Philia (en grec ancien φιλία / philía) est le mot grec désignant l'état, le sentiment ou l'émotion de l'amitié ou de la camaraderie, elle fait partie des différentes catégories amoureuses désignées par les Grecs aux côtés de « storgê », « agapé » ou « éros », mais à la différence de ce dernier, la philia désigne ce que Tobie Nathan dénomme un « amour raisonnable »[1].
Philia désignait à l'origine l'hospitalité[2], autrement dit « proprement non une relation sentimentale mais l'appartenance à un groupe social [3]. »
À partir de Platon, on peut considérer que la philia est le nom de grec de ce que nous appelons « lien social », elle est la relation qui existe entre les citoyens de la cité et qui forme la communauté. La question platonicienne, et qui sera reprise par Aristote, est de savoir comment produire entre les citoyens des relations d'amitié (philia), c'est-à-dire le lien social sans lequel la cité n'existerait pas ? Pour Platon la réponse passe par les Lois et les coutumes qui inculquent aux citoyens des opinions communes et les rend vertueux[4].
La philia n'est donc pas simplement le rapport interpersonnel que l'on traduit habituellement par amitié, mais une catégorie politique et éthique qui naît avec la citoyenneté grecque et l'égalité de tous devant la Loi.
Dans l’Éthique à Nicomaque, Aristote appelle philia l'affection qui fait que nous aimons un être pour ce qu'il est, et non pour ce qu'il peut nous apporter. Il distingue trois formes d'amitié selon qu'elle vise l'utilité, le plaisir ou la vertu. Le concept de philia englobe l'ensemble des relations interindividuelles, et peut désigner autant celle du père avec ses enfants, que du mari avec sa femme ou du chef avec ses sujets. D'autre part, elle est proprement humaine, car il considère également que les dieux n'ont pas de rapport d'amitié[5].
Marie-José Mondzain, oppose dans son ouvrage Accueillir - Venu(e)s d'un ventre ou d'un pays, les liens familiaux et biologiques du sang dans la filiation à la philiation, terme inventé à partir de la notion de philia. Là où l'institution familiale s'appuie sur les « liens du sang » pensés comme naturels et reconduit une logique d'appartenance fondée sur l'héritage, la propriété, le pouvoir et le sol, la philiation s'appuie sur une hospitalité dont en réalité aucun nouveau-né ne fait l'économie quand il devient membre d'une famille. Cette hospitalité est strictement culturelle et symbolique puisqu'elle organise à partir de gestes et de signes l'entrée et la cohabitation du nouveau dans la communauté. La naissance ne devient donc qu'un mode particulier de l'accueil et d'une adoption toujours première par rapport au sang, au ventre et au sexe. L'adoption elle-même n'est plus considérée comme une procédure juridique et contractuelle mais devient « le modèle fondateur de toute relation d'attachement, de transmission et d'intégration, chargée d'affects, construite et projetée dans la durée. »[6]