En physique théorique, le principe de Mach est une conjecture selon laquelle l'inertie des objets matériels serait induite par « l'ensemble des autres masses présentes dans l'univers », par une interaction non spécifiée. Ce principe a été forgé par le physicien Ernst Mach par extension du principe de relativité aux questions d'inertie : pour Mach, parler d'accélération ou de rotation par rapport à un espace absolu n'a aucun sens, et il vaut mieux parler d'accélération par rapport à des masses lointaines.
Ce principe est immédiatement tiré des expériences de Mach sur la physique des sensations, et correspond à sa volonté délibérée d'organiser les notions de la physique d'une manière cohérente avec le donné sensoriel dont il a conduit une très rigoureuse étude expérimentale, relatée dans « la physique des sensations » (Die Analyse der Empfindungen und das Verhältnis des Physischen zum Psychischen (1re édition 1886, 2e édition revue et augmentée 1900)).
Bien que cette idée ait guidé Einstein dans la découverte de la relativité générale, cette théorie n'a pu amener à une preuve explicite de ce principe. Cependant, bien que non explicitement démontré, ce principe n'est pas non plus infirmé par les théories physiques actuellement admises.
Le « principe de Mach »[1] est ainsi désigné à la suite d'Albert Einstein (-) qui l'a introduit en [1],[2],[3],[4], mais il s'avère que sa plus ancienne occurrence connue se trouve dans un article de Moritz Schlick (-) paru en [5],[6],[7].
L'éponyme[8] du principe est le physicien autrichien Ernst Mach (-) qui en introduit l'idée pour la première fois en [9] puis [1],[9] dans son ouvrage The Science of Mechanics[10]. Depuis le principe de Mach a fait l'objet de multiples formulations[11],[12].
Le principe de Mach repose sur une expérience de pensée dans laquelle un astronaute flotte au milieu d'un espace vide de toute matière et de tout point de repère. Aucune étoile, aucune source d'énergie n'est présente, quelle que soit la distance considérée. La question se pose alors de savoir si l'astronaute dispose d'un moyen de déterminer s'il est en rotation sur lui-même ou non, et ce malgré l'absence de point de repère.
Si le principe de Mach est faux, c’est-à-dire si les forces d'inertie existent même en l'absence de toute matière ou énergie, alors l'astronaute pourrait le savoir, en ressentant des forces d'inertie, comme la force centrifuge qui poussent ses bras vers l'extérieur. Cette idée heurte le sens commun, dans la mesure où il est difficile de concevoir un mouvement, en l'occurrence une rotation, sans aucun point de référence. Cela impliquerait la notion d'un espace et d'un référentiel absolu, ce qui est remis en cause par le principe de relativité générale.
Une manière d'interpréter les forces d'inertie en général, et la force centrifuge en particulier, sans introduire la notion de référentiel absolu est d'admettre avec Mach (et Einstein) que les forces d'inertie sont induites par les masses lointaines qui fournissent le référentiel par rapport auquel la rotation prend son sens physique.
Dans Six Easy Pieces, Richard Feynman juge le principe de Mach plausible, mais exprime tout de même ce jugement avec une pointe d'ironie, soulignant le caractère extraordinaire de l'hypothèse sous-tendue : « Pour autant que nous le sachions, Mach a raison : personne n'a à ce jour démontré l'inexactitude de son principe en supprimant tout l'univers pour constater ensuite qu'une masse continuait éventuellement à avoir une inertie ! ». Plus sérieusement, l'idée de Mach a influencé Einstein dans son idée que la matière « engendrait par nature » l'espace qui était autour d'elle, et qu'un espace vide de matière n'existait pas (voir à ce sujet les articles Big Bang et Relativité générale).
En , Einstein a énoncé comme suit le principe de Mach :
« c) Machsches Prinzip : das G-Feld ist restlos durch die Massen der Körper bestimmt. Da Masse und Energie nach den Ergebnissen der speziellen Relativitätstheorie das Gleiche sind und Energie formal durch den symmetrischen Energie-tensor (Tμν) beschrieben wird, so besagt daß das G-Feld durch den Energietensor der Matiere bedingt und bestimmt sei. »
— A. Einstein[15] (trad. de l'all. par R. Toncelli)[16]
« c) Principe de Mach : le champ G est complètement déterminé par les masses des corps. Comme, d'après les résultats de la relativité restreinte, il y a identité de la masse et de l'énergie et que l'énergie est décrite du point de vue formel par le tenseur d'énergie symétrique (Tμν), cela signifie que le champ G est conditionné et déterminé par le tenseur énergie de la matière. »
[Lichtenegger et Mashhoon 2007] (en) Herbert Lichtenegger et Bahram Mashhoon, « Mach's principle », dans Lorenzo Iorio (éd.) (préf. de Han-Jürgen Schmidt), The measurement of gravitomagnetism : a challenging enterprise, New York, Nova Science, , 1re éd., 17,1 × 25,4 cm (ISBN978-1-60021-002-0, présentation en ligne, lire en ligne), p. 13-25.
[Myhill 1957] (en) John R. Myhill, « Berkeley's De motu : an anticipation of Mach », dans George Plimpton Adams (éd. et préf.), George Berkeley (actes de la conférence commémorant le bicentenaire de la mort de George Berkeley, organisée par l'Union philosophique de l'université de Californie), Berkeley, UC Press, coll. « University of California publications in philosophy » (no 29), , 1re éd., 1 vol., VIII-206, potr., in-8o (24 cm) (OCLC458366592, BNF31700008, SUDOC064725340), p. 158-174.
[Popper 1963] (en) Karl R. Popper, « A note on Berkeley as precursor of Mach and Einstein », dans K. R. Popper, Conjectures and refutations : the growth of scientific knowledge, Londres, Routledge et K. Paul, , 1re éd., 1 vol., XIII-412, 25 cm (OCLC491652471, SUDOC096800860), chap. 6.
[Tobin 2002] William Tobin (trad. de l'anglais par James Lequeux), Léon Foucault : le miroir et le pendule [« The life and science of Léon Foucault : the man who proved the Earth rotates »], Les Ulis, EDP Sciences, coll. « Sciences et histoires » (no 1), (réimpr. ), 1re éd., 1 vol., XII-354, ill. et portr., 19 × 25 cm (ISBN978-2-86883-615-1, OCLC52956216, BNF38892733, SUDOC068539274, présentation en ligne, lire en ligne).
[Mach 1883] (de) Ernst Mach, Die Mechanik in ihrer Entwicklung : historisch-kritisch dargestellt [« La mécanique dans son développement : exposé historique et critique »], Leipzig, F. A. Brockhaus, coll. « Internationale wissenschaftliche Bibliothek » (noLIX), , 1re éd., 1 vol., X-483, ill., in-8o (OCLC5894481271, SUDOC089159233).
[Girard 2008] Patrick Girard, Histoire de la relativité générale d'Einstein : développement conceptuel de la théorie (texte traduit en français et remanié de la thèse de doctorat en histoire des sciences, préparée sous la direction de Daniel M. Siegel, et soutenue à l'université du Wisconsin à Madison en sous le titre : The conceptual development of Einstein's general theory of relativity), Lyon, , 1re éd., 1 vol., VI-186 (lire en ligne [PDF]).
La théorie de l'absorbeur de Wheeler et Feynman, une théorie de l'électromagnétisme qui présente des similitudes avec le principe de Mach, car elle s'appuie sur la description d'un phénomène qui doit son existence à une interaction du système étudié avec l'ensemble des corps célestes présents dans l'univers.