Pierre Du Moulin, né le à Buhy et mort le à Sedan, est un pasteur et théologienprotestant français réputé pour son orthodoxie. Il est connu comme premier pasteur du temple de Charenton et tenant de l'Académie de Sedan l'espace d'une trentaine d'années (1621-1658).
Pierre est le fils de de Joachim Du Moulin, pasteur protestant. Le , Joachim épouse en l'église d'Orléans, demoiselle Françoise Gabet, fille d'Innocent Gabet, juge pour le Roi, à Vienne en Dauphiné (qui sera tué par les catholiques peu après le massacre de la Saint-Barthélemy). De ce mariage sont issus cinq enfants : Esther, mère du pasteur et orientaliste Samuel Bochart, Joachim[1], Pierre et Éléazar[2] et Marie, épouse du théologien André Rivet.
Joachim du Moulin, avec ses deux enfants, Esther et Joachim, âgés de trois ans et de un an, et sa femme enceinte de Pierre, fuyait la persécution ; il avait été chassé de son église de Mouy. Après avoir erré de retraite en retraite, la famille arrive au château de Buhy, en Vexin. Monsieur de Buhi, protestant, frère de Philippe Duplessis-Mornay, lui offrit un asile. C'est dans ces circonstances que naquit Pierre du Moulin, le .
En 1570, l'édit de Pacification permit à Joachim de réunir toute sa famille à Cœuvres, où était réfugiée l'église protestante de Soissons, chez Jean Ier d'Estrées ; église dont il était le pasteur. Après le massacre de la Saint-Barthélémy, Antoine d'Estrées, qui succédait à son père, change de religion et chasse ses anciens protégés.
Ils trouvèrent la protection du duc de Bouillon, alors Henri-Robert de La Marck, et arrivèrent à Sedan le . La mère, Françoise, mourut peu après leur arrivée, le . L'année suivante, Joachim du Moulin se remaria, avec Guillemette d'Avrigny « de la maison d'Anserville[3]». De ce second mariage naquirent trois enfants : Marie[4], Jean et Daniel.
Quelque temps après il alla de nouveau servir l'église réformée de Soissons, installée alors à Saint-Pierre-Aigle, laissant ses enfants à Sedan[5].
En 1584 Joachim du Moulin revint à Sedan pour s'y fixer. Pierre suivait les cours du collège, nouvellement fondé[6].
En 1588, fuyant les guerres de la Ligue, il s'échappa en Angleterre. Il y devint le précepteur du fils de la comtesse de Rutland, lequel étudiait à Cambridge. C'est ainsi qu'il suivit les cours du docteur Wittaker. Durant les vacances, il allait à Londres au contact de l'église réformée wallonne.
Il était installé depuis quatre ans en Angleterre lorsqu'il se résolut à rejoindre Leyde où son ami François du Jon professait la théologie. Il accepta un poste de conrecteur, sorte de maître-adjoint, au collège de Leyde. Peu après, il fut admis, sur concours, à l'âge de vingt-quatre ans, professeur à l'Académie de Leyde[7]. Il resta dans cette charge cinq ans et trois mois.
En 1595, il publia sa première œuvre, qui eut de nombreuses rééditions : La Logique françoise.
À Leyde, il prend pension chez Joseph Juste Scaliger, où il rencontre des personnages distingués et de grand mérite et s'y fait de puissants amis. Durant son séjour à Leyde, il fréquente, Paul Trude Choart, duc de Buzenval[8], alors ambassadeur de France à La Haye.
En 1599, il revient à Paris, où on lui confie le soin d'accompagner, avec la fonction de chapelain, la princesse Catherine de Bourbon en Lorraine. Chaque année d'abord, puis, à partir de 1603, tous les deux ans, il faisait le même voyage, qui durait trois mois. C'est au cours de ce voyage, en 1599, qu'il rencontra à Vitry-le-François, Marie Colignon[9], « demoiselle de la Religion » ; il l'épouse à son retour en France.
Il s'installe ainsi, en 1599, à Grigny, comme pasteur, puis se déplace, vers 1603, dans la paroisse d'Ablon. Pierre Du Moulin fut le premier pasteur du temple de Charenton.
En , il est député à l'assemblée politique générale de l’Église réformée qui se tient à Châtellerault.
Il passe ainsi une quinzaine d'années de controverses, contre les catholiques, mais aussi contre certains réformés. Il est appelé en 1615 en Angleterre pour y travailler à une réunion des églises protestantes, et préside le synode d'Alès en 1620.
Dans cette année 1620, la situation politique se gâte pour les réformés. Pierre Du Moulin quitte alors la France pour Sedan où il arrive le , pour quelque temps pensait-il ; il y resta 37 ans, jusqu'à sa mort.
Vers 1638, il écrit Esclaircissement des controverses salmuriennes qui circulera neuf ans à l'état de manuscrit avant d'être imprimé ; il en permit la publication en 1647.
Pierre Du Moulin (né le - mort en 1684), son fils ainé, chapelain de Charles II d'Angleterre et chanoine de Cantorbéry. Il est l'auteur du Traité de la paix de l'âme et du contentement de l'esprit.
