Dans le domaine spatial, la plateforme, appelée également module de service ou bus, est le sous-ensemble d'un engin spatial qui rassemble les servitudes : navigation, propulsion, télécommunications, pilotage, etc. Cet ensemble se définit par opposition aux équipements conçus spécifiquement pour remplir les objectifs de la mission — instruments scientifiques, répéteurs (satellites de télécommunications), caméras ou radars pour les satellites de reconnaissance, astromobiles des missions atterrissant sur Mars, etc. — qui sont désignés globalement sous l'appellation de charge utile.
Dans la mesure où elle remplit des objectifs généraux, une plateforme peut être utilisée pour des missions spatiales emportant des charges utiles différentes (dans certaines limites) et donc construite à plusieurs exemplaires identiques permettant une réduction des coûts.
Un engin spatial (satellite artificiel, sonde spatiale d'exploration du système solaire, télescope spatial, vaisseau emportant un équipage) comprend deux sous-ensembles[1] :
Ce découpage traduit le fait que la plateforme est relativement générique alors que la charge utile est souvent spécifique à chaque mission. Sur le plan industriel, la construction d'une plateforme est le fait d'un nombre réduit de spécialistes (en Europe Thales Alenia Space, Airbus Défense & Space et OHB-System). Ceux-ci disposent d'un catalogue de plateformes génériques conçus pour un type de mission et une masse de charge utile donnée. Par contre, les charges utiles, compte tenu de leur diversité, sont construites par des entreprises ou des laboratoires de recherche très spécialisées et beaucoup plus nombreuses. Dès la fin de la conception, les deux sous-ensembles entament des processus de développement complètement distincts et ne sont assemblés que pour les tests d'intégration finaux.
La plateforme d'un engin spatial remplit les rôles suivants :
La plateforme joue tout d'abord un rôle mécanique, en offrant une structure d'accueil pour les principaux sous-ensembles fonctionnels du satellite. Elle assure également en général l'interface mécanique avec le lanceur. Cette structure doit être conçue pour permettre de résister aux contraintes auxquelles elle est soumise entre le décollage et la mise en orbite. Durant cette phase initiale le satellite subit des fortes accélérations générées par la poussée du lanceur (plusieurs g), des vibrations et des effets acoustiques (bruit des moteurs) durant la traversée des couches atmosphériques denses. La structure doit concilier la résistance à ces contraintes et la nécessité de réduire au maximum la masse du satellite[2].
Le second rôle est d'assurer le contrôle du vol, au sens large : un satellite doit être « piloté » du point de vue de son attitude (orientation dans l'espace) et de ses paramètres orbitaux (sa trajectoire, sa position sur une orbite donnée). La fonction qui joue le rôle du pilote s'appelle système de contrôle d'attitude et d'orbite (SCAO)[3].
Le SCAO utilise des capteurs (on dit aussi senseurs, mot dérivé de l'anglais sensor) pour déterminer l'attitude du satellite : typiquement on utilise des capteurs optiques qui mesurent la position du Soleil, de la Terre ou des étoiles (viseur d'étoiles dont les positions sont connues et référencées dans un catalogue). Ces informations sont souvent complétées par des gyromètres qui mesurent les vitesses angulaires du satellite autour de ses axes[3].
La détermination d'orbite est en général assurée par le sol via des mesures de distances, mais l'émergence de techniques de navigation comme le GPS permet d'assurer cette restitution à bord[3].
Le pilotage proprement dit s'effectue alors par le biais d'actionneurs qui engendrent des forces et des couples ; on utilise principalement[3] :
Le troisième rôle de la plateforme est d'assurer la mise en œuvre d'un système de propulsion chimique ou électrique. Dans un système de propulsion chimique, outre les moteurs (lien tuyère) proprement dits, on va retrouver des réservoirs d'ergols ainsi que d'un gaz pressurisant (hélium en général) qui chasse les ergols vers les moteurs. Les systèmes de propulsion électrique utilisent en général du xénon qui est ensuite accéléré par un dispositif ionique ou plasmique. Le système de propulsion peut représenter plus de la moitié de la masse d'un engin spatial : c'est par exemple le cas d'un satellite géostationnaire qui embarque le moteur d'apogée chargé de transformer l'orbite haute en orbite géostationnaire ou d'une sonde spatiale qui doit modifier fortement sa vitesse pour remplir ses objectifs (insertion en orbite autour d'une planète, modifications importantes de trajectoire durant le transit jusqu'à son objectif.
Ce sont en général celles liées à la propulsion spatiale.
La quatrième fonction du module de service est d'assurer l'alimentation du satellite ou de la sonde spatiale en énergie. Dans la plupart des applications, on utilise des cellules photovoltaïques qui convertissent l'énergie de la lumière du Soleil en électricité. Quelques satellites militaires particulièrement gourmands en énergie et certaines sondes spatiales qui doivent s'éloigner du Soleil (exploration de Jupiter, Saturne, Pluton, ...) mettent en œuvre des générateurs thermoélectriques à radioisotopes : ceux-ci convertissent la chaleur générée par la radioactivité du plutonium pour fournie de l'énergie électrique. Pour les missions de courte durée du programme spatial habité, le programme Apollo a utilisé des piles à combustible qui présentent l'avantage de fournir également de l'eau lorsqu'elles fonctionnent[4].
Les cellules solaires sont placées directement sur la structure du satellite pour les satellites stabilisés par rotation ou pour les très petits satellites (CubeSats), soit sur des panneaux solaires, qui sont généralement déployés en orbite. L'énergie produite par les cellules solaires est stockée dans des batteries d'accumulateurs qui peuvent utiliser différentes technologies : cadmium-nickel, nickel-hydrogène. La plus récente dite lithium-ion offrant de bons rapports poids/performances[4].
L'énergie électrique, qu'elle provienne directement des panneaux solaires ou des batteries, est distribuée aux équipements du bord via un système de régulation qui fournit en général du courant continu sous une tension constante[4].
Cette fonction est également présente au niveau de la charge utile, mais elle joue un rôle particulièrement important dans la conception de la plateforme. Elle a pour objet de s'assurer que les composants du satellite ou de la sonde spatiale, qu'il s'agisse de la structure ou des équipements, restent dans des plages de température compatibles avec les performances et la durée de vie. Il s'agit donc de gérer les échanges de chaleur entre le satellite et son environnement, d'une part, ainsi que les échanges de chaleurs entre différents composants, d'autre part[5].
On distingue le contrôle thermique passif du contrôle thermique actif[5] :