirer les investissements, d’aller chercher les ressources qui leur font défaut à l’interne en plus de chercher à se faire reconnaître comme nation sur la scène mondiale, processus essentiel de toute tentative de construction de la nation. Cette situation tend à être très conflictuelle lorsque le gouvernement central est hostile aux revendications identitaires de l’« autre nation » comme la Catalogne et le Pays basque en Espagne ou encore le Québec au Canada.
La paradiplomatie n'est pas à confondre avec la notion de diplomatie parallèle (en anglais Track II diplomacy) qui concerne l'intervention dans le champ diplomatique d'entités non étatiques telles que des ONG internationales, des syndicats, des cercles de réflexion ("think thank") ou des particuliers.
La définition citée en tête de cet article a été proposée par Panayotis Soldatos, l'un des premiers (avec Ivo Duchacek) à utiliser le terme de paradiplomatie. La paradiplomatie répond à un besoin fonctionnel : selon Stéphane Paquin, « on peut parler de paradiplomatie lorsqu'un gouvernement infranational ou non central, comme le gouvernement du Québec, mandate un acteur, souvent un ministre, pour négocier ou entrer en relation et défendre les intérêts de cet acteur directement avec d'autres acteurs étrangers Ces acteurs peuvent être des États souverains, des États fédérés, des ONG ou des acteurs du secteur privé »[7].
« La paradiplomatie est donc similaire à la diplomatie normale, à la différence près que les gouvernements non centraux ne sont pas des acteurs reconnus en droit international. Ils ne peuvent pas devenir membres à part entière d'organisations internationales ou faire partie d'un traité international (à quelques exceptions près comme dans le cas de la Belgique) »[8]. Mais ils participent souvent à la négociation internationale et au travail d'une organisation internationale, mais au sein de la délégation nationale - dans le cas du Québec, au sein de la délégation officielle canadienne. Parmi les principales questions abordées dans la paradiplomatie figurent la politique économique et commerciale, l'investissement étranger, les efforts pour attirer les centres de décision, la promotion des exportations, la science et la technologie, l'énergie, l'environnement, l'éducation, l'immigration, la mobilité des travailleurs, les relations multilatérales, le développement international et même les droits humains[9]. La paradiplomatie est également de plus en plus préoccupée par les questions de sécurité, en particulier la sécurité transfrontalière.
Bien que le terme « paradiplomatie » ait commencé à être employé dans les années 1980, il a été introduit dans le débat académique par les travaux du chercheur canadien Panayotis Soldatos. L'écrivain américain Ivo Duchacek développa le concept et devint l'un de ses principaux théoriciens. D'autres dénominations actuelles pour la paradiplomatie et les concepts connexes sont : la diplomatie à plusieurs niveaux, la diplomatie sous-étatique et les affaires intermestiques. Ce dernier concept exprime une tendance croissante à l'internationalisation des questions nationales (« intermestiques »), qui place les préoccupations locales et régionales au centre des affaires internationales.
Même si le phénomène n'est pas nouveau, il prend de l'importance depuis 1960-1970. En réaction à la mondialisation, les gouvernements non centraux ont étendu leur présence à l'étranger. La paradiplomatie identitaire est différente. L'objectif fondamental de la paradiplomatie identitaire est de construire et de renforcer l'identité nationale des minorités en menant des actions internationales à l'étranger. Selon Stéphane Paquin, qui a proposé ce terme, « la paradiplomatie identitaire se distingue de la protodiplomatie en ce qu'elle ne vise pas l'indépendance politique. Le double objectif de la stratégie des nations minoritaires est de galvaniser leur développement et d'obtenir une reconnaissance internationale en tant que nation à l'étranger »[10].
Avec la mondialisation, les régions sub-étatiques jouent un rôle international de plus en plus influent. Les régions, les Länder, les provinces et les villes cherchent à promouvoir le commerce, les investissements, la coopération et le partenariat sur une longue liste de sujets et représentent une part importante des contacts transfrontaliers actuels. Cette tendance soulève de nouvelles questions intéressantes concernant le droit international public et ouvre un débat sur l'avenir du système étatique qui a été à la base de l'ordre politique international au cours des siècles passés.
En 1993, une révision constitutionnelle a accordé aux régions et communautés le droit de développer la coopération internationale, y compris la ratification des traités, dans les matières relevant de leur compétence exclusive (article 167, paragraphe 3). Les questions culturelles et éducatives sont, selon le paragraphe 3 de l'article 127, les domaines relevant de leur compétence exclusive. Cette faculté comprend la rédaction des traités, qui sont ratifiés par les Conseils des Communautés française et flamande par décret (article 128 (1.1)). L'article 130, paragraphe 4, prévoit le même droit pour la Communauté germanophone et ajoute les "questions personnelles" à ses domaines de compétence. Les Communautés ayant acquis le droit exclusif de développer leurs relations internationales sur ces questions exclusives, le Roi ne peut signer, ratifier ou dénoncer les traités en leur nom. Seuls les traités conclus avant le peuvent être dénoncés par le Roi. La rigidité du champ de compétences de la Belgique a soulevé des difficultés juridiques pour l'approbation des traités internationaux traitant des questions fédérales et communautaires. Ces traités, dits traités mixtes, font l'objet d'un accord de coopération entre l’État fédéral, les Communautés et les Régions (), qui prévoit un mécanisme complexe de partage des responsabilités.
Les provinces canadiennes comptent parmi les unités infranationales les plus actives sur la scène internationale. Le montant total dépensé en diplomatie par les dix provinces canadiennes est égal à celui des cinquante États américains, malgré le fait que la population du Canada représente seulement un neuvième de la population américaine et son économie un quatorzième de celle des États-Unis. Les provinces canadiennes sont en grande partie motivées par des préoccupations économiques découlant du degré élevé de diversité économique entre les provinces du pays et de l'intégration du Canada aux marchés mondiaux, en particulier au marché américain par le biais de l'ALENA. Neuf des dix provinces commercent davantage avec les États-Unis qu'avec le reste du Canada. Les relations avec les principaux partenaires commerciaux, en particulier les États-Unis, sont les plus importantes. En même temps, le nationalisme québécois a motivé la province francophone du Québec à resserrer ses liens avec la France et les autres membres de la Francophonie.
Les États fédéraux des États-Unis ont une diplomatie parallèle, autonome par rapport à celle menée par le gouvernement américain. Auparavant, le champ de compétence des États américains ne s'étendait pas aux relations internationales, mais cela a changé avec la mondialisation des échanges commerciaux. Leur diplomatie parallèle peut aussi toucher des domaines de compétence qui ne sont pas traditionnellement de leur ressort, comme les droits de l'homme, l'environnement, ou la sécurité militaire. En 2005, l'ensemble des États américains dépense 200 millions de dollars dans leur paradiplomatie, et possède, en 2001, 183 représentations à l'étranger[11].