Louis Du Moulin (né le -mort en 1683) , auteur de polémiques contre le catholicisme et d'un Paraenesis ad Edificatores Imperii in Imperio, dédié à Olivier Cromwell.
Marie Du Moulin (supposée née à Sedan en 1620 ou 1621-morte à La Haye en ), « versée dans l'hébreu, la logique, la physique et la morale et dans d'autres sciences, elle entretint longtemps un commerce de lettres hébraïques avec la docte Mlle de Schurman […] [Elle] a triomphé un jour du fameux père Adam, jésuite[10] (…). Bayle l'a signalée comme une personne de grand mérite. Jurieu a dit que cette illustre fille, fort amie de M. de Bleswik, avait des degrés d'habileté et de connaissance qui ne sont pas ordinaires aux personnes de son sexe. Elle a mérité d'être inscrite par Colomiés parmi les savans français qui ont su la langue sainte[11]. »
Il est l'auteur de plus de 75 ouvrages[12], en particulier :
La philosophie françoise de Pierre Du Moulin : Elémens de la logique françoise, 1re éd. en 1596, de nombreuses rééd. dont : Rouen : Jacques Caillouë, 1627 lire en ligne
Théophile ou de l’amour divin, La Rochelle, 1609 lire en ligne
Apologie pour la saincte cène du Seigneur, contre la présence corporelle et transsubtantiation, La Rochelle, 2e éd., 1609 lire en ligne
Bouclier de la foy ou Défense de la confession des Églises Réformées du Royaume de France. Contre les objections du Sr Jehan Arnoux Rionnois Jesuite - livre auquel sont décidées toutes les principales controverses entre les Églises réformées, & l’Église romaine, Genève, Pierre Aubert, 1619 lire en ligne
Accroissement des Eaux de Siloé, pour esteindre le feu de Purgatoire, & noyer les Satisfactions humaines & les Indulgences Papales, Genève, Pierre Aubert, 1614 lire en ligne.
De monarchia temporali pontificis romani liber, quo imperatoris, regum et principum iura adversus usurpationes papae defenduntur, Londres, 1610 et Genève, Auberti, 1614.
Copie d'une lettre de Monsieur de Moulin, Ministre en l’Église reformée à Paris, escripte à un sien Amy en Hollande, Schiedam, Adrien Corneille ; La Haye, Arnauld Meuris, 1617 lire en ligne
Accomplissement des Prophéties, où est montré que les prophéties de S. Paul, & de l'Apolalypse, & de Daniel, touchant les combats de l'Église sont accomplies, Sedan, Abdias Buyzard, 1624 lire en ligne
Véritable narré de la conférence entre les sieurs Pierre Du Moulin & Gontier ; secondé par Madame la baronne de Salignac, Genève, Pierre Aubert, 1625 lire en ligne.
Nouveauté du Papisme, Opposée à L'Antiquité du Vray Christianisme, contre le livre de Mr le Cardinal du Perron, Genève, Pierre Chouët, 1627 lire en ligne.
L'anti-barbare, ou du langage incogneu : tant ès prières des particuliers qu'au service public, Genève, Pierre Aubert, 1631 lire en ligne
Anatomie de la messe, où est monstré par l'Escriture saincte & par les tesmoignages de l'Ancienne Église, que la Messe est contraire à la parole de Dieu, & éloignée du chemin du Salut, Genève, Pierre Chouët, 1636 lire en ligne
Le Capucin. Traitté, auquel est descrite et examinee l'Origine des Capucins, leurs Vœux, Reigles, & Disciplines.
Trois sermons faits en présence des Pères Capucins qui les ont honorez de leur présence, Genève, Jacques Chouët, 1641 lire en ligne
Elementa Logica ab autore recognita, Raphelengii, Ex Officina Plantiniana, 1553 lire en ligne
Décades de Sermons par Pierre du Moulin, Sedan, François Chayer, 1656 lire en ligne
Semaine de méditations et de prières ; avec une préparation pour la Sainte Cène, plusieurs éditions dont à La Haye, Abraham Troyel, 1695 lire en ligne
Esclaircissement des controverses salmuriennes, ou défense de la doctrine des Églises réformées, Genève, Pierre Aubert, 1648 lire en ligne
Saintes prières, plus divers traitez, Genève, I. Ant. & Samuel de Tournes, 1666 lire en ligne
En outre, il laissa un manuscrit autobiographique. Ce manuscrit ne reçut une édition qu'au milieu du XIXe siècle dans le Bulletin de la Société de l'histoire du protestantisme français, Paris, 1858, p. 170-182lire en ligne, 333-344 lire en ligne & 465-477 lire en ligne[13].
Il existe aussi le compte rendu d'un débat avec un prédicateur italien Jean Gontery (ou Gontieri): Véritable narré de la conférence entre les Sieurs Du Moulin et Gontier, secondé par Madame la Baronne de Salignac[14], suivi de Response du Sieur du Moulin aux lettres du sieur Gontier, escrites au Roy sur le sujet de leur conférence, Genève, pour Pierre Aubert, 1625, 32 p. lire en ligne
↑En 1583, son frère Joachim, se noya dans le Gave près d'Orthez.
↑En 1588, son frère, Eléazar, mourut à l'âge de dix-huit ans. Il avait quitté ses études et s'était mis « es trouppes commandées par M. de la Noue Bras de fer. Luy & ses gens, surmontés par la multitude, furent tous tués et despouillés tout nuds, & jettés ensemble en une fosse cavée exprès pour les enterrer. Mon frère n'estoit pas encore mort, & quand on le prit pour le mettre avec les autres, il se mit à parler, demandant la vie, & promettant rançon. Mais ils ne laissèrent pas de le mettre avec les autres, & il fut enterré vif. »
↑Guillaumette était la veuve du pasteur de Montataire (sous la protection de Jean de Madaillan), tué dans les massacres de la Saint-Barthélémy, nommé Mercadet ou Mercatel. cf : Jacques Pannier, L'Église réformée de Paris sous Henri IV, Champion, 1911, p. 134.
↑Marie fut l'épouse, en secondes noces, d'André Rivet, pasteur à Thouars, puis à Leyde, enfin à Bréda.
↑La Réforme en Picardie, dans le Bulletin de la Société de l'histoire du protestantisme français, Paris, 1859, p. 418 lire en ligne.
↑Là il eut pour émule Jacques Cappel, qui remporta à sa sortie le second prix, Pierre du Moulin ayant eu le premier.
↑Il eut comme disciples plusieurs savants dont Hugo Grotius, avec lequel, plus tard, il engagea une polémique.
↑Marie Colignon était « fille de M. de Chalitte, gentilhomme qualifié, et veuve du pasteur Samuel Le Pois, officiant à Badonvillers, colloque de Champagne ». Le Registre des Baptêmes Protestants de Badonviller (1567-1624)[1], indique : « Samuel LE POIS : le 29 octobre 1595 sa fille Jeanne fut baptisée. Il mourut peu après ». L'enfant était-il encore vivant ?.
↑Jean Adam (né à Limoges en 1608 et mort le 12 mai 1684) est un prédicateur et controversiste qui lutta contre les calvinistes et les jansénistes (et s'en prit même aux dogmes de Saint Augustin).
↑Jean-Baptiste-Joseph Boulliot, Biographie ardennaise ou Histoire des Ardennais qui se sont fait remarquer par leurs écrits, leurs actions, leurs vertus et leurs erreurs, en 2 volumes, Paris, 1830, vol. 2, p. 257 lire en ligne.
↑Biographie universelle ou Dictionnaire historique, vol. 4, p. 2104.
↑L'éditeur du Bulletin nourrit des doutes sur l’authenticité du document : « Le manuscrit est, comme on le voit, demeuré inachevé. Du Moulin, qui n'est mort qu'en 1658, à l'âge de 94 ans, paraît s'être ainsi arrêté à l'année 1641. Si nous disons seulement paraît, c'est que le manuscrit de cette autobiographie, considéré depuis longtemps et accepté d'abord par nous comme un original émanant de la main même de Du Moulin, n'est aujourd'hui, à nos yeux, qu'une copie de famille, parfaitement authentique sans doute, mais n'ayant pas toute la valeur qu'aurait le manuscrit original. ».
↑Si l'on en croit la première édition cette controverse eut lieu « le samedy unziesme d'avril 1609 .».
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
Recit des dernieres heures de monsieur Du Moulin. Decedé à Sedan le 10. Mars 1658, Genève, pour Pierre Chouët, 1661 litre en ligne
Biographie universelle ou Dictionnaire historique , par une société de gens de lettres, Paris, Furne, 1833, vol.4, p. 2104 lire en ligne
Alexandre Rodolphe Vinet, Histoire de la prédication parmi les réformés de France au dix-septième siècle, Paris, chez les éditeurs, 1860, p. 9-71lire en ligne
Gédéon Gory, Pierre du Moulin ; essai sur sa vie, sa controverse et sa polémique, thèse présentée à la Faculté de théologie protestante de Paris, pour le grade de bachelier en théologie, soutenue le , Paris, Fischbacher, 1888, 86 p.lire en ligne
Julien Massip, Pierre Du Moulin, un vieux prédicateur huguenot : essai sur les sermons de Pierre du Moulin, thèse soutenue devant la Faculté de théologie protestante de Montauban, en , J. Granié, 1888, 70 p.
Gustave Cohen, Écrivains français en Hollande, dans la première moitié du XVIIe siècle, Paris, Champion, 1920, p. 177-180lire en ligne
Lucien Rimbault, Pierre Du Moulin, 1568-1658, un pasteur classique à âge classique, Paris, J. Vrin, 1966, 255 p., rééd. 2002 (ISBN978-2-71160-651-1).
L'on peut en lire une courte critique : Roger Stauffenegger, « Lucien Rimbault. Pierre du Moulin (1568-1658), un pasteur classique à l'âge classique », Revue d'histoire de l'Église de France, 1967, vol. 53, no 150, p. 103 lire en ligne.